L'Ivoirien Jean- Claude Brou vient de s'installer officiellement à Abuja (Nigéria), dans ses nouvelles fonctions de président de Commission de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en remplacement du Béninois, Marcel Alain Da Saouza. L'intronisation de l'ex-ministre ivoirien de l'industrie et des mines a eu lieu le 1er mars 2018 pour un mandat de 4 ans, et une tâche qui s'annonce loin de toute aisance, avec en priorité la gestion « efficace et efficiente » d'une panoplie de grands dossiers, dont celui de l'adhésion prochaine du Maroc à ce groupement sous-régional. Avant de s'envoler à destination du Nigéria, M. Brou a eu droit, protocole l'exige, à une audience au Palais du Plateau, avec le président ivoirien, Alassane Ouattara, occasion de bénéficier de ses conseils avisés et de ses recommandations pour la réussite de sa mission. Jean- Claude Brou parle d'un grand honneur pour lui et pour son pays qui va, à travers lui, présidé la Commission de la CEDEAO, avant de faire part de toute sa prise de conscience des défis à relever pour aller de l'avant. Pour le nouveau responsable ivoirien, il s'agit de booster la dynamique de cette institution sous-régionale pour s'attaquer au mieux au dossier de l'adhésion du Maroc, à la question de la monnaie unique à l'horizon 2020, le renforcement de la sécurité et la lutte contre le terrorisme, et l'intégration sous-régional, outre des questions intrinsèques à ladite Confédération liées à des réformes structurelles et institutionnelles à envisager. Titulaire d'une thèse de Doctorat en économie et d'un MBA en finances de l'université américaine de Cincinnati, Jean- Claude Brou est un ex-cadre du FMI, de la Banque Mondiale et de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO). Ill dispose d'une expérience avérée, et jouit de beaucoup d'estime et de considération de la part du président, Alassane Ouattara, l'un des fervents défenseurs, et du retour du Maroc à l'Union Africaine (UA), et de l'adhésion du Royaume à la CEDEAO. Concernant l'adhésion du Maroc à la CEDEAO, nul ne peut ignorer que les 15 chefs d'Etats membres de la CEDEAO avaient déjà donné, en juin 2017 à Monrovia (Liberia), leur « accord de principe », pour une telle adhésion alors que les modalités de cette adhésion sont actuellement « suspendues » et conditionnées par les résultats de l'étude d'impact, dont l'appel à proposition a été lancé le premier février par la présidence de la Commission. Lire aussi: L'Assemblée nationale du Bénin favorable à la demande d'adhésion du Maroc à la CEDEAO En effet, cette étude doit passer au crible l'impact économique d'une telle adhésion en termes de commerce et d'investissements, sur six pays à savoir le Ghana, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Nigéria, le Mali et le Togo, sachant que des réticences et des craintes ont été exprimées par certains opérateurs économiques de la région qui estiment, par ailleurs, que si une telle adhésion aboutira, elle entrainerait une modification des positions économiques dans cette zone. En attendant les résultats de cette étude d'impact qui sera soumise à l'appréciation du comité des 5 chefs d'Etat (Nigéria, Ghana, Côte d'Ivoire, Guinée et Togo), désignés lors du 52è sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO en décembre 2017, on peut déjà avancer à ce stade, que la désignation de Jean- Claude Brou est porteuse d'espoir en ce sens, que l'homme dispose de toutes les compétences requises pour trouver « un consensus » avec la partie réticente à l'adhésion du Maroc à la CEDEAO. Certes, M. Brou est un grand connaisseur du Maroc et de ce que le Royaume fait pour l'Afrique. D'ailleurs, M. Brou connait parfaitement l'importance et la pertinence des projets réalisés ou en cours de réalisation en terre ivoirienne, et leurs impacts à terme sur l'économie et sur les populations locales de son pays, à l'instar de projets structurants devant conforter la marche de la Côte d'Ivoire vers l'émergence à l'horizon 2020. Lire aussi: La CEDEAO aura tout à gagner en acceptant la demande d'adhésion du Maroc Il maitrise aussi parfaitement la démarche adoptée par le Royaume en Afrique, sous l'impulsion de SM le Roi Mohammed VI, celle d'un partenariat gagnant-gagnant, favorable à l'échange mutuel d'expériences et d'expertises entre Africains. Aussi, faut-il le rappeler que son prédécesseur Da Saouza était à un moment donné, réticent à cette adhésion du Maroc à la CEDEAO. Autre question importante dans ce processus d'intégration régionale, à laquelle M. Brou doit s'attaquer est celui de la monnaie unique. Un chantier d'envergure s'il est à relever que cette monnaie une fois adoptée, devrait permettre de contrecarrer les fluctuations liées au change, accroitre les échanges commerciaux, booster les investissements, et faciliter davantage la libre circulation des personnes et des biens. Sur cette question, le Nigéria a émis des réserves le 21 février 2018, lors d'une réunion tenue à Accra, au moment où le « taske- force » regroupant, outre le chef d'Etat nigérian, les chefs d'Etats du Niger, du Ghana et de la Côte d'Ivoire, a préconisé l'accélération de la mise en place de cette monnaie unique. M. Brou serait également sollicité à apporter son savoir-faire pour accélérer la cadence de l'intégration régionale surtout, s'il est à rappeler que le commerce intra-régional s'articule autour de 10% entre les pays de la CEDEAO. Un chiffre qui, en réalité, demeure en dehors des échanges non déclarés qui se font au niveau des frontières, et en deçà des potentialités réelles disponibles. La nomination de M. Brou intervient aussi dans un contexte géopolitique et sécuritaire complexe et fragilisé par les attaques terroristes et la prolifération d'autres formes du crime transfrontalier et des trafics de tout genre, comme l'illustre l'attaque terroriste perpétrée le 2 mars 2018 au Burkina Faso, et qui a pris pour cibles, l'Etat- Major des Armées et l'ambassade de France, revendiquée par le Groupe de Soutien à l'Islam et Musulmans (GSIM) d'Iyad Ag Ghali. Lire aussi: L'Adhésion du Maroc à la CEDEAO, un « choix stratégique » Les enlèvements et actes terroristes au Nigéria, et la menace du groupe terroriste Boko Haram, et les autres groupuscules au Sahel pour ne citer que ces exemples, démontrent le climat d'insécurité qui sévit dans la zone CEDEAO. La mise en place par les Etats membres d'un Centre de coordination sous-régional contre l'insécurité et le terrorisme devrait apporter une solution à la nébuleuse terroriste. La réflexion est menée actuellement par les chefs d'Etat des 15 pays membres pour la mise en place d'une force régionale, ce qui dénote de l'ampleur des risques sécuritaires. In fine, le nouveau président de la Commission de la CEDEAO sera interpellé aussi à apposer sa griffe sur un dossier très important, celui de la consolidation du processus démocratique au sein de la Confédération et par là, à œuvrer pour faire face aux éventuelles crises politiques (crise au Togo, situation en Guinée Bissau), et aux foyers de tension pouvant surgir en prélude aux échéances électorales prévues dans les années à venir. Un travail, certes, pharaonique et une tâche des plus ardues attendent M. Brou qui, selon les observateurs, s'en sortira bien. C'est bien lui qui est détenteur d'un CV bien garni d'expériences, en tant qu'ancien haut fonctionnaire international pendant des années, d'enseignant de la macro et micro-finances aux USA, et puis de haut responsable et l'un des hommes clés du président ivoirien, ADO.