Il semblerait aujourd'hui que le front extérieur étant plutôt bien engagé, le Maroc s'intéresse davantage au front interne… au Sahara, bien évidemment. Le front externe, ce sont l'ONU, les pays voisins en Europe à l'exception de la France, qui compte de moins en moins, les pays africains qui importent de plus en plus, et ailleurs. Le front interne, ce sont populations méridionales du royaume qu'il faut faire espérer et prospérer. Voici huit ans, en novembre 2014, le roi Mohammed VI disait ceci, dans son discours de la Marche verte : « Le mode de gestion au Sahara a connu des dysfonctionnements qui en ont fait au fil des ans un terrain propice à l'économie de rente et des privilèges indus. Cet état de fait a conduit au mécontentement de certains, et suscité un sentiment croissant d'injustice et d'exclusion parmi certaines catégories de citoyens. Nous savons très bien qu'il y a ceux qui servent la Patrie avec dévouement et sincérité, et ceux qui, en revanche, veulent mettre la Patrie au service de leurs intérêts. Ceux-là ont fait de l'extorsion une doctrine immuable. Ils ont érigé la rente et les privilèges en droits imprescriptibles, faisant de la cause nationale un fonds de commerce instrumentalisé au service de leurs intérêts propres. Nous savons également que certains mettent un pied dans la Patrie tant qu'ils profitent de ses richesses, et l'autre pied chez ses ennemis, s'ils n'en ont pas tiré parti. Ici je dis : Assez de la politique de rente et de privilèges ». Aujourd'hui, un homme fait l'objet d'attaques en règle, tout aussi groupées que féroces, et tout aussi rapprochées qu'étranges… étranges car jusque-là, celui qui était considéré comme l'homme fort dans les provinces méridionales du royaume et au sein du parti de l'Istiqlal semble avoir crispé les passions autour de lui. En effet, et alors, dit-elle, qu'elle y pense depuis longtemps, la célèbre « influenceuse » Mayssa Salama Ennaji a finalement décidé d'engager le fer contre Moulay (ou haj) Hamdi Ould Rachid, car c'est de lui qu'il s'agit… Une première vidéo voici une dizaine de jours où elle revient sur le récent parcours de celui qui n'était qu'un obscur agent d'autorité voici quelques décennies, avant de singulièrement augmenter son autorité et de devenir le seigneur de Laâyoune et le saigneur du vieux parti nationaliste. Sur les réseaux sociaux, Mme Ennaji attaque bille en tête et remonte à cette sinistre affaire de Gdim Izik, que les connaisseurs se rappellent douloureusement… elle accuse l'homme de tous les maux, n'hésitant pas user des mots les plus virulents. Et les plus graves. De Mayssa Salama Ennaji, on dit qu'elle est « briefée », mais elle s'en défend. La vérité se situe entre les deux, et le plus remarquable restent les dizaines de milliers de messages de soutien qu'elle reçoit, avec les dénonciations de faits qu'elle suggère fortement avoir été commis par Moulay (ou haj) Hamdi Ould Rachid. Depuis, la dame multiplie les vidéos et en promet d'autres. Puis, c'est au tour de Redouane Ramdani, l'autre « influenceur » très influencé, qui reçoit Hamid Chabat, l'homme qui connaît bien les râteliers pour les avoir (presque) tous fréquentés… L'ancien député et maire de Fès est aussi et surtout l'ancien chef de l'UGTM, le syndicat de l'Istiqlal, et de l'Istiqlal ! Et lui aussi y va, avec son bagout habituel, de violentes attaques contre Moulay (ou haj) Hamdi Ould Rachid, et lui aussi revient sur Gdim Izik, et lui aussi est vu par des dizaines de milliers de personnes, et lui aussi dégaine son verbe pour rudement accabler et durement secouer celui qui est le maire de Laâyoune depuis 2009. Qui est Moulay (ou haj) Hamdi Ould Rachid ? L'homme qui vient du Sahara, qui y a fait fortune, l'enfant gâté du Sahara qui, avec ses proches, s'est fixé semble-t-il comme objectif de prendre d'assaut la vénérable citadelle Istiqlal. Après avoir soutenu en 2017 Nizar Baraka à devenir leader du parti (contre Hamid Chabat), le voilà qui, aujourd'hui, s'apprête à en devenir le zaïm, ou à déléguer cette fonction à l'un de ses proches. Le maire de Laâyoune est malin comme un renard du désert et sait être féroce quand il le faut, alternant les coups bas et les coups de main contre ceux qu'il désigne comme ses adversaires, les coups de force pour atteindre ses objectifs, et els coups de pouce à ses proches, amis et famille. Plus imprévisible qu'une dune, il est aussi mystérieux qu'un mirage et aussi dangereux qu'une tempête de sable ; avec le temps, il s'est forgé une solide réputation que vous décortiqueront tous les Sahraouis, et Istiqlaliens, que vous rencontrerez. Pour faire simple, Moulay ou Haj, après avoir été agent d'autorité en charge du recensement des populations sahraouies dans les années 80 du siècle dernier, a pris le contrôle politique des provinces du sud, puis économique, avant de « monter » sur Rabat et, à travers le parti de l'Istiqlal, entreprend de placer son monde et de prendre le contrôle du parti, fomentant une fronde contre Nizar Baraka en 2021. Hamdi Ould Rachid, ou l'Iznogoud de l'Istiqlal, est l'homme qui veut conquérir le leadership institutionnel du parti en en boutant ses contempteurs et en déboutant son ancien allié, Nizar Baraka. Revenons au front interne au Sahara… Les appels insistants aux investissements de nos entrepreneurs pantouflards qui devraient plus s'engager au Sahara ne sont pas anodins… le soutien à la création de start-ups dans le Sud n'est pas gratuit… le rappel à l'émergence de nouvelles élites dans les trois provinces du Sud n'est pas fortuit… la relecture aujourd'hui du discours royal de 2014 ne serait vraiment pas inutile… La résolution définitive, en interne et en externe, du conflit du Sahara passe par là. Les choses seraient-elles enclenchées ? Tout semble porter à penser que oui, et alors, le ménage semble aussi n'en être qu'à ses débuts…