Ce lundi 28 septembre s'ouvre la 70ème session de l'Assemblée générale des Nations unies, qui coïncide avec le 70ème anniversaire de la création de l'ONU. Pour la première fois le président chinois y prend part, comme aussi le président cubain Raul Castro et le président de Palestine, Mahmoud Abbas. Vladimir Poutine qui s'entretiendra avec Barack Obama sur la Syrie met à profit cette présence à New York pour déployer son plan de règlement en appelant au soutien nécessaire à Bachar al-Assad contre l'Etat islamique. Au lendemain de la première élection, en 2008, de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, nombreux s'étaient amusés à se poser cette question : le nouveau président de la « première puissance mondiale » ferait-il le poids face à Vladimir Poutine ? Toute prosaïque et même candide qu'elle fut, l'interrogation n'en était pas moins pertinente. D'aucuns n'hésitaient pas, d'ailleurs, à mettre en équation la prétendue « fraîcheur » » du premier face à la « perfidie » du second qui opérait son retour au pouvoir selon une méthode que ne désapprouverait pas un certain...Sarkozy ! Vladimir Poutine est revenu au Kremlin en mai 2012 et Barack Obama a été réélu en novembre de la même année. Coïncidence ? Fatalité de l'histoire ? Voici deux chefs d'Etat à la tête des deux plus grandes puissances qui ont commencé dès le départ – la méfiance aidant – à se regarder comme « deux chiens de faïence », à s'observer et à se défier même. Notamment sur cette affaire syrienne qui les a faits diverger et même s'opposer, le président américain faisant de Bachar al-Assad l'ennemi juré et de son départ une condition « sine qua non », et le président russe sont maintien contre vents et marées ! Ensuite sur l'Ukraine qui a servi de champ de confrontation entre les deux, entre la Russie et l'Europe ensuite et pour laquelle Vladimir Poutine, tout à sa détermination froide et machiavélique, a mis tout son poids pour montrer au monde entier à quel point son pays ne tolèrerait jamais la moindre tentative de décomposition de « son empire ». L'étrange « révolution arabe » de 2011 Depuis le début de la guerre civile en Syrie, considérée alors comme le 3ème pion à faire tomber dans le plan redoutable de cette étrange « révolution arabe » qui a emporté la Tunisie, la Libye, le Yémen, l'Egypte, mais qui s'est heurtée à l'impressionnante résistance de Bachar al-Assad et de ses fidèles...la Russie soutient « mordicus » ce dernier. Poutine a prévenu il y a déjà quatre ans, non sans perspicacité, qu'à trop vouloir soutenir et armer l'opposition syrienne contre Bachar al-Assad, on finirait par de celle-ci un monstre tentaculaire. Il n'avait pas su si bien dire ! Car cette opposition avait la particularité d'être à la fois bigarrée et disséminée, les groupes islamistes en émergence l'ayant mise ni plus moins sous leur coupe. Car aussi, l'opposition démocratique syrienne – composée d'intellectuels et de personnalités crédibles – , qui eût pu constituer une force alternative au dictateur de Damas, a été laminée à la fois par les cruels services de ce dernier et par le Front al-Nora, branche d'Al-Qaïda en Syrie. Sans compter les jihadistes de l'Etat islamique qui ont investi la ville de Raqqa dont ils ont fait leur capitale et qui commençaient à sévir de manière impitoyable . J'ai dénoncé, il y a déjà deux ans, dans l'un de mes blogs ce dangereux glissement auquel ont contribué tout à la fois les Etats-Unis, la France et d'autres pays d'Europe à appuyer les rebelles syriens dont on ignorait à vrai la filiation à l'islamisme radical ? Hollande n'avait-il pas voulu « punir » Bachar en septembre 2013 après l'usage des gaz et des bombes chimiques en banlieue de Damas, provoquant plus de 1000 morts ? Ne s'est-il pas ensuite résigné à tempérer ses ardeurs guerrières ? A trop vouloir éviter Charybde, on finit par échouer sur Scylla ! Les Etats-Unis et l'Europe ont cru soutenir les rebelles syriens pour démantibuler le pouvoir de Bachar, en venir à bout de celui-ci ; sur lui ils ont concentré leurs efforts au point d'oublier que , en face, ses opposants – ou ce qui en tenait lieu – se révéleraient plus dangereux que lui. Car, entretemps, on a assisté à la montée en puissance de l'Organisation de l'Etat islamique qui a conquis Mossoul, point clé, avec le soutien plus ou moins explicite de la Turquie. Les jihadistes de l'Etat islamique sont entrés en plein territoire syrien, menaçant même au début de l'été dernier de regagner via Palmyre le « chemin de Damas » !!!! Sauver le régime de Bachar al-Assad d'abord On se prend à rêver que le « principe d'ingérence », incompatible certes avec les droits de l'Homme mais violé dans le passé par les puissances impérialistes, notamment par les Etats-Unis sous Théodore Roosevelt au nom de la sinistre théorie du Big Stick n'ait été respecté ou appliqué qu'au nom des intérêts américains ! Envahi au nom de cette doctrine, l'Irak est à présent un pays dévasté et Georges Walter Bush peut vaquer à ses paisibles occupations sans se soucier du champ de ruines qu'il a laissé derrière lui après la guerre menée en mars 2003 contre l'ancienne Mésopotamie. Il n'avait guère besoin de recourir à la bombe atomique comme ce fut le cas contre le Japon en 1945 pour mettre Saddam Hussein à genoux, il a simplement réuni une « coalition internationale » sans précédent sur la base d'un mensonge – les fameuses Armes de destruction massive ( ADM) que ce dernier était supposé détenir – pour détruire un pays, un peuple, une civilisation. De la même manière que son père, Georges Bush sénior en août 1990 après l'invasion par Saddam Hussein de Koweit...Le paradoxe est que Georges Bush junior avait obtenu le feu vert du Conseil de sécurité où, pourtant, siège la Russie qui avait tout le droit d'opposer son véto à l'invasion de l'Irak , mais qui s'y est résolue de mauvaise grâce. Sans doute, en effet, l'Irak n'est-il pas la Syrie qui incarne aux yeux de Moscou et depuis des lustres la clé de voûte de sa diplomatie ! Son soutien irréversible et sans nuances à Bachar al-Assad ne change pas la perspective que nous en dessinons, de cette implication réitérée de Vladimir Poutine pour sauver le régime de Bachar et exiger que toute solution invoquée désormais pour la Syrie doit passer par le maintien du statu quo, autrement dit du président Bachar al-Assad...Les Etats-Unis, la France et l'Occident en général auront beau avoir essayé de « dégommer » celui qui figure sur la black-list des « régimes terroristes », rien n'y fera, car la Russie possède à coup sûr la clé de tout changement à Damas. Les Etats-Unis n'ont-ils pas débloqué l'année dernière la coquette somme de 500.000 millions de dollars et fourni une quantité significative d'armes aux rebelles syriens censés combattre le régime syrien ? Ces armes n'avaient-elles pas fini entre les armes d'Al-Qaïda à travers le mouvement islamiste al-Nosra ? L'erreur de Barack Obama et l'entrée en scène de Poutine C'est le commandement des forces américaines au Moyen-Orient (CentCom), qui affirme que des rebelles syriens formés par les Etats-Unis ont remis une partie de leur équipement et de leurs munitions au Front al-Nosra, qui est la branche syrienne d'al-Qaïda. « Du coup, s'interroge-t-on, les questions se font nombreuses sur le programme américain de formation de la rébellion syrienne.», a indiqué le CentCom dans un communiqué qui précise que « s'il est confirmé, ce comportement « est très préoccupant et constitue une violation des règles » du programme de formation des New Syrian forces (NSF, Nouvelles forces syriennes), a indiqué le colonel Patrick Ryder, un porte-parole du Centcom. Sans parler d'un échec cuisant de la politique de Barack Obama et de la coalition internationale en Syrie, on peut en effet invoquer de sa part une erreur monumentale de vision et un manque de perspicacité géopolitique. Il s'agit à la fois d'une impasse et d'une brèche militaire et diplomatique que, bien entendu, Vladimir Poutine instrumentalise. Il prend l'initiative non seulement au niveau militaire puisqu'il déploie des chars, des avions , des soldats et une stratégie de lutte contre l'Etat islamique, et au niveau diplomatique en parallèle il capitalise à partir de ce lundi 28 septembre sa présence active à la 70ème session de l'Assemblée générale des Nations unies à New York – qui fête ses 70 ans d'existence – pour déployer, avec un art consommé de la Realpolitik, une volonté de convaincre et de communiquer. Vladimir Poutine est devenu un séducteur sur lequel les regards vont se joindre et se concentrer ces jours-ci, il a déjà emporté l'adhésion le 24 septembre dernier d'Angela Merkel et quasiment de François Hollande pour son « plan de bataille » contre l'Etat islamique, il peaufine déjà son avivé visage, brut de coffrage, d'imperator et de maître de la scène internationale entraînant derrière lui, l'Iran qui soutient les chîites d'Irak , la Chine, la Turquie du « petit calife » Erdogan, Cuba et à coup sûr quelques pays arabes directement exposés, ainsi que l'opinion publique internationale ! « Je crois profondément que toutes les actions allant dans l'autre sens – qui visent à détruire le gouvernement légitime (syrien) – vont créer une situation que l'on a déjà observée dans d'autres pays de la région ou dans d'autres régions, par exemple en Libye, où toutes les institutions étatiques ont été désintégrées » souligne Vladimir Poutine dans l'émission « 60 minutes » de la chaîne américaine CBS....Il ajoute : « On a assisté à une situation identique en Irak », critique encore le chef de l'Etat russe. « Et il n'y a pas d'autre solution à la crise syrienne que de renforcer les structures gouvernementales et de les aider dans le combat contre le terrorisme ( de l'Etat islamique) ». Nul doute que la Russie est en train de reprendre pied dans une région qui constituait au temps de Nasser son fief, ensuite de Hafez al-Assad , pivot de sa politique moyen-orientale. Au grand dam des Etats-Unis...