Et ainsi donc, la conférence d'Ilyas el Omari s'est tenue à Tanger, ce vendredi 16 juin, avec ceux qui auront accepté et décidé d'y participer ! Mais ses recommandations ne participeront très certainement pas à résoudre les problèmes qui se posent à el Hoceima car les débats dans des lieux luxueux, avec de puissants climatiseurs brassant l'air, des dignitaires portant cravates soignées ou jellabas blanches ou jaunes selon les goûts mais dans les deux cas pour marquer ce mois si vertueux de ramadan… n'arrêteront ni les condamnations ni les poursuites qui pèsent sur des manifestants sortis réclamer un sort meilleur que celui qui leur réservé et qui se résume à la pauvreté et à la précarité. C'est pour cela que les recommandations de cette conférence de Tanger qui seront faites (et qui l'ont été dans l'intervalle, NDT) ne feront en rien avancer la question d'al Hoceima. Au contraire… la rencontre de Tanger aura plutôt contribué à faire perdre encore plus de temps à cette ville qui a besoin de réformes audacieuses et de décisions courageuses pour convaincre les protestataires qui auront passé leur ramadan, avec leurs enfants, leurs femmes et leurs vieux, à marcher, à contester, à protester, au lieu de le consacrer à la prière, à la méditation et au recueillement. L'idée de cette conférence a germé dans l'esprit d'Ilyas el Omari, en sa qualité de président de la Région Tanger-Tétouan-al Hoceima et fils du Rif, ainsi qu'il l'a dit à la télé, et non en sa qualité d'homme politique et secrétaire général du PAM, l'ennemi irréductible du gouvernement, Benkirane ou Elotmani soit-il. La conférence a fait naître une polémique avant même le lancement de ses travaux, et cette polémique a été conduite par le PJD. C'est d'abord Mustapha Ramid, ministre d'Etat chargé des droits de l'Homme, qui avait dit la semaine dernière qu'il ne participera pas à la rencontre après les propos tenus par Ilyas el Omari à la télévision. Et puis ce fut le tour du secrétariat régional du PJD qui a décliné lui aussi ce qu'il pensait de la conférence de Tanger et qui annoncé qu'il n'y serait pas non plus car, explique-t-il, « elle est l'expression du refus d'assumer les responsabilités politiques, comme elle est une tentative de dissimulation des très lourds revers enregistrés dans la gestion de la crise du Rif » ! La justification semble poussive en ce sens qu'Ilyas el Omari, et derrière lui son parti le PAM, ne sont pas responsables de la mise en œuvre de projets lancés à al Hoceima voici plusieurs années, sans que pour autant ils avancent. En vérité, celui qui doit être pointé du doigt pour son mauvais traitement de la crise est le gouvernement du PJDiste Saadeddine Elotmani, le secrétariat régional de son parti lui reprochant en outre d'avoir accepté le plan de renversement du « leader » Abdelilah Benkirane !! Le plus étonnant dans cette conférence de Tanger, et avant même qu'elle n'ait démarré, est ce silence assourdissant qu'ont observé l'ensemble des partis politiques, concernés pourtant d'une manière ou d'une autre, surtout quand il s'agit de partis participant au gouvernement… On n'a pas entendu la moindre position du RNI sur cette conférence, pas plus que le PPS ou l'USFP – ah, l'USFP ! –, ou le MP ou encore, ou même, l'UC. Quant à l'opposition, et essentiellement l'Istiqlal, il semblerait que ses guerres internes dans les appareils du parti et du syndicat l'aient éloigné de toute préoccupation concernant le Rif et la crise qui y règne aujourd'hui. Et puisque les choses ont un sens, il est important de poser cette question : L'initiative consistant à organiser cette rencontre était-elle vraiment une décision du PAM ou alors cela cache-t-il quelque chose d'autre, sachant qu'el Omari était l'invité d'une émission télé 48 heures avant le début de la conférence ? Et on sait que passer à la télé, sur al Oula, et précisément chez Tijini, n'est pas une chose anodine et innocente sur nos terres ! Le Rif fait aujourd'hui l'actu, et il se pourrait que ceux qui posent les règles du jeu, à visage découvert ou non, aient jugé qu'il était bon que l'organisateur de la conférence aille à la télé à une émission qui a davantage compliqué les choses qu'elle ne les a arrangées… Il reste à dire que pour circonscrire la colère qui prend dans le Rif dans sa globalité et non seulement à al Hoceima, ce n'est pas la conférence de Tanger qui fera l'affaire, quand bien même ses recommandations seraient écrites en lettres d'or. Non… Il faut tout d'abord et avant tout relâcher les personnes emprisonnées, accusées de manifestations, bien que les manifestations pacifiques soient un droit constitutionnel. Les gens du nord ont besoin qu'on les écoute, après qu'ils aient perdu toute confiance dans la gouvernement et dans les partis politiques. Nos compatriotes du Rif ont besoin qu'on les aide à reprendre confiance dans une nation qui leur prête quelque attention et donne suite à leurs revendications. Quant à ces arrestations sauvages et ces accusations toutes prêtes, elles auront montré leur inefficacité depuis la mort de Mouhsine Fikri, érigé depuis en icône nationale contre la « hogra ».