Répondant à Vincent Peillon qui s'est prononcé dimanche en faveur de l'ouverture d'un débat sur la dépénalisation du cannabis, l'ex-garde des Sceaux, Rachida Dati, a estimé la position du ministre français de l'Education «lâche», «grave et irresponsable». L'occasion pour elle de revenir sur ce sujet particulièrement sensible puisque deux de ses frères ont été impliqués, en 2007 et en 2010, dans le trafic et la consommation de stupéfiants. Les détails. «Lâche». C'est ainsi que Rachida Dati juge l'attitude de Vincent Peillon qui s'est prononcé, dimanche, en faveur de l'ouverture d'un débat sur la dépénalisation du cannabis comme moyen de lutte contre les trafics dans les cités. «C'est un sujet majeur. Je vois quasiment tous les soirs sur nos chaînes de télévision des reportages pour montrer les trafics illicites de nos banlieues» a indiqué, hier soir, le ministre français de l'Education sur France Inter. Cette position est «grave et irresponsable» a estimé, lundi matin, Mme Dati au micro de radio RMC. «La montée du communautarisme et du radicalisme dans certains quartiers, ça a été une lâcheté des politiques. Sur le cannabis, la gauche veut recommettre cette lâcheté vis-à-vis du cannabis» a-t-elle renchéri. Quelques minutes plus tard, l'eurodéputée d'origine marocaine remettait le couvert sur le plateau de BFM-TV. «Toutes les études scientifiques démontrent que quand les adolescents fument du cannabis, ils passent à une autre drogue, qui est souvent l'héroïne. De toute façon, les conséquences sont graves et irréversibles sur leur santé. [...] On ne guérit pas de la toxicomanie» a argumenté la maire du VIIème arrondissement de Paris au micro de Jean-Jacques Bourdin. Habituée des lapsus, il semblerait que Mme Dati se soit de nouveau emmêlé les pinceaux entre son histoire familiale et «les études scientifiques», qui ne disent pas cela, ironise le site rue 89. Les deux frères de Dati impliqués dans le trafic de stupéfiants Son histoire familiale, l'ex-garde des Sceaux peut «en parler des heures». Sur BFM TV, elle a évoqué notamment le cas de son frère, Jamal, arrêté en 2010 en possession d'héroïne et de cannabis de retour des Pays-Bas : «Je peux en parler à titre personnel. Quand j'ai été touchée par ça, par mon frère, on ne savait pas ce qu'il se passait. On se disait 'tiens il est fatigué'» a-t-elle racontée. Quelques années auparavant, en décembre 2007, un autre de ses frères, Omar Dati, avait été déjà condamné à huit mois de prison ferme pour récidive dans le trafic de stupéfiants. La drogue est donc un sujet sensible chez les Dati, d'où le parti pris négatif de l'eurodéputée UMP contre le cannabis. D'où également son recours probable à un argument pseudo-scientifique, afin d'en dissuader la légalisation. Car comme le souligne le Dr Laurent Karila, psychiatre à l'hôpital Paul-Brousse (AP-HP) de Villejuif (et auteur de plusieurs livres sur les addictions) interrogé par Rue 89 : «Il n'y a pas d'escalade du cannabis vers les drogues dites "dures", cela fait partie des idées reçues fausses. Il est impossible de prédire l'évolution d'une substance vers une autre. En revanche, ce qui est sûr, c'est que plus on consomme tôt plus on va être dépendant, mais ça dépend de la vulnérabilité de chacun.» Les jeunes français : plus gros consommateurs de cannabis en Europe Sensibilités différentes ou pas, pour l'ex-ministre de la Justice, il ne faut pas légaliser «la toxicomanie». «C'est irresponsable vis-à-vis de nos jeunes en France. On a autre chose à nous proposer que de pouvoir se droguer légalement» a-t-elle lancé. Même si a priori légitime, le niet catégorique de Mme Dati ne diminue pourtant en rien l'existence d'un paradoxe français en regard du statut légal et de la consommation de cannabis. De fait, malgré les mesures répressives visant à en dissuader l'utilisation, «les jeunes français sont les plus gros fumeurs de cannabis en Europe » rappelle Jean-Jacques Bourdin, et ce, devant les Pays-Bas, où la consommation de la résine est pourtant légale. A la lumière de ce constat, il semblerait donc que ce ne soit pas par la loi qu'il faille chercher à circonscrire ce fléau mais plutôt par l'action, en proposant des solutions concrètes à une jeunesse au chômage par exemple.