Le projet de loi de finances (PLF) 2025, dévoilé, marque une réforme majeure de l'impôt sur le revenu (IR) au Maroc, suscitant un intérêt considérable tant auprès des experts que des citoyens. Ce projet, qui vise à réviser en profondeur le barème de l'IR, promet d'alléger la pression fiscale pesant sur les ménages, notamment ceux appartenant à la classe moyenne et modeste. Cette réforme représente un souffle d'air frais pour une frange importante de la population, confrontée depuis plusieurs années à une érosion continue de son pouvoir d'achat. Le cœur de cette réforme repose sur une révision du barème de l'IR, avec des tranches réajustées pour mieux refléter la réalité socio-économique du pays. Le gouvernement propose une exonération totale pour les revenus nets imposables annuels inférieurs à 40 000 dirhams, offrant ainsi un allégement immédiat pour les salariés les plus modestes. Pour les autres tranches, une imposition progressive est mise en place. Ainsi, les salariés dont les revenus se situent entre 40 001 et 60 000 dirhams seront soumis à un taux d'imposition de 10 %, alors que ceux dont les revenus excèdent 180 000 dirhams verront leur taux plafonné à 37 %. Ce nouveau système se veut plus équitable, permettant de redistribuer la charge fiscale de manière plus juste et de mieux soutenir les foyers à revenus moyens. Cette révision du barème est d'autant plus marquante qu'elle s'accompagne d'une refonte des déductions fiscales accordées pour personnes à charge. Désormais, la déduction passera de 360 à 500 dirhams par personne à charge, un coup de pouce non négligeable pour les familles nombreuses. À titre d'exemple, une famille de six membres, bénéficiant de cette nouvelle mesure, pourrait constater une réduction significative de son impôt, ce qui améliorerait directement leur budget familial et leur qualité de vie. Pour illustrer l'impact de cette réforme sur les ménages marocains, des simulations ont été menées pour différents profils de salariés. Un employé gagnant 5 000 dirhams par mois, qui payait jusqu'ici 333,33 dirhams d'impôt mensuel, verra sa charge fiscale réduite de moitié, à seulement 166,67 dirhams. Cette réduction significative permettra aux ménages de consacrer davantage de ressources à d'autres dépenses essentielles, comme l'éducation, la santé ou encore le logement. Pour un salarié percevant un salaire mensuel net imposable de 8 333 dirhams, la réforme engendrera une économie de 400 dirhams sur son impôt mensuel. Ceux dont les revenus mensuels s'élèvent à 20 000 dirhams bénéficieront d'une réduction de 450 dirhams, tandis que les plus hauts revenus, à 30 000 dirhams par mois, verront une diminution de 550 dirhams de leur impôt. Ces réductions substantielles s'inscrivent dans une volonté de l'Etat de mieux soutenir la classe moyenne, souvent considérée comme le moteur de l'économie nationale. L'impact sur la classe moyenne La classe moyenne marocaine, souvent décrite comme le pilier de la consommation intérieure et de la croissance économique, a été particulièrement fragilisée ces dernières années. Entre la flambée des prix des produits de première nécessité, la stagnation des salaires et une fiscalité jugée trop lourde, cette réforme de l'IR représente une opportunité pour redonner un peu de souffle à cette frange de la population. En augmentant leur pouvoir d'achat, cette mesure pourrait relancer la consommation des ménages, contribuant ainsi à une dynamique économique plus soutenue. En effet, la baisse de l'IR, couplée à des déductions fiscales plus généreuses pour les familles nombreuses, pourrait stimuler la demande intérieure, générant un effet multiplicateur sur plusieurs secteurs de l'économie marocaine, tels que le commerce de détail, le logement ou encore les services. La classe moyenne, en retrouvant une certaine marge de manœuvre budgétaire, serait alors en mesure de réorienter ses dépenses vers des investissements à long terme, notamment dans l'éducation ou la santé. Des questions en suspens Malgré les bénéfices apparents de cette réforme, plusieurs interrogations demeurent quant à ses effets à long terme sur les finances publiques. En allégeant l'impôt sur les tranches les plus basses et moyennes, l'Etat risque de voir ses recettes fiscales diminuer de manière significative. Un manque à gagner qui pourrait fragiliser les capacités de financement des infrastructures publiques, des services sociaux et des projets de développement économique. Le gouvernement devra donc trouver des solutions pour compenser cette baisse des revenus, soit en élargissant l'assiette fiscale, soit en recherchant de nouvelles sources de financement. Par ailleurs, certains économistes mettent en garde contre le risque de voir cette réforme bénéficier de manière disproportionnée aux salariés des tranches moyennes supérieures, sans apporter une aide suffisamment marquée aux foyers les plus modestes, qui peinent déjà à joindre les deux bouts. Il sera donc crucial de veiller à ce que les mesures d'accompagnement ciblent réellement ceux qui en ont le plus besoin, afin de ne pas aggraver les inégalités sociales. Pour rappel, l'importance politique de cette réforme. En cette période où la confiance des citoyens envers les institutions publiques semble érodée, la réforme de l'IR apparaît comme une tentative de rétablir un pacte social entre l'Etat et ses citoyens. En réduisant la pression fiscale sur les ménages les plus fragiles, le gouvernement espère probablement restaurer un climat de confiance et de coopération, tout en répondant aux attentes légitimes d'une population en quête de justice sociale. Cette réforme de l'impôt sur le revenu sera, sans nul doute, l'un des chantiers majeurs des mois à venir. Pour qu'elle soit pleinement effective et qu'elle atteigne ses objectifs de relance du pouvoir d'achat et de soutien à la classe moyenne, il faudra veiller à ce que son application soit équitable et bien calibrée. Au-delà des chiffres, c'est la question de la redistribution des richesses et de la justice fiscale qui est ici en jeu, et elle conditionnera l'avenir économique et social du Maroc pour les années à venir.