Des patients dormant et mangeant a même le sol, d'autres errant, le regard dans le vide, dans ce qui ressemble plus à un mouroir qu'un hôpital psychiatrique, un personnel médical complètement dépassé par la situation… Une énième vidéo illustrant l'état alarmant des hôpitaux au Maroc émeut les réseaux sociaux. Sur la vidéo circulant sur les réseaux sociaux, l'ont voit les locaux du très fermé hôpital Ar-razi de Salé, plus ancien établissement psychiatrique d'Afrique du Nord. Fruit des voyages humanitaires d'une association néerlandaise, Circle of influence, ces images montrent la réalité derrière les portes closes de certaine 'institutions'. « Ce que l'on ne voit pas dans la vidéo ce sont les toilettes désuètes et partagés avec le personnel soignant ou encore les lits vieux, rouillés et cassés. Les matelas sont eux aussi sales minces et poreux », nous confie une militante associative sous couvert d'anonymat. Les membres de Circle of influence ont, en tout, effectué 4 voyages à l'hôpital de Salé en l'espace de deux ans. Lorsque l'ONG était de retour au Pays-Bas, elle organisait des levés de fonds afin de revenir au plus vite avec une aide humanitaire. Le directeur de l'hôpital, Mustapha Salih, contacter par nos soins, n'élude pas le sujet et semble bien conscient des limites de son hôpital. « Nous sommes contraints de garder en internement des malades qui ont été délaissé par leurs familles. Cela prive d'autres patients qui ont réellement besoin d'être admis. Le problème de la plupart des locataires de l'aile psychiatrique de Ar-razi est plus social que médical. », argumente-t-il. « Les ONG, bien qu'elles soient de bonne foi, ne sont pas habilitées à rajouter de la capacité litière, ce qui limite leur champ d'action. Toutefois leur coup de main reste le bienvenu», poursuit-il. Il faut savoir qu'Ar-razi a été pensé comme un hôpital provincial, mais nous nous retrouvons à assumer le rôle d'un hôpital interrégional, drainant les patients de 8 régions distinctes », conclut le directeur de l'hôpital. Prise en charge insuffisante Bouya Omar a été évacué en juin 2015. Dés lors 799 patients ont dû être dispatchés dans 27 établissements publics spécialisés que compte le Maroc. Or, fait intéressant, la capacité litière globale n'excède pas les 1.725 lits. Pis, celle-ci est en baisse continue. En 1970, l'hôpital psychiatrique de Berrechid disposait de plus d'un millier de lit. Selon un récent rapport du CNDH, il n'en restait plus que 240 en 2012. À Tit Mellil par exemple, la capacité litière est passée de 400 lits à 86, soit une baisse d'environ 80 %. Au vu du nombre d'habitants, Casablanca devrait disposer d'un minimum de 600 lits à elle toute seule, conformément aux normes internationales établies par l'OMS. Même constat au niveau du personnel soignant. 35,5 % des 172 du secteur public se trouvent dans les seuls CHU de Casablanca et Rabat. En tout, ils sont quelque 320 psychiatres à exercer au Maroc, que ce soit dans le public ou le privé. Soit moins d'un médecin et deux infirmiers pour 100.000 habitants. Post Bouya Omar, vers une crise sanitaire ? « A ar-razi, tout un service est accaparé, H24, par les patients provenant de l'ancien village asilaire, alors qu'ils ne sont pas censés y être en permanence. Comme vous pouvez l'imaginer, cela impacte très négativement notre capacité d'accueil. L'aile destinée aux malades chroniques dispose d'une cinquantaine de lits alors que 50 autres sont réservés aux ex-pensionnaires du village asilaire. Ce qui nous fait 100 malades fixes », étaye le directeur de l'hôpital Ar-razi de Salé. « Il reste du coup une centaine de malades repartis en trois services. Ce sont ces derniers qui posent problème, nous sommes largement au-dessus de notre capacité d'accueil. C'est vers une crise sanitaire de grande envergure que l'on se dirige« , poursuit-il. Pour pallier cela, El Houssaine Louardi, ex-ministre de la Santé, avait lancé en grande pompe le « plan de promotion de la santé publique 2017-2020 ». A l'ordre du jour la création d'une unité santé mentale à Nouaceur, d'une unité de réhabilitation psychosociale au CHU Ibn Rochd de Casablanca, de deux centres médico-psychosociaux à Sidi Bernoussi et Moulay Rachid, ainsi que 4 hôpitaux psychiatriques dans le reste du Maroc. Contacté par Maroc Diplomatique, Anass Doukkali, actuel ministre de la santé, n'a pas donné suite a nos sollicitations afin de connaitre l'avancement desdits chantiers. Dans le monde, une personne sur quatre est susceptible d'être atteinte de troubles mentaux selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Une étude menée par le ministère de la Santé auprès de 6.000 personnes âgées de 15 ans et plus démontre que 48,9 % des Marocains présentent un trouble mental. Ainsi, 26,6 %, soit plus d'un quart de la population souffre de dépression tandis que 2 % de Marocains (soit 600.000 individus) souffrent de troubles mentaux sévères. Dans le détail, 1 % des Marocains souffrent d'une pathologie schizophrénique tandis que le 1 % restant est atteint de trouble bipolaire ou maniaco-dépressif. Or, les structures de prise en charge restent insuffisantes. La santé mentale n'est pas un sujet de seconde zone pour le Royaume.