La 5e édition d'APSACO, l'une des conférences phares du Policy Center for the New South, organisée en ligne sur les pages Facebook et YouTube du think tank, s'est ouverte le 21 juin 2021 avec des invités de marque. « Il est important que l'Afrique pense la paix et la sécurité par elle-même et pour elle-même », a déclaré le Président exécutif du Policy Center, Karim El Aynaoui. La conférence accueille cette année 35 experts de 15 nationalités différentes, avec autant de femmes que d'hommes. Au cœur des discussions, la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les Femmes, la paix et la sécurité (FPS), adoptée en 2000. Qu'en est-il de sa mise en œuvre en Afrique ? La discussion d'ouverture, modérée par Mabingué Ngom (Sénégal), Directeur du bureau régional du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA) en Afrique de l'Ouest et centrale, a permis de faire un premier tour d'horizon. « Malgré les engagements pris, la contribution des femmes aux processus formels de maintien de la paix reste sous-optimale », a-t-il estimé. « Forte discrimination des femmes dans le monde de la sécurité » Bineta Diop (Sénégal), Envoyée spéciale de la Commission de l'Union africaine (UA) sur les Femmes, la paix et la sécurité, a rappelé que 30 pays d'Afrique ont adopté des plans d'action nationaux sur ce thème. « L'Afrique a une longueur d'avance sur ce point dans le monde, mais la phase de mise en œuvre manque. Nous devons nous pencher sur les attitudes patriarcales sur le continent et la forte discrimination à l'encontre des femmes dans le monde de la sécurité ». Un propos appuyé par Letty Chiwara (Zimbabwe), Représentante de l'ONU-Femmes en Ethiopie auprès de l'UA et de la Commission économique pour l'Afrique (UNECA) : « Les plans d'action nationaux et régionaux ne sont pas estimés financièrement ni inclus dans les budgets. La présence féminine reste faible, notamment dans la médiation ». Néanmoins, l'ONU-Femmes veille à l'inclusion de femmes dans les négociations de paix en République de Centrafrique (RCA), en Sierra Leone, au Burundi, au Sud-Soudan et au Mali. « Violences de genre dans l'armée » « Le postulat selon lequel on pourrait renforcer le rôle des femmes dans la prévention et la résolution des conflits alors que le contexte social reste inchangé » a été remis en question par Mamphela Ramphele (Afrique du Sud), Co-présidente du Club de Rome et Co-fondatrice de ReimagineSA. « Transformer les relations comme nous le souhaitons entre les hommes et les femmes demande des changements de mentalité complexes, pour abandonner les traditions et coutumes qui empêchent les fractures sociales de guérir. L'égalité de genre est centrale dans la Constitution et les institutions en Afrique du Sud, mais nous avons encore des violences de genre dans l'armée ». Erika Montincone, Conseillère chez NSD-S Hub for South, a insisté sur le sport comme moyen d'éduquer et de pacifier, tandis que Federico Borello, Directeur exécutif du Center for Civilians in Conflict (CCC), a affirmé : « Avoir des femmes dans les missions de maintien de paix avec des hommes facilite les opérations avec les communautés ». Christina Foerch, Co-fondatrice de Fighter for Peace, a plaidé pour « le renforcement effectif des capacités » et s'est inscrite en faux contre une certaine image de la femme dans les conflits : « Elles ne sont pas seulement victimes, elles peuvent aussi être les bourreaux, et jouer un rôle actif dans la guerre comme dans la paix ». Intégrer et renforcer la dimension « genre » dans les structures de défense « On ne peut rien développer sans la moitié de l'humanité », a rappelé le général Birame Diop, chef d'Etat-major de l'armée du Sénégal. « Nous ne discriminons pas seulement en n'ouvrant pas la porte aux femmes comme aux hommes, mais ne créons pas non plus des relations fortes entre civils et militaires ». Professeure associée à la Michigan State University, Jakana Thomas a noté qu'il faut envisager les femmes au pluriel, en prenant garde à « intégrer des groupes de femmes divers, car il n'existe pas un unique agenda féminin ». Revenant sur l'exemple de son pays, le Mali, Ibrahima Diarra Siratigui, ancien chef de cabinet à la présidence de la République, a rappelé que les femmes ne représentent que 6,7 % des effectifs de l'armée et 12 % de la police. « Malheureusement, certaines sont victimes de harcèlement sexuel, et nous tentons d'inclure des formations avec l'aide de l'Union européenne (UE) et d'autres organisations ». APSACO se poursuit ce mardi 22 juin et se clôturera le 23 juin avec, entre autres, la présentation du Rapport annuel sur la géopolitique de l'Afrique du Policy Center (voir ci-dessous), de même que les « ISIS Files », un rapport de l'Université George Washington qui porte sur l'analyse et la présentation de 15 000 documents administratifs laissés par l'Etat islamique en Irak et collectés par une journaliste du New York Times.