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Réaction du Maroc, et analyse des positions des grandes puissances, à la résolution sur la Minurso (documents)
Publié dans PanoraPost le 30 - 04 - 2016

Rabat n'a pas tardé à réagir à la résolution 2285 adoptée ce 29 avril par le Conseil de Sécurité et portant sur le renouvellement du mandat de la Minurso pour un an, avec rétablissement des personnels politiques expulsés par le Maroc en mars, sous 90 jours. Elle est favorable au Maroc, si on la lit bien, mais elle est dangereuse aussi pour Rabat, si on n'y prend pas garde…
Voici le texte intégral de la réaction du ministère des Affaires étrangères du Maroc :
« Le Royaume du Maroc prend note de la résolution adoptée, ce jour, par le Conseil de Sécurité des Nations Unies, au sujet de la question du Sahara marocain.
Cette résolution réaffirme les paramètres de la solution politique, tels que définis par le Conseil de Sécurité depuis 2004 et précisés, en termes opérationnels, en 2007. Elle constitue, à ce titre, un revers cinglant pour toutes les manœuvres du Secrétariat Général de l'ONU, notamment celles opérées lors de la visite du Secrétaire Général et celles insérées dans son dernier rapport. Ces manœuvres visaient à altérer les paramètres de la solution politique, à ressusciter des options dépassées et à introduire des éléments non-reconnus par le Conseil de Sécurité.
Le Royaume du Maroc, qui avait réagi en son temps aux dérapages de la visite du Secrétaire Général, a exprimé, par une lettre officielle, ses réserves sur le dernier rapport dès sa publication, et son rejet total de certaines assertions contenues dans ce document.
De même, la résolution du Conseil de Sécurité confirme le mandat de la Minurso tel qu'il a évolué lors des dernières années, en tenant compte des développements qu'a connus le dossier. En cela, le Conseil tranche avec toutes les tentatives de changement du mandat de la Minurso et de son élargissement à des missions non-convenues et à des actions étrangères à sa raison d'être.
C'est dans le contexte de ce mandat réitéré, que la résolution appelle à la pleine fonctionnalité de la Minurso.
A cet égard, le Royaume du Maroc poursuivra, dans le plein respect des décisions qu'il a prises, le dialogue pour parvenir à un paquet de sortie de crise qui permette l'atténuation des dérapages graves du Secrétaire Général lors de sa visite dans la région, et la garantie du bon fonctionnement de la Minurso, essentiellement dans ses missions fondamentales de surveillance du cessez-le-feu et de déminage dans la zone tampon à l'Est du dispositif de défense.
Le Royaume du Maroc tient à remercier les membres, permanents et non permanents, du Conseil de Sécurité, ainsi que des pays arabes frères, qui ont agi avec discernement et responsabilité et dans un esprit constructif et amical, pour parvenir à l'adoption d'une résolution qui permet la poursuite sereine de l'action de l'ONU dans ce dossier.
Le Royaume du Maroc regrette, en revanche, que le membre du Conseil de Sécurité qui a la responsabilité de la formulation et de la présentation du premier projet de résolution, ait introduit des éléments de pression, de contraintes et d'affaiblissement, et agi contre l'esprit du partenariat qui le lie au Royaume du Maroc.
A cet égard, Sa Majesté Le Roi, Que Dieu L'assiste, avait dénoncé, dans son important Discours lors du Sommet Maroc-CCG à Riyad, le 20 avril 2016, les sources d'inspiration, l'action et les objectifs des milieux hostiles à l'intégrité territoriale du Royaume, et agissant pour la déstabilisation régionale.
Le Royaume du Maroc, fort de ses droits, de son union nationale et de la solidité de son front interne, poursuivra, de bonne foi et avec détermination, son implication dans le processus politique de règlement de ce différend régional artificiel.
Le Royaume du Maroc restera engagé en faveur de la paix et la stabilité régionales et internationales, autant qu'il demeurera vigilant face à tous dérapages ou tentatives de porter atteinte à ses intérêts supérieurs légitimes ».
Le Maroc se félicite donc du fait que cette résolution « constitue, à ce titre, un revers cinglant pour toutes les manœuvres du Secrétariat Général de l'ONU, notamment celles opérées lors de la visite du Secrétaire Général et celles insérées dans son dernier rapport. Ces manœuvres visaient à altérer les paramètres de la solution politique, à ressusciter des options dépassées et à introduire des éléments non-reconnus par le Conseil de Sécurité ».
Le CS souffle le chaud et le froid
Le Conseil de Sécurité (CS), lui, considère que la solution passerait par l'autodétermination des Sahraouis : « Le Conseil réaffirme dans cette résolution sa volonté d'aider les parties à parvenir à une solution politique 'juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l'autodétermination du peuple du Sahara occidental' », mais avec le consentement mutuel des partis, est-il aussi précisé. Or, le Maroc n'accepte pas cette autodétermination, ce qui laisse le problème entier.
Le CS marque son soutien à Ban Ki-moon, et il faut y lire que le comportement virulent de Rabat envers le SG est inacceptable, mais sans cette réaction, le Maroc n'aurait pas pu infléchir ce qui se tramait en coulisses dans le Palais de verre de New York, à savoir le retour à la case « référendum, et rien que le référendum ». Le CS atténue plus loin cette déclaration en n'exigeant pas un retour immédiat de la Minurso dans la pleine fonctionnalité de sa mission, ce qui aurait été un camouflet et une humiliation pour Rabat, mais indique que « si tel n'est pas le cas le Conseil entend « examiner les meilleurs moyens de parvenir à cet objectif ».
Cela étant, la résolution 2285 reconnaît les avancées notables du Maroc en matière de droits humains, évoque les efforts sérieux et crédibles du Maroc en vue de parvenir à un règlement politique de la question du Sahara. Le terme politique renvoie à l'autonomie, alors que la solution juridique est le référendum.
Enfin, la résolution insiste sur le recensement, ou l'enregistrement, des populations sahraouies, ce qui est coup rude pour Alger, qui s'y refuse. Mais, tout de suite après, comme pour se rattraper, le CS souligne et soutient les efforts de Christopher Ross, envoyé spécial de Ban Ki-moon et résolument pro-Alger dans cette affaire.
La position amicale et loyale de la France
La position du Maroc est confirmée et soutenue par la France qui, dans son explication de vote, estime que le renouvellement du mandat de la Minurso était indispensable, car « la mission effectue un travail essentiel sur le terrain ». Paris insiste sur la partie de la fonction de la Minurso concernant l'application du cessez-le-feu (sur le terrain) et n'évoque pas la partie politique du référendum. Paris a eu une position claire et, on peut le dire, aussi amicale que loyale envers le Maroc, et ne perd pas de vue les risques sécuritaires.
La France déclare continuer de soutenir les efforts en vue d'arriver à une « solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, conformément au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité ». Et le représentant français rappelle que son pays « considère le plan d'autonomie présenté par le Maroc en 2007 comme une base sérieuse et crédible pour une solution négociée ». Les choses sont claires.
La France, enfin, appelle au rétablissement d'un « climat de confiance et d'une dynamique positive propice aux négociations politiques dont la responsabilité incombe, pour les Nations Unies, au Secrétaire général et à son Envoyé personnel. La France continuera d'appuyer tous les efforts en ce sens ». Paris impute en quelque sorte la responsabilité des dissensions actuelles entre le Maroc et le Secrétaire général à ce dernier.
Rappelons que si les Etats-Unis avaient requis un rétablissement de la Minurso dans les deux mois, les Français sont arrivés à négocier un délai de trois mois, donnant plus de temps au Maroc et surtout atténuant le caractère coercitif émis dans le texte de la résolution, comme suit : « Elle souligne qu'il est urgent que la Mission puisse de nouveau exercer pleinement ses fonctions dans un délai de 90 jours. Si tel n'est pas le cas le Conseil entend « 'examiner les meilleurs moyens de parvenir à cet objectif' ». Mais la coercition est quand même évoquée, et ce n'est pas un bon point pour Rabat.
Les tergiversations, et tiraillements internes, des Etats-Unis
Frontalement attaqués par le roi Mohammed VI dans son discours de Riyad, sur ces alliés qui assènent des coups de poignards dans le dos, les Etats-Unis ont été « à la hauteur » de ce que leur reprochait le chef de l'Etat marocain. Ils sont le pen holder (le porte-plume) de la résolution, c'est-à-dire ceux qui ont soumis le projet de résolution. On sait l'administration américaine tiraillée entre les pro-Maroc, comme le Secrétaire d'Etat John Kerry, et les anti-Maroc, menés par la patronne du Conseil national de sécurité américain Susan Rice, qui avait été à l'origine de la crise de 2013 à l'ONU, entre Rabat et Washington, pour avoir proposé d'élargir le mandat de la Minurso aux questions de droits de l'Homme.
Sans les nommer directement mais en les indiquant clairement, Rabat épingle les Etats-Unis et manifeste son irritation à leur égard « Le Maroc regrette, en revanche, que le membre du Conseil de Sécurité qui a la responsabilité de la formulation et de la présentation du premier projet de résolution, ait introduit des éléments de pression, de contraintes et d'affaiblissement, et agi contre l'esprit du partenariat qui le lie au Maroc ».
Rabat se ménage ainsi une porte de sortie avec Washington, conscient qu'il est des tiraillements, oppositions et antagonismes au sein de l'administration américaine. Le Maroc joue le temps, Obama étant partant et avec lui Susan Rice, et mise sur une élection d'Hillary Clinton, bien plus favorable aux thèses marocaines, elle qui entretient une relation plus qu'amicale avec le palais royal en général et Mohammed VI en particulier. Si c'est Donald Trump qui devient le prochain président américain, son côté républicain (traditionnellement favorable au Maroc) et son ancrage newyorkais (le lobby juif marocain et mondial étant extrêmement puissant dans la Grosse Pomme) le positionneraient plutôt en faveur du Maroc.
L'ours russe ne bouge pas facilement, malgré les belles déclarations
L'attitude de Moscou est difficilement compréhensible. Les Russes se sont abstenus lors du vote, dans une position clairement défavorable à Rabat. Nos confrères de Medias24.com rapportent que les Russes ont demandé un texte plus fort contre le Maroc et l'implication plus engagée de l'Union africaine, clairement, explicitement et résolument hostile au Maroc.
Cette position des Russes est encore plus énigmatique si l'on se réfère au point 15 de la Déclaration de Partenariat stratégique signée entre le Maroc et la Russie lors de la dernière visite de Mohammed VI chez Vladimir Poutine : « La Fédération de Russie soutient les efforts du Conseil de Sécurité et de l'Envoyé Personnel du Secrétaire Général des Nations Unies, Christopher ROSS, en vue de parvenir à une solution politique mutuellement acceptable au problème du Sahara Occidental, dans l'intérêt des populations et conformément aux principes et objectifs de la Charte des Nations Unies. La Fédération de Russie tient dûment compte de la position du Royaume du Maroc concernant le règlement de ce problème. La Fédération de Russie et le Royaume du Maroc ne soutiennent aucune tentation d'accélération ou de précipitation dans la conduite du processus politique, ni aucune sortie des paramètres déjà définis dans les résolutions actuelles du Conseil de sécurité. La Fédération de Russie prend note des projets socio-économiques dans le but du développement du territoire et de l'amélioration des conditions de vie des populations qui y vivent ».
Il faut, sans doute, donner du temps au temps, et laisser mûrir ce partenariat stratégique, semblent dire les Russes. Comme « le Maroc n'est la chasse gardée de personne », avait dit Mohammed VI à Riyad, Poutine lui répond en substance, « la Russie aussi »… En s'abstenant, en ne brandissant pas son veto à une résolution qui est en partie favorable au Maroc, Moscou ne se dresse pas contre Rabat, tout en ménageant ses relations historiques avec les Africains et l'Algérie, en attendant de voir venir ce qui se passera cette année et ce que sera la politique réelle, économique entre autres du Maroc, de Rabat envers Moscou. Poutine dit àMohammed VI qu'on ne met pas les Russes dans sa poche en signant un papier, mais qu'on les avoir à ses côtés en étant plus résolument engagé. On attend l'évolution des relations politiques, diplomatiques, et sécuritaires entre les deux pays.
Donc, la position russe n'est pas aussi hostile au Maroc que l'on pourrait le penser, mais elle s'inscrit dans le temps.
Cela étant, le représentant du Maroc Omar Hilale s'est soigneusement abstenu d'exprimer ses remerciements à la Russie, se contentant de citer les Etats-Unis (?), la France, l'Espagne, le Sénégal et l'Egypte. Il sera donc intéressant de scruter l'état d'évolution des relations avec les Russes dans l'année qui vient…
Et maintenant ?
Avec les Etats-Unis, on l'a dit, le Maroc joue le temps, attendant le résultat de l'élection présidentielle et l'identité du nouveau locataire de la Maison Blanche.
Avec les Russes, il faut donner du temps au temps et laisser mûrir la Déclaration de Partenariat stratégique en faisant encore plus d'efforts dans l'établissement d'une relation tout aussi stratégique.
Avec la France, le temps a montré que l'amitié franco-marocaine se manifeste dans les moments difficiles (la sécurité marocaine au service de Paris et la diplomatie française renvoyant la politesse au Maroc).
Avec l'ONU, le temps joue en faveur du Maroc car, quel que soit le nom du futur SG de l'ONU, il sera moins hostile au Maroc que Ban Ki-moon.
Au Maroc, il est temps que la diplomatie change, avec un (ou des) ministre(s) plus pugnaces, plus convaincants, plus communicateurs que l'équipe actuelle conduite par Salaheddine Mezouar. Le roi, dont la diplomatie est le domaine réservé, est en train de reconfigurer à la hache la géostratégie politique dans la zone MENA. Il doit être efficacement aidé par sa machine diplomatique et doit être hardiment secondé par le(s) chef(s) de sa diplomatie. Ce ne semble pas encore être le cas…
On attend donc le rapport demandé à Ban Ki-moon sous 90 jours, un délai qui tombe exactement le même jour que celui où le roi Mohammed VI prononcera son discours du Trône. On attend avec patience, et même impatience, les deux textes.


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