Enseignant d'anglais, Dahmad a décidé de consacrer son temps libre aux enfants de Taskkourt, son village d'origine. C'est en plein air et dans la nature qu'il leur apprend et leur fait aimer la langue de Shakespeare. Loin de la terre de ses ancêtres, Mohamed Ouala a suivi brillamment ses études, avant de décider de retourner à son village d'origine et de partager une partie des connaissances acquises, avec les habitants de la région. Ils l'attendent désormais avec impatience, chaque week-end. Les samedis en matinée, les enfants de Taskkourt (province de Chichaoua) se rassemblent pour retrouver Dahmad (Sidi Mohamed). «J'avais l'habitude d'y aller pendant les vacances scolaires et je rêvais d'y passer plus de temps. Après la crise sanitaire de Covid-19, mon rêve s'est réalisé, puisque j'ai passé presque huit mois ici avec ma famille», a-t-il déclaré à Yabiladi. Au fil des mois passés sur sa terre natale, le jeune homme de 24 ans s'est attaché davantage au lieu et à ses habitants. Il décide alors de s'y rendre tous les week-ends. «Les enfants ont découvert par hasard que j'étudiais l'anglais et j'ai toujours entendu la même question : 'Est-ce vrai que vous êtes professeur d'anglais ?' Je ne voulais pas leur apprendre la langue de manière classique. Comme j'aime la nature et la montagne, j'ai choisi le grand air, loin de la monotonie urbaine», nous a-t-il confié. Une combinaison entre apprentissage ludique et épanouissement Dahmad a pensé faire d'une pierre deux coups, c'est-à-dire concevoir ses classes comme un espace d'épanouissement pour les enfants et pas seulement d'enseignement. «Dans la ville, il existe beaucoup d'espaces pour les enfants, proposant une série d'activités, ce qui n'est pas le cas, dans le rural. J'ai donc décidé que leur apprentissage de l'anglais se fasse de manière ludique». Passionné et avec un sens du détail développé, le professeur tâche de se fondre dans les habitudes vestimentaires des riverains, pour accueillir ses élèves plus facilement et briser la glace. Il leur propose plusieurs activités, au cours desquelles il s'exprime en anglais. «Je m'assure que les enfants acquièrent cette langue étrangère, en faisant des activités qui demandent des actions, par exemple, de façon à ce que l'apprentissage ne se fasse pas de manière rigide.» Dahmad «Par exemple, quand je me lève et que je dis à quelqu'un, 'come here', il voit le mouvement que je fais avec ma main et il comprend par lui-même ce que je veux dire», explique-t-il. Afin de changer l'atmosphère et pour un meilleur apprentissage de la langue, Dahmad utilise également la maison familiale, où il projette des films anglophones adapté à la jeunesse et à finalité éducative. «Je n'oublie pas de leur préparer du pop-corn, pour qu'ils vivent mieux l'ambiance du cinéma !», a-t-il ajouté avec amusement. «Quand ils écoutent des mots qu'ils ont déjà appris avec moi, ils se félicitent de les avoir compris et ils arrivent à saisir les dialogues entre les acteurs. J'en suis très fier», nous a-t-il encore confié. Dans les classes en plein air de Dahmad, le nombre d'enfants n'est pas limité. «À chaque séance, je suis surpris par la présence de nouveaux élèves, même quand il y a des absences, les enfants qui s'informent et s'entraident pour rester à jour par rapport à ce qui s'est fait. Cela me rend très heureux», souligne Dahmad. Le jeune homme a non seulement réussi à enseigner l'anglais aux enfants, mais il leur a aussi donné confiance en eux et en leurs capacités. Ils se projettent désormais vers un avenir meilleur, au-delà du parcours classique et normé qu'ont eu leurs aînés du village. «Avec le temps, leurs réponses sont devenues complètement différentes. J'essaye de changer leur manière de voir les choses et de leur transmette une énergie positive, en leur disant que leur village a besoin de ses enfants, qu'ils travaillent dans l'eau, l'électricité ou la santé, afin de sortir leur contrée des problèmes qu'elle connaît», affirme-t-il. Une réconciliation avec les cultures ancestrales Dahmad bénéficie désormais de la confiance des parents du village. «Au début, mon apparence dérangeait quelque peu. On me regardait comme un étranger, mais quand les habitants ont vu ce que je présentais à leurs enfants, mon style est rentré dans les habitudes», a-t-il confié. L'enseignant s'estime heureux, car en plus de passer des moments agréables et d'être satisfait en partageant des connaissances avec ces enfants, il a, à son tour, pu apprendre l'amazigh grâce à eux. «L'amazigh était comme un complexe pour moi, pendant une des périodes de ma vie, quand je vivais dans la ville de Settat où je suis né. J'ai subi une forme de racisme et j'ai entendu des propos blessants de la part de certaines personnes, parce que j'étais d'origine amazighe. De ce fait, j'ai souvent préféré ne pas parler de mon identité et j'ai demandé à mes parents de ne pas me parler amazigh.» Dahmad L'enseignant est passé du complexe de son origine amazighe à un ambassadeur de sa culture amazighe, à travers les réseaux sociaux, en mettant en avant des aspects ancestraux de l'habillement ou d'autres traditions. Il aspire aussi à ce que les plus jeunes gardent le lien avec l'anglais et qu'ils n'abandonnent pas l'école. «S'ils quittent les bancs, ils auront au moins la maîtrise la langue anglaise, ce qui peut leur ouvrir des portes», affirme-t-il.