Ce sont près de 16 millions de Marocains qui sont inscrits sur les listes électorales en prévision des législatives du 7 octobre. Pour être précis, ils sont 15.702.592 électeurs dont 55% d'hommes et 45% de femmes (sur les 34 millions d'habitants que compte le pays) qui sont appelés à choisir les 395 membres de la future Chambre des représentants. Quelque 30% des électeurs ont moins de 35 ans, 43% ont entre 35 et 54 ans, et 27% ont plus de 54 ans. Autre précision, et non des moindres, 55% d'entre eux vivent en milieu urbain, pour 45% en milieu rural. Mais, combien iront-ils voter ? Grande question dont la réponse ne sera connue que ce 7 octobre. Aux législatives de 2011, le taux de participation avait été de 45%. Un florilège de partis politiques (une trentaine, croit-on savoir) devraient prendre part à ces législatives. Mais, d'ores et déjà l'on s'attend à un véritable duel entre le Parti de la justice et du développement (PJD-islamiste), qui est à la tête du gouvernement de coalition depuis 2011, et le Parti authenticité et modernité (PAM-libéral). Ce dernier est arrivé premier aux élections communales de septembre 2015. La campagne électorale débutera officiellement le 25 septembre courant. Les partis politiques disposeront d'un temps d'antenne bien défini sur les médias publics en fonction de leur représentation au Parlement. Aux dernières nouvelles, l'on a appris auprès de la Commission gouvernementale de suivi des élections, que les préparatifs relatifs aux différentes étapes préliminaires du scrutin se déroulent dans de bonnes conditions de façon à garantir le bon déroulement du scrutin. Ladite Commission n'a de cesse de rappeler aux différents acteurs politiques les orientations royales contenues dans le discours du trône du 30 juillet dernier et qui a particulièrement insisté sur la nécessité de garantir le climat adéquat pour la tenue du scrutin, avec honnêteté et sens du devoir. Ce qui exige notamment d'avoir comme souci (…) de relever le niveau du discours politique durant les campagnes électorales et de se prévaloir d'un esprit de responsabilité et de concurrence loyale, loin des surenchères et des intérêts personnels, tout en plaçant l'intérêt de la patrie au-dessus de toute autre considération (…), souligne-t-on auprès de la Commission électorale, présidée par les ministres de l'Intérieur et de la Justice. Sur le terrain, les islamistes du PJD auront face à eux trois principaux partis, trois principaux rivaux qui vont tout faire pour les détrôner et les éloigner du pouvoir : le parti de l'Istiqlal (PI de Hamid Chabat), l'Union socialiste des forces populaires (USFP de Driss Lachgar) et surtout le Parti authenticité et modernité (PAM d'Ilyas Al Omari). Soit trois prédateurs politiques qui ne portent pas forcément le PJD dans leurs cœurs. Mais la proie n'est pas facile et, à non point douter, ne se laissera pas faire. Le ton a, d'ailleurs, déjà été donné par le PAM. «La persistance de la situation actuelle risque de mener le pays à la catastrophe », a averti son Secrétaire général, Ilyas Al Omari. Ce dernier a clairement annoncé il y a quelques jours son ambition de prendre la tête du gouvernement. «Les Marocains aspirent au changement qu'incarne le PAM», a-t-il affirmé. La bataille électorale à venir vise donc à «sauver» et «libérer» le pays (des islamistes du PJD ?), a-t-il poursuivi. Mais, n'est-ce pas là un trop plein d'ambitions politiques ? Le PAM ne va-t-il pas trop vite en besogne ? Certes, c'est légitime d'avoir de l'ambition, mais encore faut-il disposer des outils nécessaires pour la nourrir. Et, jusqu'à preuve du contraire, la formation d'Al Omari ne dispose pas d'un référentiel politique à même de la distinguer des autres partis. Hormis, bien sûr, son opposition au PJD. Son programme ne diffère pas de ceux des autres partis et ses principes, quoique libéraux, ont encore besoin d'être adaptés à la société marocaine et à son évolution rapide. Cela pour qu'il puisse convaincre qu'il est un parti «né du peuple et fait pour le peuple» comme le prétendent. Il ne faut surtout pas oublier qu'il porte encore l'étiquette du parti fondé par le Conseiller du Roi, Fouad Ali El Himma. Mais, cependant, et de l'avis de nombreux observateurs, le PAM demeure un grand favori pour faire front au PJD de Abdelillah Benkirane. L'autre prédateur en course pour ces législatives, est le Parti de l'Istiqlal. A-t-il une chance de faire basculer la balance de son côté ? Et à son profit ? Lui qui a été à la tête de plusieurs gouvernements bien avant l'avènement du PJD. Peut-être, quoique les stigmates de la déroute de septembre 2015 sont encore bien visibles et les plaies ouvertes à l'intérieur même du parti ne sont pas encore guéries. L'engagement de l'Istiqlal dans cette bataille législative est vital tout autant pour son Secrétaire général, Hamid Chabat que pour toute la formation politique. En cas d'échec, l'un et l'autre seront poussés inéluctablement vers la sortie du champ politique marocain. Pour Chabat, en sursis à la tête du parti depuis la débâcle des communales, c'est la bataille de la dernière chance. Un quitte ou double assimilé à un «ou tu gagnes ou tu meurs». Réaliser au moins un bon score, à défaut d'arriver premier, c'est ce qui est demandé à Hamid Chabat. C'est la condition sine qua non pour espérer rester à la tête de l'Istiqlal. Du côté des socialistes de l'USFP, l'heure est à l'optimisme. En effet, le Premier secrétaire de la formation politique, Driss Lachgar, fait montre ces derniers jours d'une grande confiance en soi que certains, à l'intérieur même du parti, trouvent excessive. «Nous avons toutes les chances, les compétences et tous les moyens qu'il faut pour s'accaparer la première place lors des prochaines échéances », affirme-t-il sans ambages. Il est allé jusqu'à dire que «le discours de la bipolarité PJD-PAM véhiculée à tort et à travers n'est que de l'illusion». «Notre parti jouit d'une forte crédibilité historique, un acquis que les autres n'ont pas et nous allons veiller à le pérenniser», affirme encore Driss Lachgar soulignant avec force que «l'USFP reste une formation à ne jamais prendre à la légère». «Nous sommes déterminés à gagner les prochaines législatives», poursuit Lachgar avec une conviction, somme toute légitime. Pour ces deuxièmes élections législatives depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution, le parti compte couvrir la totalité des circonscriptions du pays. Quant aux choix des candidats, Driss Lachgar a souligné qu'il n'est «pas question de faire appel ou accepter des personnes qui ne croient pas en nos principes, en nos convictions ou encore nos visions... ». Driss Lachgar a rappelé toutefois que «la logique des alliances du parti restera la même et qu'il est hors de question de mener une quelconque alliance avec des partis qui ne jouissent pas de la crédibilité nécessaire, ou encore qui ne croient pas au modèle progressiste et moderniste prônée par les socialistes d'El Ittihad Al Ichtiraki». Dont acte ! Mais de qui veut-il parler ? Quant aux autres formations politiques, elles ne semblent pas inquiéter outre mesure les dirigeants du PJD. Les trois principales sont dans le gouvernement et apparemment aspirent, tout autant que le PJD, à y rester en cas de victoire des islamistes. C'est le cas du Rassemblement national des indépendants (RNI-52 sièges), du Mouvement populaire (MP-32 sièges) et du Parti du progrès et du socialisme (PPS-18 sièges). L'Union constitutionnelle (UC-23 sièges), elle, est restée en dehors du débat politique. L'arrivée de Mohamed Sajid à la tête de cette formation politique n'a pas encore donné l'impulsion que l'on en attendait pour rajeunir le parti et le replacer dans l'orbite politique nationale. Toutefois, les islamistes du PJD n'ont pas de quoi pavaner. Les partis précités auront eux aussi leur mot à dire lors des prochaines législatives qui s'annoncent bien chaudes. Rappelons qu'en novembre 2011, le PJD avait largement remporté les élections législatives et était arrivé en tête avec 107 sièges, suivi de l'Istiqlal (60 sièges). L'USFP a été classée cinquième avec 39 sièges, juste après le PAM qui avait remporté 47 sièges. Une donne qu'il ne faut surtout pas oublier et l'avoir bien en tête serait fort utile à tous : le PJD n'a pas cessé d'accroitre et d'élargir sensiblement la base de son électorat. En 2007, ils étaient 500.000 électeurs à avoir voté pour lui. En 2015, à l'occasion des élections communales, leur nombre s'est multiplié par trois. Soit 1.560.000 électeurs qui ont accordé leur confiance au PJD. Une évolution en huit ans qui en dit long sur le travail (souterrain ?) accompli par les islamistes. Et aussi sur leurs ambitions politiques pour se maintenir au pouvoir.