L'Union européenne se trouve face à une épreuve politique majeure après l'annonce de la Commission européenne visant à suspendre partiellement l'accord de libre-échange avec Israël, en réponse à l'intensification du conflit à Gaza. La proposition inclut également des sanctions ciblées contre des ministres du gouvernement israélien, ainsi que des mesures à l'encontre de colons violents et de membres du Hamas. Concrètement, les échanges commerciaux en provenance d'Israël perdraient leur traitement préférentiel à l'entrée dans l'UE, ce qui reviendrait à appliquer les droits de douane standards imposés aux pays tiers sans accord d'association. Une telle mesure pèserait sur des milliards d'euros d'échanges annuels et constituerait un signal diplomatique fort à l'égard de Tel-Aviv. Cependant, les propositions restent circonscrites. Elles ne couvrent pas les produits en provenance des colonies situées au-delà des frontières de 1967, qui nécessiteraient une décision distincte. Le secteur des armes, particulièrement sensible, n'est pas non plus concerné. Pour certains Etats membres, ces annonces relèvent davantage du registre politique que d'un réel durcissement économique. Lire aussi : UE : Bruxelles propose des sanctions contre des ministres israéliens La question centrale demeure celle de leur adoption. Pour entrer en vigueur, ces mesures doivent recueillir le soutien d'une majorité qualifiée au Conseil de l'UE, soit 55 % des Etats représentant au moins 65 % de la population. Or, un groupe de pays comprenant notamment l'Allemagne, l'Italie, la Hongrie, l'Autriche et la République tchèque s'oppose fermement à toute sanction commerciale à l'égard d'Israël. Berlin et Rome, en particulier, jouent un rôle décisif. Leur poids démographique au sein de l'Union leur permet de bloquer les initiatives de sanction, comme cela a déjà été le cas lors des précédentes discussions sur la suspension de certains programmes de coopération. Dans ce climat d'incertitude, plusieurs pays favorables aux sanctions cherchent à maintenir la pression politique. L'Espagne et l'Irlande plaident depuis des mois pour un durcissement de la position européenne. Certains gouvernements ont même menacé de boycotter des événements culturels, comme l'Eurovision, si Israël continue d'y participer malgré la poursuite du conflit. Cette dimension culturelle illustre l'ampleur de la fracture européenne. Alors que Bruxelles tente d'affirmer une position commune, les divisions internes menacent de neutraliser l'effet de ses annonces. Les appels de la haute représentante de l'UE aux pays réticents pour qu'ils soutiennent, ou à défaut proposent des alternatives de pression, n'ont pas encore permis de dégager un consensus. Au-delà des aspects économiques, c'est la crédibilité de l'Union européenne qui est en cause. Incapable jusqu'ici de parler d'une seule voix sur le conflit à Gaza, elle risque de voir son influence diplomatique s'éroder encore davantage si les mesures proposées par la Commission restent lettre morte. Entre volonté affichée de fermeté et blocages politiques persistants, l'UE se retrouve confrontée à un dilemme stratégique : maintenir l'unité au prix de l'inaction, ou accepter la fracture pour envoyer un signal fort à Israël.