La Conférence intergouvernementale chargée d'adopter le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnée et régulière prévue à Marrakech polarise de très vives tensions internes dans certains pays comme la Belgique et l'Allemagne. Dans le sillage de Donald Trump, des pays comme la Hongrie, l'Autriche, l'Israël ont déjà affirmé leur refus de signer un tel document qui n'arrange pas leur politique internes. A trois semaines de la conférence de Marrakech, retour sur les grands axes de ce qui est appelé aujourd'hui l'une des nouvelles problématiques mondiales. D'où vient ce pacte ? Le 19 septembre 2016, les chefs d'Etat et de gouvernement des 193 Etats membres des Nations Unies se sont réunis à l'Assemblée générale des Nations Unies pour débattre de sujets liés aux migrations et aux réfugiés au niveau mondial. L'adoption de la Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants a reconnu la nécessité d'une approche globale de la migration. En conséquence, les Etats membres des Nations Unies ont accepté de coopérer à l'élaboration d'un Pacte mondial pour une migration sûre , ordonnée et régulière (MCG), qui devrait être adopté lors d'une conférence intergouvernementale sur la migration internationale les 10 et 11 décembre 2018 au Maroc. La Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants a également lancé un processus de négociation distinct pour le Pacte mondial sur les réfugiés. Ainsi, pour le président de l'assemblée générale de l'ONU, Miroslav Lajčák, le pacte peut contribuer à « tirer parti des avantages de la migration et à atténuer les risques. Il peut fournir une nouvelle plate-forme de coopération. Et cela peut être une ressource pour trouver le juste équilibre entre les droits des peuples et la souveraineté des Etats. » Les négociations ont débuté en avril 2017 pour aboutir à un texte final le 13 juillet 2018. Les 192 états qui ont participé au processus - les Etats-Unis se sont retirés en cours de route - se donnent alors rendez-vous à Marrakech le 10 et 11 décembre pour adopter le texte. Que contient le pacte ? Après 18 mois de discussions, les Etats se sont accordés sur un texte de 41 pages permettant d'aboutir à des migrations plus sûres, ordonnées et régulières. Le pacte est juridiquement non-contraignant mais n'en reste pas moins un texte porteur d'un message et d'engagements forts. Le cadre de coopération du Pacte Avec la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, l'ONU a adopté une déclaration politique mais aussi un ensemble d'engagements. Elle réaffirmait la Déclaration dans son intégralité et est allée plus loin en définissant le cadre de coopération, qui comprend 23 objectifs et prévoit des moyens de mise en œuvre du Pacte mondial ainsi que des mécanismes de suivi et d'examen. Dans le document , chaque objectif est associé à un engagement, suivi d'une série de mesures regroupant des moyens d'action et des pratiques. Avec ses 23 objectifs, l'ONU veut faire en sorte que les migrations soient sûres, ordonnées et régulières à toutes les étapes. Objectifs pour des migrations sûres, ordonnées et régulières 1. Collecter et utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l'élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits 2. Lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d'origine 3. Fournir dans les meilleurs délais des informations exactes à toutes les étapes de la migration 4. Munir tous les migrants d'une preuve d'identité légale et de papiers adéquats 5. Faire en sorte que les filières de migration régulière soient accessibles et plus souples 6. Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d'un travail décent 7. S'attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire 8. Sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnée pour retrouver les migrants disparus 9. Renforcer l'action transnationale face au trafic de migrants 10. Prévenir, combattre et éliminer la traite de personnes dans le cadre des migrations internationales 11. Gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée 12. Veiller à l'invariabilité et à la prévisibilité des procédures migratoires pour assurer des contrôles, des évaluations et une orientation appropriée 13. Ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu'en dernier ressort et chercher des solutions de rechange 14. Renforcer la protection, l'assistance et la coopération consulaires tout au long du cycle migratoire 15. Assurer l'accès des migrants aux services de base 16. Donner aux migrants et aux sociétés des moyens en faveur de la pleine intégration et de la cohésion sociale 17. Eliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l'analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues 18. Investir dans le perfectionnement des compétences et faciliter la reconnaissance mutuelle des aptitudes, qualifications et compétences 19. Créer les conditions permettant aux migrants et aux diasporas de contribuer pleinement au développement durable dans tous les pays 20. Rendre les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux et favoriser l'inclusion financière des migrants 21. Coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité, ainsi que leur réintégration durable 22. Mettre en place des mécanismes de portabilité des droits de sécurité sociale et des avantages acquis 23. Renforcer la coopération internationale et les partenariats mondiaux pour des migrations sûres, ordonnées et régulières Donald Trump tête de file de l'opposition Au départ, tous les pays membres des Nations-Unies (193 pays) ont entamé les discussions pour élaborer le Pacte mondial pour des migrations. Mais en cours de route, plusieurs pays ont fait défection, à commencer par les Etats-Unis en décembre 2017. Donald Trump a alors expliqué que le pacte était incompatible avec sa politique migratoire. Le Pacte mondial pour les migrations a certainement créé une certaine confusion. C'est un peu obscur, techniquement non contraignant et entièrement volontaire. Et pourtant, des oppositions se dressent surtout en Europe. À l'instar des Etats-Unis l'an dernier, l'Autriche et la Hongrie se sont déjà retirées du pacte, viennent s'ajouter l'Israël et l'Australie, tandis que les premiers ministres polonais et tchèque ont tous deux annoncé qu'ils ne signeraient pas. Dans le même temps, certains pays plus petits, tels que la Bulgarie et l'Estonie, qui ne sont généralement pas associés au bloc de l'Union européenne anti-immigrés, ne savent pas s'ils doivent ou non signer le pacte, en attendant le Brésil avec son nouveau président Jair Bolsorano qui, s'il suit les pas de Trump ne surprendra pas. Il serait peut-être utile de se demander quel est en réalité le pacte et ce qu'il fait, bien qu'il faille dire que cela ne fait pas beaucoup. Le pacte lui-même dit qu'il « favorise la coopération internationale entre tous les acteurs concernés par la migration, reconnaissant qu'aucun Etat ne peut traiter seul la migration et défend la souveraineté des Etats et leurs obligations en vertu du droit international » Viktor Orban très chauvin … Le gouvernement hongrois a déclaré que le droit de chaque personne à vivre dans son pays natal doit être favorisé, de préférence à la migration, et qu'il faut fournir de l'aide internationale pour cela si nécessaire. De plus, la Hongrie revendique que lorsqu'un conflit a pris fin, les réfugiés regagnent leur pays de provenance. Pour les problèmes démographiques, la Hongrie prône l'aide aux familles afin de leur permettre d'assumer plus facilement leurs enfants. Cette démarche est contraire à celle du pacte mondial sur la migration de l'ONU. Viktor Orbán a affirmé avec force « Nous avons le droit de décider avec qui nous voulons vivre » et « Nous n'acceptons pas que des gens viennent nous dire avec qui nous devrions vivre. » … adoubé par son ministre des Affaires étrangères Péter Szijjártó, le ministre hongrois des Affaires étrangères, précise et répète que la répartition des migrants en Europe a été d'abord facultative puis est devenue obligatoire. Le refus des quotas a fait passer la Hongrie et les pays de l'Est pour des pays profiteurs, fermés, infréquentables et racistes et ils ont subi des menaces de toutes sortes. Szijjarto a déclaré que la Hongrie veut se retirer de cet accord qui est contraire à tout bon sens ! En juiilet dernier lors de la session des ministres des Affaires étrangères de l'UE à Bruxelles, Péter Szijjártó déclarait que chaque document, chaque organisation internationale responsable de la prise de décision déclenchant des flux migratoires, était contraire aux intérêts de la sécurité de l'Europe. Comme il l'a dit, il a été soutenu que la Hongrie, à l'instar de la décision américaine, avait déjà quitté le processus de négociation mais avait finalement décidé de rester, car cela permettait aux propositions d'être présentées. Cependant, les négociations ont montré que la majorité des pays d'Afrique et d'Amérique latine, dont beaucoup font partie des pays d'émigration, ont une influence sur la rédaction d'un document selon lequel toute proposition ou tout amendement s'avère inefficace, Dans la plupart des régions et aux Nations Unies, la coopération avec les pays d'Amérique latine est bonne, mais il n'y a pas de consensus sur l'évaluation fondamentale des problèmes de migration - a-t-il ajouté. Il a déclaré que lors des négociations, la Hongrie avait indiqué à plusieurs reprises qu'il ne souhaitait participer à aucun processus de partage des migrations. « La Hongrie peut être disponible pour négocier le maintien des immigrants clandestins hors de l'Union européenne, ou leur renvoyer », a-t-il déclaré. Le silence de l'ONU sur les défections De sont côté, suite aux vagues de boycotts pour la signature du Pacte - qui risque d'être nombreux -, il y n'a pas de déclaration officielle. Toutefois des experts comme Pietro Mona , ambassadeur de la Suisse chargé de la politique de développement et de migration est monté au créneau il y a quelque semaine et a déclaré que « Le pacte sur les migrations nous fournit un instrument supplémentaire qui nous aide à négocier des accords de rapatriement, par exemple avec des pays comme l'Erythrée », a-t-il déclaré dans un entretien avec le tabloïd Blick. L'ONU par contre s'est jusqu'à présent abstenu de commenter officiellement les défections déjà enregistrés, préférant sans doute travailler en coulisse comme quoi le diplomatie est plus efficace dans le silence.