Le Centre Marocain de Conjoncture (CMC) vient de publier son dernier rapport annuel « Bulletin Thématique » n°57 portant sur la croissance disruptive. Ce rapport traite plusieurs axes, dont notamment « Le commerce international dans le contexte d'une crise mondialisée : impacts multiformes sur le Maroc », « Equilibre du commerce extérieur : expansion des flux, hausse du déficit et tension sur la position financière extérieure », « Politique économique : le policy-mix dans le contexte de stagflation. Quels arbitrages ? » , « Marché du travail : constat et thérapies de rétablissement à terme ». Il s'agit également du « Secteur productif : un contexte global contraignant », « Crédit bancaire en 2023 : une progression soutenue malgré le contexte inflationniste », « Climat des affaires : état des lieux et perspectives d'évolution », « Notation de l'économie marocaine : un modèle de croissance qui peine à trouver ses marques », « Perspectives économiques 2023 : croissance anticipée de 4,4% », et « Cadrage macroéconomique 2024 : croissance attendue de 4,7% ». Abordant le volet du commerce international dans le contexte d'une crise mondialisée, le rapport relève que le commerce des marchandises, plus résilient que prévu, a cru de 2,7% en 2022. En valeur, le commerce de marchandises a progressé de 12%, reflétant la hausse des prix, notamment de l'énergie mais aussi des produits agricoles et manufacturés, tandis que le commerce des services a augmenté de 15%. Tous les services, y compris le transport et le voyage ont progressé. En prévision, la croissance du commerce devrait ralentir à 1,7% en 2023 selon l'OMC, freiné par la guerre en Ukraine, l'inflation durablement élevée, une politique monétaire plus rigoureuse et l'incertitude financière. Les prévisions sont entourées d'importants risques de détérioration, y compris les tensions géopolitiques croissantes, l'insécurité alimentaire mondiale, la possibilité de répercussions imprévues du durcissement de la politique monétaire, les risques affectant la stabilité financière et l'augmentation des niveaux de dette. Par ailleurs, le CMC indique que les impacts de ces tendances sur les exportations et l'économie du Maroc empruntent deux directions opposées, sans que leur bilan ne soit facile à établir. La relative faiblesse des importations européennes, les tensions sur les marchés des produits de base, énergétiques et alimentaires, présentent des menaces, tandis que le rebond attendu du marché automobile et la forte reprise du tourisme sont des facteurs favorables. Pour ce qui est des flux des échanges extérieurs, le CMC souligne qu'ils ont enregistré une forte expansion pour la deuxième année consécutive après le repli causé par la pandémie. Cette évolution, qui concerne aussi bien les flux des exportations que des importations, tient à la consolidation progressive du rythme de croissance sur le plan international, conjuguée à l'effet de la forte hausse des prix des produits échangés. Du côté des exportations, la valeur des ventes à l'extérieur a totalisé 428,6 milliards de dirhams (MMDH) au terme de l'année 2022 contre 329,4 MMDH une année auparavant, enregistrant ainsi une hausse de 30,1 %. En ce qui concerne les importations, les achats à l'extérieur ont atteint 737,4 MMDH au terme de l'exercice 2022, en accroissement de 39,5 %. Le regain de dynamisme des échanges a induit par ailleurs une forte dégradation de l'équilibre commercial, précise le rapport. Le déficit commercial cumulé au terme de l'exercice 2022 a atteint le niveau record de 308,8 MMDH, soit 55 % de plus par rapport à l'exercice précédent. Le creusement du déficit commercial se trouve cependant quelque peu atténué par le comportement favorable des autres composantes du compte courant, notamment des échanges de services et les transferts de revenus. Sur un volet relatif au marché de travail, le CMC note que c'est est un sujet central dans l'économie du pays et dans la réalisation du bien-être de sa population. Il est réputé pour sa complexité, caractérisé par sa diversité des secteurs d'emploi, sa population active hétérogène et son dynamisme en constante évolution. Un marché du travail sain est le passage obligé pour assurer une croissance économique durable, réduire la pauvreté et améliorer le bien-être social. Cela étant, il est confronté à plusieurs défis, inhérent à la faible participation des femmes, au taux de chômage élevé parmi les jeunes, à la prédominance de l'emploi informel et au manque de travailleurs qualifiés. Lire aussi: Délais de paiement : Les 5 points clés de la loi 69-21 Dans cette conjoncture atypique où les déséquilibres post-pandémie se dédoublent, des effets de la crise inflationniste, le Maroc se trouve, à l'instar de la plupart des pays, confronté au dilemme classique de politique économique, celui du dosage pertinent entre relance de l'activité et stabilisation des prix. En ce qui concerne le secteur productif, le rapport affirme qu'après la crise sanitaire, le secteur productif marocain a fait face à de nombreux défis en 2022 notamment les conditions climatiques très défavorables, les conséquences du conflit entre la Russie et l'Ukraine et la hausse des prix des matières premières. En dépit de ce contexte difficile, certaines activités ont réalisé de bons résultats, à leur tête le secteur du tourisme, ajoute le rapport. D'après le CMC, la croissance ne se présenterait pas sous de bons auspices en 2023 : la hausse du PIB ne devrait guère dépasser les 2,4% selon les dernières estimations de Ban Al-Maghrib. Si bien que dans ce contexte incertain frappé du sceau de la persistance des tensions inflationnistes (6,2% en 2023 contre 6,6% en 2022), le système financier se trouve donc confronté au dilemme suivant : comment pourvoir aux besoins du secteur productif en liquidités tout en évitant d'alimenter les dérapages inflationnistes ? Le climat des affaires, pour sa part, joue un rôle crucial dans le développement économique par son impact certain sur l'attrait des investissements, la création d'entreprises, la compétitivité et la croissance économique. L'attrait des investissements directs étrangers (IDE), nécessite l'intéressement des capitaux, le transfert des technologies, le renforcement des compétences et des connaissances au bénéfice des entreprises locale, poursuit le CMC. L'économie marocaine a su rapidement rebondir après la pandémie. En 2021, la croissance de son PIB a enregistré une hausse de 7,9%, soit au-dessus de la région MENA (3,7% pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient) et de l'économie mondiale (6%). Ce rebond économique a permis au Maroc de retrouver son niveau de richesse d'avant la crise Covid-19. Mais l'année 2022 fut marquée par une succession de chocs d'offre, d'origine à la fois exogène (guerre en Ukraine) et interne (sécheresse), qui est venue altérer la dynamique observée, rappelle le rapport. Dans la même lignée, le rapport estime que les perspectives de l'économie du Maroc pour l'exercice 2023 seraient déviées de leur véritable trajectoire de reprise et devraient être contrariées par la jonction d'un certain nombre de facteurs aussi bien d'ordre interne qu'externe. Il s'agit entre autres du déficit hydrique qu'a connu l'agriculture, du mouvement récessif de l'économie mondiale, de l'embrasement des prix, des ruptures des chaînes d'approvisionnement, des retombées négatives de la guerre russo-ukrainienne et l'embargo économique des pays occidentaux envers la Russie et aussi des effets que pourrait provoquer douze mois de resserrement de politique monétaire. L'année 2024 connaîtrait une croissance de 4,7%, un scénario exploratoire établi sur la base des tendances de quelques variables macroéconomiques et sur les intentions des agents économiques et les appréciations des opérateurs. Ces anticipations augurent-elles d'une véritable reprise qui se prépare ou constituent-elles un simple nivelage croissance?, conclut le rapport.