Le PJD est pris dans la tourmente. Le président de son conseil national a démissionné. En rendant son tablier, Driss Azami semble réagir au projet de loi légalisant le cannabis, initiative gouvernementale condamnée par son «père spirituel», Abdelilah Benkirane. Au PJD, la saison des démissions est ouverte. Le président du conseil national du PJD, Driss Azami, vient d'emboîter le pas à son «frère» Mustapha Ramid. Un départ expliqué dans un long cri du cœur adressé aux membres du «parlement» de la Lampe. «J'ai décidé de soumettre cette démission car, malheureusement, je ne peux plus tolérer, comprendre et ne peux expliquer ou accepter ce qui se passe à l'intérieur du parti. Je ne peux pas le changer, et je ne peux le cautionner depuis ce poste.» Driss Azami Dans sa missive, Azami a donné libre cours à son exaspération de la situation qui prévaut au sein du PJD, pointant «une fuite en avant» et «une justification hasardeuse» de certaines décisions et ce «en totale contradiction avec ce qui constitue l'identité du parti et ses gènes originaux». Des décisions qui ne correspondent plus aux «principes déclarés et connus du parti, ses références et ses statuts et ses programmes électoraux», a-t-il déploré. Mustapha Ramid démissionne du gouvernement Aussi, «je ne peux plus supporter en attendant ce qui allait arriver (…) surtout que l'institution du conseil national est instrumentalisée comme une plate-forme pour calmer et apaiser la colère» des militants. Azami se réfère ici à la pression exercée par le secrétariat général du PJD sur le CN pour étouffer l'appel de membres de la jeunesse du parti à organiser un congrès extraordinaire avant les législatives de cette année et au report sine die d'une session du conseil national pour examiner la signature par Saad-Eddine El Othmani de la Déclaration conjointe, du 22 décembre, entre le Maroc, les Etats-Unis et Israël. Une démission après la vidéo de Benkirane sur le cannabis «Il n'y a plus de place pour tout accepter, tout justifier, sous-estimer les opinions dissidentes, toujours dépendre de placébos, jouer sur le facteur temps au lieu de l'inclusion et la persuasion, et les calmants basés sur la justification plutôt que d'assumer la responsabilité». Une autre flèche décochée en direction du camp d'El Othmani. Driss Azami conclut son message en lançant un appel à son parti pour réviser son approche avant qu'il ne soit trop tard. Cette lettre de démission coïncide avec l'examen par le gouvernement du projet de loi légalisant la culture du cannabis à des usages thérapeutiques. Une initiative dénoncée par Abdelilah Benkirane avec la republication, mercredi 24 février, sur sa page Facebook de son intervention datant du 11 avril 2016 condamnant les appels à la légalisation du can'abis par le PAM et l'Istiqlal. Azami est connu pour sa proximité avec l'ancien secrétaire général. D'ailleurs, en juillet 2019, il n'a pas hésité à rendre son tablier de président du groupe des députés du PJD juste après le réquisitoire de Benkirane dressé contre la loi-cadre sur l'enseignement. Depuis le limogeage de Benkirane en mars 2017, le PJD enchaîne les revers lors d'élections partielles et les voix opposées à la ligne adoptée par El Othmani sont de plus en plus affirmées. Néanmoins, la formation a résisté aux vents et pu garder une unité de façade jusqu'à cette affaire de normalisation avec Israël qui a fendu sa coquille. La démission de Driss Azami a été précédée par celles d'Abdelaziz El Omari, le maire de Casablanca, du secrétariat général du PJD et du gel de l'adhésion au parti du député Abouzaid El Mokrie El Idrissi. Deux décisions motivées par l'opposition de ses auteurs à la normalisation avec Israël. D'autres membres, moins connus sur la scène médiatique, ont également claqué la porte du parti. Abdelillah Benkirane a pesé de tout son poids pour éviter l'implosion du parti en soutenant El Othmani lors de la crise sur la normalisation. Un soutien qui n'est plus de mise pour le projet de loi sur la légalisation du cannabis à usage thérapeutique.