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M'Barka Bouaida: La mission initiale de la Minurso pour un référendum n'est plus d'actualité
Publié dans Maroc Diplomatique le 24 - 05 - 2016

La tempête diplomatique provoquée par les propos que Ban Ki-moon , secrétaire général des Nations unies, a prononcés lors de sa visite, début mars à Tindouf et Alger, l'usage des termes comme « occupation », « autodétermination », le salut au « drapeau » du polisario, la partialité affichée dans son comportement, la grave et volontaire omission des exactions et violences exercées dans les camps de Tindouf contre les citoyens séquestrés et empêchés de regagner le Maroc, son parti pris contre le Maroc, n'en finissent pas de faire couler de l'encre et d'inspirer commentaires et critiques. Une vague d'indignation a frappé à la fois le gouvernement et le peuple du Maroc, qui a massivement dénoncé à l'intérieur du pays comme à l'étranger une attitude plus que complice avec le gouvernement algérien.
Le Maroc avait, par deux fois, invité Ban Ki-moon à se rendre à Rabat. Par deux fois, également, le secrétaire général des Nations unies s'est défaussé, préférant en effet s'aligner sur l'agenda plus que controversé, douteux même du gouvernement algérien. Non content de dénoncer un alignement condamnable qui constitue un manquement au credo des Nations unies, le Maroc a tenu en revanche à préciser solennellement qu'il n'existe pas de crise ou de malentendu avec l'ONU, mais avec son secrétaire général dont le mandat s'achève en décembre prochain.
Le Maroc a toutefois exigé le départ du Sahara de 83 membres de la Minurso appartenant à la composante civile et politique de ce corps censé, en vertu de l'accord de cessez-le-feu de 1991, assurer la sécurité et contribuer à l'organisation d'un référendum. Sauf que la composante politique de cette même Minurso s'est employée à embrigader des jeunes dans les rangs du polisario et à attiser les feux..
Comment le gouvernement marocain a géré et gère encore ce tournant ? Quels ont été ses recours face à une dérive manifeste d'un secrétaire général de l'ONU, apparu subitement, comme un potentiel fossoyeur du Plan d'autonomie que le Maroc a proposé et soutenu ?
Mme M'Barka Bouaida , ministre déléguée aux Affaires étrangères et à la coopération, qui a suivi attentivement, pas à pas l'évolution de ce dossier, nous en donne la teneur dans l'entretien que nous publions ci-dessous.
Maroc diplomatique : Madame la Ministre Déléguée, le Maroc gère depuis quelques semaines maintenant deux grands dossiers conflictuels : le premier avec l'Union européenne suite à la dénonciation, fin décembre dernier, par son tribunal d'une partie des Accords agricoles. L'autre avec Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies qui a offensé notre pays par ses propos, sa partialité avérée, et son parti-pris dans l'affaire de notre intégrité territoriale. Comment expliquez-vous cette étrange conjonction entre les deux affaires ?
– Mme M'Barka Bouaida : Tout d'abord, je voudrais vous rappeler que le Maroc est l'un des pays les plus stables et prospères, ce qui en fait un partenaire d'exception dans un contexte régional marqué par l'instabilité sur base de crises politiques. Je tiens également à souligner que le Maroc a su développer des partenariats de qualité avec plusieurs pays et organisations mondiales.
Nous avons un partenariat exceptionnel avec l'Union européenne, à travers l'Accord d'association et le Statut avancé, nous avons mis en place un dialogue stratégique de haut niveau avec les Etats-Unis, et surtout avec une feuille de route très ambitieuse, nous développons au quotidien, également, des exemples concrets de coopération Sud-Sud, et bien entendu, nous contribuons activement aux opérations de maintien de paix, à travers le monde, aux côtés des autres forces des Nations unies. Cette vision marocaine, enviée, ainsi que le rôle stabilisateur de notre pays sont dérangeants pour certaines parties. Je vous l'affirme, le Maroc qui se distingue dérange !
Les deux dossiers auxquels vous faites mention, ont finalement les mêmes origines et les mêmes cibles avec un modus operandi similaire, celui de multiplier les attaques contre notre pays par tous les moyens et à tous les niveaux. Néanmoins, comme vous avez pu vous en rendre compte, face à certaines parties malveillantes mais au demeurant très minoritaires, le Maroc ne tergiverse pas avec les intérêts suprêmes de la Nation. Nous rejetterons vigoureusement toute surenchère sur notre intégrité territoriale.
La force de notre pays réside dans notre cohésion sociale, notre cohérence politique, notre développement économique, et bien entendu la vision stratégique hors du commun mise en œuvre par Sa Majesté le Roi. C'est ainsi que le Maroc a exprimé, dès le début, son étonnement et demandé aux instances concernées de l'UE de prendre les mesures appropriées en vue de trouver une issue définitive au dossier relatif à l'arrêt du Tribunal européen du 10 décembre 2015. Notre message a été des plus clairs et s'est traduit, pendant une période, par la suspension de tout contact et toute coopération avec l'UE, en attendant des éclaircissements de nos partenaires. L'UE, à l'unanimité, a fait appel, et Mme Federica Mogherini, lors de sa dernière visite à Rabat, a bien exprimé l'appui total et absolu de l'UE au Maroc . Elle a rejeté l'arrêt de la Cour européenne considéré comme non fondé. L'UE nous a fourni les assurances et garanties nécessaires pour mener à bien ce dossier.
Nous déployons tous nos efforts pour trouver une solution définitive à ce différend, à travers une mobilisation diplomatique bien coordonnée entre différentes institutions. Au sujet du différend avec le Secrétaire général de l'ONU, il faut savoir que le Maroc a toujours entretenu des relations professionnelles et constructives avec toutes les instances onusiennes, incluses toutes les personnes ayant occupé le poste de secrétaire général. Cependant, nous avons tous été choqués par les propos tenus par l'actuel Secrétaire général de l'ONU lors de sa visite dans la région. Ils sont inadmissibles à plus d'un titre et le Maroc l'a fait savoir de façon ferme et énergique. Bien évidemment, il était clair que la tournée régionale devait être en principe une contribution constructive au processus.
Mais malheureusement, les dérapages inacceptables qui ont été constatés ont fait que le responsable onusien s'est départi de deux conditions liées à la fonction d'un secrétaire général de l'ONU à savoir : la neutralité et l'impartialité.Je rappelle que s'agissant de la question de l'intégrité territoriale, les Marocains dans leur ensemble, ne laisseront jamais quiconque leur imposer un diktat qui serait influencé par des considérations contraires à la réalité.
L'annulation plus ou moins officielle de la visite de Ban Ki-moon au Maroc prévue initialement en juillet prochain, aura-t-elle selon vous des conséquences sur l'évolution du dossier du Sahara ?
– L'évolution du dossier est entre les mains du Conseil de sécurité. Le Maroc est pleinement inscrit dans le processus onusien pour trouver une solution politique. Il a proposé depuis 2007 le Plan d'autonomie que la communauté internationale et le Conseil de sécurité qualifient « d'initiative sérieuse et crédible » pour un règlement politique juste, durable et mutuellement acceptable par les parties.
Depuis, nous travaillons aux cotés des pays amis et partenaires pour défendre notre position, surtout que le Maroc est connu pour tenir ses promesses et remplir ses engagements. Sur le terrain, la régionalisation avancée basée sur le renforcement des prérogatives régionales et des compétences locales et régionales, le modèle de développement des Provinces du Sud, et le programme d'investissement lancé par SM le Roi à Lâayoune sont des éléments précis de la vision royale pour une solution définitive à cette question.
Dans trois semaines, fin avril, le Secrétaire général des Nations-unies soumettra, comme à l'accoutumée, son rapport sur cette affaire. Y a-t-il un moyen de savoir ou de subodorer un tant soit peu le contenu de ce rapport ? Autrement dit, pensez-vous qu'il pourrait éventuellement comporter une prise de position hostile au Maroc, ou inspirée des manœuvres dilatoires algériennes ?
– Nous avons toujours voulu, pour des raisons évidentes, un rapport concis et factuel qui soit en phase avec la réalité, et non un document orienté politiquement qui ne serait d'aucune utilité si ce n'est créer des dissensions et nuire au processus. D'ailleurs, le Secrétaire général s'était lui-même engagé dans ce sens, lors de l'entretien téléphonique avec Sa Majesté le Roi en janvier 2015. Le Maroc continuera à exiger la neutralité et l'impartialité dans la gestion de ce dossier, et évidemment nous ne tolérerons aucun dépassement.
Qu'est-ce qui explique, d'après vous, l'alignement du secrétaire général des Nations unies sur les thèses algériennes et notamment au niveau du langage et des mots comme « occupation », « colonisation », au niveau de la symbolique comme le « V » de la « victoire », le salut du drapeau, en contradiction totale avec l'éthique qui devrait présider à son mandat ?
– Nous voudrions croire, qu'un homme de la posture d'un Secrétaire Général ne se départirait d'aucune façon de son impartialité. Néanmoins et malgré les assurances auxquelles il s'est engagé et les justifications présentées, il n'en demeure pas moins que les termes utilisés et certains actes, nous le répétons, sont inadmissibles et même dangereux selon leurs interprétations.
Je tiens á souligner la gravité que représente la visite du SG á Bir Lahlou le 5 Mars dernier. En effet, la visite de cette localité marocaine, constitue un développement dangereux puisque cela revient à considérer Bir Lahlou comme une extension de Tindouf; en procédant de la sorte, le secrétaire général de l'ONU a consacré une division du territoire, et en agissant ainsi, il a essayé de changer le statut de cette zone tampon. C'est pourquoi, nous dénonçons un fait inacceptable et incompréhensible et même, très grave et dangereux.
D'autant plus qu'il a commis, comme je l'ai souligné précédemment, plusieurs omissions : il n'a pas parlé de la situation de non-droit qui prévaut dans les camps de Tindouf. Il n'a pas non plus évoqué la question des violations massives des droits de l'Homme dans les camps de Tindouf en Algérie, le détournement avéré depuis quatre décennies, de l'aide humanitaire internationale destinée aux populations de ces camps, ou encore l'impératif du recensement de ces populations auquel il a lui-même appelé dans plusieurs de ses rapports.
Ce fait inédit, avec ses conséquences actuelles, n'enlève rien au fait que le Maroc est dans son droit le plus légitime. De par sa proposition pour la résolution de ce différend, à travers le Plan d'autonomie comme seule solution, il ne laissera aucune partie entraver ses engagements, son développement et porter et que soit porté atteinte à son intégrité territoriale et aux sentiments de sa population.
La réaction du Maroc, populaire d'abord, ensuite politique par une série de mesures appliquées immédiatement comme le renvoi de 83 membres civils de la Minurso et l'arrêt de la contribution financière de 3 millions de dollars à celle-ci, vous semble-t-elle justifiée et nécessaire, constitue-t-elle une réponse appropriée ?
Cette réaction, ou plutôt ces réactions, ne sont que le fruit d'une attitude qui a blessé la sensibilité de l'ensemble des Marocains. Dès qu'il s'agit de l'intégrité territoriale, la société civile, les partis politiques, les syndicats, les élus, la population et plus généralement toutes les composantes de la société marocaine mettent en avant leur marocanité dont ils ne sauraient aucunement se départir. Plus de 3 millions de marocains à Rabat, 180.000 à Lâayoune et des milliers et milliers de personnes de tout âge et de toute sensibilité à travers le Royaume et certaines villes du monde, ont manifesté leur incompréhension face à ces malheureux dérapages, ressentis comme des attaques personnelles par chacun de nos concitoyens.
Naturellement, le Maroc a pris les dispositions qu'il fallait : le gouvernement a publié un communiqué dans lequel il marque sa dénonciation ferme et son rejet total des propos inadmissibles et de ses actions condamnables de M. Ban Ki-moon au sujet de la question du Sahara marocain. Ce communiqué a considéré que de tels agissements sont incompatibles avec les responsabilités et la mission du Secrétaire général, qui l'astreignent à un devoir d'objectivité, d'impartialité et au respect du référentiel établi par les organes de l'ONU.
Etant donné les conséquences graves de ces dérives dangereuses et la situation actuelle, le Maroc a répondu également par une réduction de la composante civile de la Minurso, dont la mission initiale d'organiser le référendum, n'est plus d'actualité, et ce, depuis la proposition soumise par le Maroc au Conseil de sécurité du plan d'autonomie. Le Maroc a également décidé l'annulation de la contribution volontaire qu'il accorde au fonctionnement de la Minurso.
Comment la diplomatie marocaine envisage-t-elle la défense du dossier du Sahara et de manière générale, de nos thèses et de notre projet de société face à nos détracteurs, notamment algériens ?
– Le Maroc, sous le leadership éclairé de Sa Majesté le Roi, continuera sans relâche, à défendre sa première cause, le Sahara, par la mobilisation de toutes les forces vives du Royaume. La diplomatie, à travers ses hommes et ses femmes et leur abnégation, s'attelle à préserver les intérêts du Maroc et des Marocains dans le monde, à promouvoir l'image de notre pays et ses multiples atouts, aussi bien au niveau bilatéral et multilatéral.
Il conviendrait de souligner que la diplomatie parlementaire, les ONG, la Société civile et les Marocains du monde, ont fait de nouveau preuve de patriotisme, d'efficacité et de militantisme et je les appelle à maintenir leurs efforts pour soutenir la diplomatie officielle dans la défense des intérêts supérieurs du Royaume.


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