Les résultats du premier tour des élections présidentielles françaises ont permis d'en savoir plus sur le changement de la perception des électeurs se déclarant de confession musulmane vis-à-vis des différents candidats, surtout après une année marquée par les débats sur l'islam de France et la loi sur le séparatisme. Les résultats officiels du premier tour de la présidentielle française donnent désormais Emmanuel Macron (27,84%) et Marine Le Pen (23,15%) en tête des suffrages, suivi de Jean-Luc Mélenchon (21,95%), évincé ainsi du second tour, prévu dimanche 24 avril. Mais par pratique religieuse des électeurs, la popularité des candidats est largement différente. Le candidat de la France insoumise (FI) a rassemblé près de 70% des votants musulmans, contre 14% seulement pour celui de La République en marche (LREM). En 2017, 37% ont voté Mélenchon et 25% pour Macron. Une étude de l'Ifop pour le journal La Croix indique que plus précisément, 69% des électeurs musulmans ont voté pour Jean-Luc Mélenchon. Le média français a analysé ce chiffre, indiquant que le candidat FI a bénéficié ces dernières semaines du soutien de certaines voix influentes au sein de la communauté musulmane française de diverses mouvances, allant de l'islam modéré, politique aux rigoristes. Sur TikTok, le compte «Un jour, un hadith» suivi par 140 000 abonnés a appelé à deux reprises à voter Mélenchon, a rappelé la même source. Par ailleurs, un groupe d'imams a diffusé un communiqué en adoptant la même position et considérant que le candidat FI était «le moins pire». Sur Twitter, le document rappelle que l'homme politique a été «le seul à avoir abordé la question de la liberté des musulmans et la défense de leurs droits». Présidentielles 2022 : Au Maroc, Mélenchon en tête, l'extrême droite perce à Agadir et Marrakech [Officiel] Le seul candidat ouvertement opposé à la loi sur le séparatisme L'électorat se déclarant de confession musulmane et que Jean-Luc Mélenchon a pu convaincre entre 2017 et 2022, ne se serait en effet pas décidé uniquement après les appels d'imams favorables à ce vote. Une semaine avant le premier tour du scrutin, le Collectif contre l'islamophobie en Europe (CCIE) a lancé une enquête interne auprès des adhérents. Selon les résultats, 81,1% des sondés ont exprimé leur intention de voter Mélenchon. Quatre jours avant l'échéance électorale, l'ONG héritière du CCIF dissout par décret du ministre Gérald Darmanin, a publié une synthèse des positionnements de certains candidats en matière d'islamophobie. Elle rappelle que le candidat FI a été celui s'étant prononcé contre la loi sur le séparatisme et la fermeture administrative de lieux de culte, tout en ayant une vision fidèle de la laïcité et en se prononçant pour la liberté dans le choix des tenues vestimentaires. Le candidat écologiste Yannick Jadot suit en remplissant deux des positions favorables, notamment celle sur la laïcité. Emmanuel Macron remplit seulement celle sur les tenues vestimentaires. Les autres candidats au premier tour à droite et à l'extrême droite – Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Eric Zemmour –, ne valident aucune des cases ayant porté sur les différents positionnements étudiés, tandis que sur tous les candidats ayant une chance de passer au second tour, Mélenchon s'en sort comme étant le seul à s'être prononcé contre la loi sur le séparatisme. Retrouvez notre grille de synthèse des positionnements de certains candidats en matière d'islamophobie Êtes-vous d'accord avec notre analyse ? pic.twitter.com/SBtZeq7WG1 — CCIE (@CCIEurope) April 6, 2022 Un large électorat chez les musulmans et les non-religieux Jusqu'à la fin de l'année dernière et même après le vote définitif de la loi «confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme», Jean-Luc Mélenchon a marqué son opposition au texte ainsi qu'aux polémiques médiatiques des derniers mois. Intervenant après le vote en tant que président du groupe La France Insoumise (LFI) à l'Assemblée nationale, il a qualifié la loi de «contre-républicaine, dont la vocation antimusulmane est assez claire». Il a estimé que le texte avait «inventé un concept – le séparatisme –, creux et fumeux qui n'a aucune signification, sans toucher une seule seconde au véritable séparatisme que représente l'existence de lois qui s'appliquent différemment». En novembre dernier sur BFM TV, Mélenchon s'est par ailleurs dit «excédé» du traitement consacré aux musulmans en France «sur toutes les tribunes». «La vérité est que, depuis des années, on ne cesse d'insulter les musulmans, qu'on ne cesse de me reprocher d'avoir participé à une manifestation à laquelle je suis fier d'avoir été», a-t-il ajouté, en allusion à la manifestation contre l'islamophobie de novembre 2019. Parmi tous les 12 candidats, la popularité de Mélenchon au sein des électeurs est la plus grande chez les musulmans (69%), mais aussi chez ceux qui ne se considèrent d'aucune religion (30%). Pour Emmanuel Macron, les chiffres baissent respectivement à 14% et à 26%. Marine Le Pen a bénéficié respectivement de 7% et de 20% des votes de ces deux profils d'électeurs. C'est chez les protestants que Macron enregistre le plus grand taux d'intentions de vote (36%). Ils sont suivis des catholiques non-pratiquants (31%), des pratiquants occasionnels (29%) et réguliers (25%).