Pour comprendre ce qui s'est passé fin avril au Conseil de Sécurité des Nations Unies, avec l'adoption de la résolution 2351 sur le Sahara, il faut revenir à la même période de l'année 2016. Et le moins que l'on puisse dire est que la situation du Maroc n'était pas reluisante, Rabat étant alors en conflit ouvert avec l'ancien secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui avait indiqué que le Maroc était une puissance « occupante » et qui avait visité la région de Bir Lahlou comme si elle était un territoire « libéré » par le Polisario… Le Maroc était également en situation aussi difficile avec les Etats-Unis, quand l'ancien président Barack Obama était partisan de l'extension des activités de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme au Sahara. Et Rabat avait failli enclencher un bras de fer avec les Nations Unies dans leur ensemble après avoir décidé d'expulser la composante politique de la Minurso des provinces du Sud… et passons sur le lourd contentieux avec l'alors Envoyé personnel du secrétaire général, l'Américain Christopher Ross, auquel le Maroc avait précédemment retiré sa confiance mais qui avait été maintenu du fait de l'insistance des différentes parties du conflit et du soutien de Washington, et qui avait poursuivi sa mission sans espoir d'arriver à un quelconque résultat du fait de son rejet par le Maroc. Un tableau dont le moins que l'on pouvait en dire est qu'il était sombre, mais que le Maroc avait affronté avec une diplomatie offensive, jusqu'à l'adoption de la résolution 2285 du 29 avril 2016, relativement modérée. Aujourd'hui, la situation a été totalement inversée. Les intervenants ont tous changé. Le partial Ban Ki-moon a été remplacé par un homme qui connaît la région, qui connaît le Maroc et qui maîtrise la question du Sahara, pour avoir été Haut-commissaire aux réfugiés avant de devenir secrétaire général de l'ONU. Christopher Ross est rentré chez lui, cédant sa place à un ancien président allemand. Le chef de l'Etat américain est également parti. Et la cause du conflit avec l'ONU a évolué, avec le retour à leurs anciennes fonctions de tous les éléments de la composante politique de la Minurso, conformément aux dispositions de l'Accord de cessez-le-feu de 1991. Le changement effectué à la tête du Polisario a rendu le Front plus irascible et plus agressif, et cela a été encore plus exacerbé par les graves tensions qui prévalent aujourd'hui au sommet de la pyramide politique en Algérie, avec les heurts entre les grands dignitaires, encouragés par la maladie du chef de l'Etat Bouteflika. Et ainsi donc, il aura suffi que le Maroc intervienne à Guergarate, dans le lieudit « Kandahar », pour mettre de l'ordre dans cette zone infestée par les activités de contrebande et ouverte au péril terroriste pour que ces changements dont nous avons parlé convergent et changent la donne, nous faisant sortir des cordes où nous étions acculés et plaçant le Polisario dans une situation fort inconfortable, quand ses troupes sont entrées dans la zone tampon de Guergarate et ont ensuite refusé d'en sortir. Il aura fallu une rude confrontation entre la direction du Polisario et le Conseil de Sécurité pour que Brahim Ghali fasse reculer ses combattants sous l'énorme pression qu'il a subie de la part de l'ONU. C'est pour tout cela que la résolution 2351 peut être considérée comme un tournant imprimé par le Conseil de Sécurité à ce conflit, non en raison du fait qu'elle reconfirme que les efforts et propositions du royaume pour une solution au conflit sont sérieux, mais parce qu'elle inaugure une nouvelle ère de collaboration avec le Maroc comme Etat coopératif et attaché à la légalité internationale, lui qui est désormais membre à part entière de l'Union africaine et acteur incontournable tant sur le plan politique qu'économique au niveau du continent. Nous ne ferons pas montre de niaiserie en prétendant que le conflit est aujourd'hui terminé car il reste devant nous de grands défis à relever. Le Maroc n'affronte pas uniquement les chefs du Polisario à Tindouf, mais doit faire face à un groupement régional et international qui met en œuvre des moyens colossaux pour le gêner et l'acculer dans ses retranchements. En plus de l'Algérie qui, à chaque crise politique et/ou économique qui la secoue, exporte ses déboires sur le royaume, il y a là encore un axe africain, que le Maroc a su diviser, mais qui reste virulent et puissant. L'adhésion du Maroc à l'Union africaine (UA) n'est qu'une première étape mais notre affrontement avec l'Afrique du Sud et quelques Etats qui lui sont inféodés restera rude pour maintenir l'Union panafricaine éloignée de la question du Sahara, tant que les Nations Unies y gardent la main. Le Maroc devra aujourd'hui lutter pied à pied pour faire amender la Charte de l'UA et exclure la RASD de cette institution. Et notons au passage cette grande absurdité qui consiste pour Brahim Ghali, les Algériens et leurs amis à réclamer à cor et à cris l'autodétermination des Sahraouis, tout en entérinant l'existence de leur république et sa présence au sein de l'UA ! Et puis il ne faut pas non plus oublier le bras de fer qui nous attend avec l'Union européenne, qui compte dans ses rangs tant de gouvernements actifs dans leur soutien aux séparatistes… Alors même que le Maroc déploie tant d'efforts pour convaincre les Européens du bien-fondé de sa position, et du fait que ce qu'il retire du Sahara n'est qu'une infime partie de ce qu'il y investit, plusieurs gouvernements européens persistent à donner raison aux thèses du Polisario et à véhiculer l'idée que le Maroc est une puissance occupante, une nation exploitante et un pays de répression. Il nous faut donc, à nous Marocains, déployer de considérables efforts pour faire évoluer cette image qui nous colle, car nous avons commencé notre action tard et cela nous occasionnera de temps à autre, bien malheureusement, d'autres revers. En Amérique latine, le rétablissement de nos relations diplomatiques avec Cuba a été spectaculaire car personne ne s'y attendait, du fait que La Havane est tenue pour être l'un des principaux piliers du Polisario. Ce début est prometteur, en ce sens qu'il est annonciateur d'une intrusion dans ce continent, sur le modèle de ce qui a été fait en Afrique. L'Office chérifien des phosphates a déjà entrepris son installation dans plusieurs pays latino-américains, grâce à sa politique d'ouverture inaugurée depuis quelques années. Ainsi, avec des partenariats contractés ici et là, dans le sens de l'intérêt commun et du bénéfice mutuel, en dehors de toutes idéologies dépassées, le Maroc peut engranger des succès de plus en plus nombreux et significatifs. Mais tout cela ne saurait être définitif, tant il est vrai que la politique peut se montrer tout aussi mouvante que les sables du Sahara. Ce qui est définitif et durable, en revanche, c'est la solidité et la stabilité de notre front intérieur, la cohésion entre les différentes composantes sociales et politiques nationales, en dépit de ces instincts séparatistes de mauvais augure que l'on peut relever parfois dans certaines régions du pays, et principalement au nord, du fait de mécontentements sociaux malgré tout légitimes et compréhensibles. Quant au Sahara, et sur le plan interne, on peut dire sans crainte de se tromper que sa gestion à l'échelon national est bien plus compliquée que sur le plan international. Dans nos provinces du Sud, il existe des conflits d'intérêts et des différences, des opportunismes et des chantages, en plus de projets à milliards de dollars qui ont ouvert les appétits de certains voraces, bien plus attirés par l'enrichissement personnel que par le développement global et national. Mais, fort heureusement, il existe encore des gens de bien et des citoyens vertueux, emportés par la noblesse de l'union et de la communion, qui gagneraient à être soutenus pour que les bons chassent les mauvais, pour que les bons soient les véritables mâts de la tente, et au Maroc, seuls les Sahraouis connaissent comme il se doit les vertus de la tente et les moyens de la faire tenir.