Mauvaise publicité pour le promoteur immobilier marocain, Addoha. Deux entreprises espagnoles, Formaroc et Torreblanca, l'accusent en effet d'extorsions pour un montant de pertes avoisinant les huit millions d'euros. L'AAEM, l'association chargée de prendre la défense des entreprises espagnoles victimes d'extorsions au Maroc, monte au créneau et appelle à l'ouverture d'un «dialogue amical» avec le groupe de M. Sefrioui avant tout recours judiciaire. Le torchon continue de brûler entre le groupe Addoha et les sociétés espagnoles, Formaroc et Torreblanca. Ces dernières, qui œuvrent toutes deux dans le secteur des BTP, accusent en effet l'entreprise propriété d'Anas Sefrioui ««d'extorsion, d'escroquerie et de fraude» pour un montant total de pertes estimé à huit millions d'euros. C'est ce que rapporte ce mardi, l'Association des Affectés par l'Extorsion au Maroc (AAEM), un collectif insolite réunissant l'ensemble des «victimes» de «l'escroquerie, l'extorsion ou des malversations pratiquées par certains entrepreneurs marocains», dans un communiqué de presse publié sur le site europapress.es. L'association, qui regroupe depuis juin 2009 une trentaine d'entrepreneurs dont les pertes se chiffreraient à quelques 300 millions d'euros, affirme que les deux sociétés espagnoles, Formaroc et Torreblanca, auraient été arnaquées à hauteur de huit millions d'euros par le leader marocain du BTP. Selon son président, Francisco de Arratia, la méthode employée par ce dernier aurait été, dans les deux cas, similaires. Torreblanca et Formaroc : deux cas similaires Première à en faire les frais, la compagnie andalouse, Torreblanca. Associée à une filiale d'Addoha sur un projet de construction de logements sociaux et de résidences à Tanger, Torreblanca aurait subie, vers la fin du chantier, une forte pression de la part du groupe immobilier marocain la poussant à résilier son contrat, et à rentrer en Espagne. «Ils nous ont offerts de l'argent, entre 150.000 et 200.000 euros [soit entre 1,7 et 2,3 millions de dirhams], beaucoup moins que ce que nous avions investis, à la condition que nous quittions le chantier et rentrions en Espagne sans avoir fini le travail» déclarait le patron de l'entreprise, Rodrigo Rodriguez, à Europa Press en Décembre 2011. Pour rappel, ce dernier avait investi plus de 600 000 euros (plus de 6 millions de dirhams) dans un projet de construction de 415 logements sociaux et de 210 résidences à Tanger. Selon lui, le recours à l'intimidation aurait également été employé pour le convaincre, lui et son personnel, de partir : «ils nous ont menacé avec des brutes (…) ils ont agressé un de mes collègues (…) nous avons dû quitter le Maroc en mai 2011», témoignait-t-il à ce sujet. Un scénario qui aurait été reproduit quasiment à l'identique quelques mois plus tard, mais plus au Sud cette fois-ci, à Salé. Deuxième victime des procédés délictueux du groupe des «bâtisseurs de bonheur», Formarroc, une filiale de la firme catalane Estrufor. Encore une fois, la méthode adoptée par le promoteur marocain aurait été expéditive et brutale : entrée aux forceps de travailleurs marocains sur le chantier de l'entreprise, agressions de son personnel, falisfications des documents de butoir. Soit autant de coups de boutoir assénés en toute illégalité pour que l'entreprise catalane résilie son contrat et retourne en Espagne. Bilan des courses : Formarroc quittait également le royaume en Octobre 2011. Francis De Arratia : «Les sociétés au Maroc peuvent-elles faire comme elles le veulent ?» Dans les deux cas, la «stratégie d'Addoha est la même», explique M. De Arratia : elle consisterait dans un premier temps à faire venir les entreprises espagnoles pour travailler sur des projets de construction ; et ensuite, une fois le gros-œuvre fini et le projet prêt à être livré, à les «extorquer» du fruit de leur labeur pour pouvoir être la seule à tirer les bénéfices de la revente des infrastructures. Mais le fin du fin dans l'histoire, comme nous le confie le président de l'AAEM, serait que le groupe de M. Sefroui utiliserait «les machines, les ordinateurs et le matériel» laissés sur place par les entreprises ibères pour finaliser le projet en cours. Une situation que M. De Arratia déplore. «Le systématisme» avec lequel «Addoha applique sa méthode», et l'impunité dont elle semblerait jouir, lui font craindre d'envoyer des mauvais signaux aux promoteurs espagnols qui veulent investir au Maroc : «une entreprise qui entre sur un chantier de manière unilatérale, sans autorisation judiciaire, qui agresse le personnel, et qui ne le fait pas une fois, mais deux, cela signifie-t-il que les sociétés au Maroc peuvent faire comme elles le veulent ?» s'interroge-t-il. A cet effet, le porte-parole de l'AAEM rappelle que les articles 22 et 24 de la Nouvelle Constitution garantissent «la propriété privée et le respect de l'intégrité physique et morale de l'individu», appelant ainsi le «Maroc démocratique» à faire respecter ses lois. Une requête étrange pour ces promoteurs espagnols puisqu'ils demandent au Maroc de faire respecter la loi alors qu'ils n'ont toujours pas eu recours à la justice. A cette question, M. De Arratia fait savoir que lui et les deux entreprises concernées dans cette affaire sont prêtes à dialoguer «amicalement» avec Addoha pour trouver un accord. Pour le moment donc, Les entreprises espagnole et marocaine semblent pouvoir trouver un terrain d'entente. Le groupe Addoha a été contacté cet après-midi par notre rédaction pour livrer sa version des faits, mais est resté injoignable.