On débat souvent de l' «intégration», ou plutôt de la «non intégration», des immigrés maghrébins dans les sociétés européennes. Intellectuels, politiciens et auteurs «faiseurs d'opinions» énumèrent tantôt les lacunes des Etats européens dans leurs politiques d'intégration, tantôt les erreurs et le manque d'investissement des immigrés. Aujourd'hui, force est de constater que les jeunes issus de la diversité sont dans une impasse sans précédant. Quelques années après les émeutes des banlieues en France, les problèmes d'intégration n'ont toujours pas trouvé de réponses rassurantes. Et si nos jeunes marocains du monde, et même notre jeunesse de Tanger à Lagouira, s'attardaient de plus près devant nos quelques modèles de réussite. Comme eux, enfants de la confluence, comme eux, enfants de la différence, ils ont su sortir leur épingle du jeu, se distinguer, briller sous d'autres cieux. Oui, le Maroc n'est grand que lorsqu'il l'est pour les autres. Oui, le Maroc «produit» des talents, des pointures, des exceptions. C'est le cas de Oussama Cherribi, un politicien et intellectuel, marocain et néerlandais, au parcours hors du commun. Jeune sociologue, il sera l'élève, l'apprenti et l'un des héritiers intellectuels de Pierre Bourdieu et de Mohammed Arkoun. Il quittera cependant rapidement le monde de la sociologie pour se confronter au «réel» et à l'action politique. Il entre au VVD, le parti populaire libéral et démocrate hollandais où il fera ses classes avant d'être élu, à la surprise générale, membre de la Chambre des Représentants. Issu d'une circonscription d'Amsterdam, il servira ses concitoyens de 1994 à 2004. A ce titre, il se spécialisa également dans les relations internationales en tant que membre de la commission des affaires étrangères, mais aussi au sein de l'assemblée du Conseil de l'Europe ainsi qu'à celle de l'UEO (Union de l'Europe occidentale). Etonnant de voir qu'un marocain, relativement jeune de surcroit, a pu représenter une ville européenne de grande taille, et de grande importance comme Amsterdam, dans l'ignorance quasi total de nos jeunes marocains et marocains du monde dont on observe, jours après jours, le détachement progressif envers le monde politique. Cherribi, populaire en Hollande, véritable figure de la ville d'Amsterdam, est ce que l'on peut qualifier de porte-parole de la jeunesse issu de la diversité, un exemple à suivre pour tous ces jeunes dégoûtés par la politique, se sentant abandonné par un Etat qui n'est pas le leur et détaché d'un pays d'origine dont ils ne connaissent rien ou très peu. Cherribi est un peu la promesse d'un avenir meilleur, d'une réussite possible dans la «Cité». Il a apporté du sang neuf dans la politique de son pays, un vent de renouveau. Oussama Cherribi, s'envolera par la suite pour les Etats-Unis pour renouer avec ses premiers amours : la sociologie et le milieu universitaire. Il est aujourd'hui Maître conférencier dans la prestigieuse université d'Emory à Atlanta. «Docteur Sam», comme on l'appelle aujourd'hui, a publié un ouvrage, dans la renommée maison d'édition Oxford University Press, intitulé «In the House of War : Dutch Islam Observed», une analyse de l'intégration de la communauté musulmane en Hollande. Il reste cependant proche de la politique, et on le dit l'intime des plus grands aux Etats-Unis, de Andrew Young, à Colin Powell en passant par le Président Jimmy Carter. Sam Cherribi conseille aussi activement de grandes fondations américaines comme la Leon H. Sullivan Foundation, la Fondation Carter encore le Martin Luther King Center. Lobbyiste, universitaire, analyste politique, Cherribi a de multiples casquettes au service d'une même cause : le développement socio-économique de l'Afrique, et plus particulièrement du Maroc. Amoureux de son pays de naissance, il n'exclut pas d'y revenir un jour pour entrer en politique. Sa mission, à lui le politicien accompli à l'étranger, pourrait être d'apporter de nouvelles pratiques, de nouvelles valeurs dans une scène politique marocaine en crise. Là où le populisme, les conservatismes et l'obscurantisme échouent à trouver des réponses concrètes aux problèmes socio-économiques, le pragmatisme d'un Oussama Cherribi serait le bienvenu. Il pourrait également, lui qui s'est lancé en politique très jeune, être un acteur de la réconciliation entre les jeunes et la chose publique. Un thème qui sera d'ailleurs l'objet de son prochain article, pour le Middle East Journal of Culture and Communication, intitulé «The Moroccan Youth : before and after the Arab spring».