En tout et pour tout, il n'y a pas de place ni de sollicitude pour les putschistes du Niger qui, au motif fallacieux de renverser un pouvoir démocratique élu et antithétique de leur idéologie sommaire wagnériste, ouvrent la voie à l'inexorable aventure du nouvel impérialisme russe... Une gêne intellectuelle semble s'emparer de l'Intelligentsia et ne parvient guère à la départager entre la condamnation d'un coup de force militaire impardonable et de la mansuétude habituelle et amorphe propre à la démagogie. Un président démocratiquement élu renversé, fut-il pro-français, n'autorise aucune clémence, aucune excuse… Le silence signifie ici une complicité et la porte ouverte aux violations prochaines. Les événements tragiques du Niger et leur complexité qui va sans cesse croissant nous renvoie cruellement à cette époque appelée la « guerre froide » qui a dominé le lendemain de l'après-guerre mondiale de 1945 à 1989, date de l'effondrement de l'Union soviétique. De nouveau, sous d'autres couleurs, elle est non pas à nos portes, mais dans nos foyers. Et si l'on en voulait encore une confirmation, ce qui se passe en Afrique de l'ouest depuis quelques mois, nous en donne l'avant-goût amer. Le paradigme n'oppose certes pas l'Amérique à l'ancienne URSS, mais l'Occident tout entier à cette Russie rugissante, d'abord en catimini, ensuite à visage quasi découvert avec les mercenaires de Wagner. Les réminiscences de la guerre froide sont là, leurs démons réveillés sous le coup de fouet d'un déplacement stratégique inattendu. On mesure en effet à quel point la nouvelle guerre froide sera décisive, et comment l'enjeu ouest-africain sert d'enclos à une rivalité où les blocs – comme l'on disait autrefois – vont jeter chacun à la fois son dévolu et ses forces. Le coup d'Etat des officiers félons du Niger a plus que révélé l'irascible volonté de la Russie d'occuper manu militari – par les mercenaires de Wagner interposés – le terrain abandonné pendant des lustres par les pays occidentaux, les Etats-Unis à leur tête, occupé d'abord par la République populaire de Chine qui a appliqué mezzo voce sa stratégie d'acquisition des terres agricoles, d'investissements subtils et, si l'on peut dire, damé le pion aux autres puissances. Cela fait des années que les commentateurs, séduits ou abusés, reprenant à leur compte l'antienne d'un Alain Peyrefitte dont le livre « Quand la Chine s'éveillera, le monde tremblera », a secoué les chancelleries, s'étaient fait une raison sur la puissance émergente de ce pays. Patiemment, laborieusement elle a conquis l'Afrique, y a progressivement installé son « soft power », ses technologies, son savoir-faire et sa diplomatie à la Potemkine ...La France d'Emmanuel Macron, l'arrogance érigée comme le mât d'un voilier chavirant, n'y a vu que du feu. Quatre coups d'Etats, au Mali, Burkina Faso, Guinée et Niger ont emporté ce qui s'apparentait à des débris de démocratie d'influence françafricaine et laissé la voie libre à la Russie, qui par la voie de sa milice dirigée par un voyou dénommé Prigogine, cuistaud de son état converti au grand banditisme a démantelé la Centrafrique, s'est emparé tout de go, à la barbe des pays occidentaux, de ses richesses et s'est fait fort de narguer et l'Union africaine (UA) , et la CEDEAO et bien entendu la France protectrice. L'épisode de la Centrafrique est à coup sûr la toute première et très grave pantalonnade d'Emmanuel Macron qui a livré ce pays aux mercenaires russes, fourvoyant cette partie de l'Afrique dans ses plans et ses filandreuses déclarations sur Barkane et autres démentielles folies. Logomachies et violations antidémocratiques Le pronunciamiento militaire du Niger, survenu le 26 juillet dernier, est probablement l'illustration vivante du chaos inédit auquel l'Afrique fera face désormais. Une concentration de périls et de tensions à nulle autre pareille, un paradigme potentiellement explosif enfin. Il aura fallu, bien entendu le renversement par la violence du régime démocratique de Mohamed Bazoum pour qu'enfin entre en irruption le volcan qui sommeillait depuis des mois, dans le triste sillage des coups d'Etat qui se sont produits en moins de quatre ans au Mali en 2020, au Tchad en 2021, en Guinée en 2021 , au Soudan la même année, au Burkina Faso par deux fois en janvier et septembre 2022...C'est dire le symptomatique tropisme que l'armée est la solution salvatrice aux problèmes auxquels sont confrontés ces pays. Le discours qui accompagne ces putschs ne varie nullement d'un contexte à l'autre, non plus les mécanismes qui sont institués après la prise du pouvoir par les militaires : Un conseil de la Révolution, un Haut conseil de la sécurité d'Etat, des officiers – jeunes pour la plupart – compassés et vêtus comme dans une campagne militaire, les vertueuses proclamations habituelles sur la « libération du peuple du joug dictatorial » du pouvoir déchu, sur la démocratie, l'union nationale invoquée à tout bout de champ... Au Niger, la junte n'a pas échappé à ce lamento, elle a tout de même renversé et de la manière la plus antidémocratique et violente un chef d'Etat élu, elle l'a enfermé avec son épouse et son fils, embastillé en violation flagrante des mêmes principes qu'elle proclame. Une solution militaire ou un acte d'agression A plus de vingt jours après le coup d'Etat, la communauté internationale, à sa tête la coalition francophone, s'interroge encore sur ce qu'il convient d'appeler pudiquement « un retour à la norme constitutionnelle ». La CEDEAO, cette communauté économique des 15 pays de l'ouest africain – y compris le Niger – n'a de cesse d'agiter le spectre d'une intervention armée pour « restituer le pouvoir au président Bazoum et rétablir l'ordre ... » ! Qu'à cela ne tienne, sauf en l'occurrence que l'intervention des forces de la CEDEAO, au lieu de résoudre la question, ne manquerait pas en revanche de compliquer la situation et à plus ou moins long terme de mettre la région à feu et à sang. L'Algérie qui possède plus d'un millier de frontières communes avec le Niger en serait l'une des premières victimes potentielles d'une intervention étrangère au Niger, d'où les nombreuses en garde qu'elle lance depuis qu'elle a appris que la CEDEAO a mobilisé les forces de la coalition des quinze pays. Or, Saïd Chengriha, maître d'œuvre des imprécations n'évoque nullement la pesante présence des mercenaires de la milice de Wagner déjà aux aguets, armes au poing, presqu'à pied d'oeuvre qui se glisse dans ce cloaque que sont devenus des Etats africain fragilisés et de plus en plus exposés au nouvel impérialisme russe et chinois... On assiste à un brouillamini qui n'a ni queue ni tête, le Niger n'est plus le bastion ultime de la France, mais la dernière démonstration d'abandon par cette dernière de ce qui constituait l'empire français. Emmanuel Macron – qui préfère la fête aux responsabilités – peut, en effet, jubiler d'avoir précipité ce carré dans la sentine de l'aventure et de l'avoir jeté ainsi dans les bras de la Russie. La question se pose en des termes cruels de savoir comment, si intervention militaire de la CEDEAO il y a, serait-elle menée ? Quels risques une telle aventure militaire comporterait-elle pour les concernés et les pays voisins ? On s'en tiendra à ce principe irréfragable que la géographie est la reine des configurations surprenantes. Aujourd'hui plus de 15 Etats de la CEDEAO et de l'Europe veulent en découdre avec le pouvoir fantoche installé de force à Niamey, ils s'opposent bien entendu aux nouveaux maîtres du Niger qui, non contents d'avoir violé la démocratie, se font fort de provoquer les pays européens et les Etats-Unis en lançant un procès fabriqué digne de l'époque de Staline contre le président destitué, le chargeant de maux qu'eux-mêmes n'hésitent guère à invoquer ? On devine aisément qu'après la Centrafrique, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, le Tchad et dans le viseur la Mauritanie sœur, la milice mercenaire de Wagner – discrètement mais surement propulsé par Alger et l'Iran dans le Sahel – nous renvoie bien entendu à ce schéma de la guerre froide , – qui sont le front avancé de la nouvelle donne géopolitique, servant de toute évidence de courte échelle à la conquête de cette région enflammée, jouant à merveille sur l'ambiguïté langagière et trompeuse, nous faisant prendre des vessies pour des lanternes...