Le décompte de la commission électorale au Gabon laisse entendre que le président sortant Ali Bongo l'a emporté d'une courte tête face à l'ancien ministre des Affaires étrangères Jean Ping, un résultat qualifié de « mascarade » par l'opposition qui a assuré que les Gabonais ne l'accepteraient pas. Une source haut placée au sein de la commission et un représentant de l'opposition supervisant le décompte ont confirmé que les chiffres compilés après le dépouillement de l'ensemble des bulletins de vote de la présidentielle de samedi donnaient Ali Bongo vainqueur avec 49,85% des voix contre 48,16% à Jean Ping. La commission devait initialement proclamer les résultats mardi soir mais elle était toujours réunie à huis clos mercredi midi. « C'est une mascarade », a déclaré à Reuters le représentant de Jean Ping, Paul Marie Gondjout, devant les bureaux de la commission. L'opposition a réclamé un nouveau décompte dans la province natale d'Ali Bongo, le Haut-Ogooué, où le taux de participation a atteint 99,98%, contre moins de 60% dans l'ensemble du pays. De son côté, l'Union européenne a demandé à la commission électorale de rendre publics « les résultats détaillés » de chaque bureau de vote et appelé les protagonistes à maintenir le calme dans le pays. Le parti de Jean Ping avait déclaré mardi que son candidat était en tête du scrutin avec 59% des voix contre 38% à Ali Bongo alors qu'il ne manquait plus que les résultats d'une province sur neuf, celle du Haut-Ogooué. Cette annonce avait aussitôt été qualifiée de « tentative de déstabilisation » par le pouvoir. « Nous n'avons pas confiance dans ce processus. Nous n'avons jamais eu confiance », a commenté mercredi le porte-parole de Jean Ping, Jean Gaspard Ntoutoume-Ayi, interrogé au téléphone par Reuters après l'annonce du résultat du décompte. « Le peuple gabonais n'acceptera pas ces résultats », a-t-il affirmé. MENACES DU GOUVERNEMENT Face aux appels répétés de Jean Ping à Ali Bongo pour qu'il reconnaisse sa défaite, le camp du président s'est dit confiant dans le résultat du scrutin et a rappelé à de multiples reprises que diffuser d'autres décomptes que celui de la commission électorale était « illégal ». « Après l'annonce du résultat, nous communiquerons ces éléments aux autorités judiciaires gabonaises », a annoncé le gouvernement dans un communiqué lu par plusieurs responsables sur les antennes de la télévision nationale. Les autorités gabonaises ont aussi dénoncé une « ingérence étrangère », après que, en France, le Parti socialiste et deux avocats eurent déclaré publiquement que Jean Ping était vainqueur du scrutin. « La victoire de Jean Ping ne fait plus de doute », pouvait-on lire mardi soir dans un communiqué signé par Ping. Une victoire de Jean Ping, qui a été un temps président de l'Assemblée générale des Nations unies, mais aussi de la commission de l'Union africaine (UA), mettrait fin à un demi-siècle de pouvoir exercé par la famille Bongo. Ali Bongo a été élu en 2009 après la mort de son père, Omar Bongo, lequel avait dirigé le pays pendant 42 ans. Le système électoral gabonais veut que celui qui remporte le plus de voix à la présidentielle est élu. En 2009, Ali Bongo l'a été avec 41,73% des suffrages. Lundi, la mission d'observateurs de l'Union européenne a pointé un « manque de transparence » au sein des institutions organisant le scrutin et a déclaré qu'Ali Bongo avait bénéficié d'une préférence dans l'accès aux ressources financières et aux médias. « Nous avons noté que la mission (d'observateurs) avait outrepassé son mandat. La mission recherchait des choses qui n'ont rien à voir avec ce scrutin », a déclaré le porte-parole du président Bongo, en réaction à la déclaration de la mission d'observateurs de l'UE.