La rentrée politique aux Etats-Unis s'annonce particulièrement tendue avec un Congrès divisé à l'image d'un pays extrêmement polarisé. Le président Joe Biden et son parti démocrate semblent néanmoins prendre un départ fulgurant, tandis que les républicains ont le pied coincé dans le starting-block. Le contraste était saisissant ces derniers jours. D'un côté, le locataire de la Maison Blanche en pleine action, vantant les bienfaits de son plan de modernisation de l'infrastructure près d'un pont vétuste du Kentucky qui va pouvoir être réparé grâce aux fonds fédéraux. De l'autre, les républicains de la Chambre des représentants, où ils sont maintenant majoritaires, à qui il aura fallu près d'une semaine et 15 votes pour élire leur leader, battant un record remontant à la Guerre de Sécession. Le candidat, Kevin McCarthy, aura dû se battre jusqu'au bout pour obtenir le poste clé de speaker qu'il ambitionne depuis des années. Une vingtaine d'élus de l'aile radicale du parti se sont opposés à son élection, car ils le trouvent trop modéré à leur goût. Il a dû leur faire de multiples concessions dont celle de pouvoir se débarrasser de lui s'il ne se plie pas à leurs demandes, pour enfin à la onzième heure, lors d'une ultime séance de nuit, réussir à réunir les dernières voix nécessaires. Son mandat ne sera pas une partie de plaisir. Il aura à gérer un groupe indiscipliné, et divisé entre ceux qui veulent continuer la politique de l'ancien président, Donald Trump, et ceux qui optent pour une autre voie. Lire aussi : Etats-Unis : Kevin McCarthy élu président de la Chambre américaine des représentants Trump, au passage, a soutenu McCarthy, et tenté d'apaiser la révolte. Il a même téléphoné durant le vote de vendredi soir à certains des mutinés pour tenter de les convaincre. Au début du marathon, il avait déjà incité son parti a faire preuve d'unité. Dans un message sur son réseau Truth, il avait déclaré : « Républicains, ne transformez pas un grand triomphe en une défaite géante et embarrassante ». Mais son appel avait alors été ignoré, signe qu'il est en train de perdre quelque peu de son influence auprès de la droite ultra. Le spectacle d'une poignée d'ulra-conservateurs paralysant la Chambre, qui ne pouvait fonctionner sans un président, a donné un avantage (au moins temporaire) à Joe Biden. Il sait qu'une fois le calme revenu, les républicains vont lui donner du fil à retordre. Après des années dans le désert, ils veulent leur revanche. Le GOP a promis de lancer nombre d'enquêtes sur la commission sur l'assaut sur le Capitole le 6 janvier 2021, les ministères de la justice et de la sécurité intérieure, en charge de la protection des frontières, la gestion du Covid, le retrait désordonné d'Afghanistan, mais aussi sur les activités du fils de Biden, Hunter, en Ukraine et en Chine. La Maison Blanche se dit prête à répondre à ces investigations. Dans un tel climat, Joe Biden ne doit guère s'attendre à faire adopter de grandes lois comme il a pu le faire quand les démocrates étaient maîtres des deux Chambres. Mais il peut vivre sur son acquis. Les Américains vont commencer à bénéficier des législations approuvées l'an dernier comme la baisse du prix des médicaments, la modernisation des infrastructures, la lutte contre le réchauffement climatique grâce à l'allocation d'un budget de 370 milliards pour réduire de 40% les effets de gaz de serre d'ici 2030. L'année 2023 est importante pour Joe Biden. Il devrait annoncer son intention de se représenter le mois prochain, peu avant de prononcer son discours sur l'Etat de l'Union, formalisant sa candidature probablement en avril. Son épouse Jill a donné son accord, et le reste de la famille a été consulté lors des vacances de fin d'année à Sainte Croix, l'une des îles Vierges. Même si une majorité d'Américains préfèrerait un candidat plus jeune, son équipe, un moment sceptique, craignant qu'à 80 ans il ne puisse résister aux rigueurs d'une campagne électorale, est maintenant à fond pour qu'il rempile. Sa cote de popularité est à la hausse, passant de 37% en juillet dernier à 43% aujourd'hui, cela grâce à ses succès législatifs, à sa gestion de la guerre en Ukraine, et aux élections de mi-mandat où sa politique a permis aux démocrates de conserver le sénat et de limiter les pertes à la Chambre. Si en ce début d'année, Joe Biden part du bon pied, il rencontrera inévitablement des obstacles. L'inflation reste élevée, 7%. Le prix de l'énergie pourrait de nouveau augmenter. Une récession ne peut être exclue. La directrice du Fonds Monétaire International a prédit un ralentissement mondial de la croissance auquel ne pourront échapper les Etats-Unis, même s'ils résistent mieux que les autres pays. Le monde n'apporte guère de répit à Joe Biden. Pourra-t-il maintenir la coalition qu'il a formée avec l'Europe pour soutenir les Ukrainiens si les alliés, au plus fort de l'hiver, n'ont plus l'énergie pour se chauffer ? Il n'est pas écarté que les républicains essaient de réduire l'aide militaire et humanitaire que l'administration accorde à l'Ukraine. Pour le moment, la coalition reste solide, et le président américain s'est engagé, avec son homologue ukrainien Vlodymir Zelensky à ses côtés, à aider Kiev jusqu'au bout. Les Etats-Unis viennent d'ailleurs d'approuver une aide supplémentaire de près de 4 milliards de dollars. Les relations avec la Russie resteront exécrables, mais la Chine est sans doute le pays qui préoccupe le plus Washington. Outre les rivalités commerciales, il y a des divergences sur la politique chinoise en Asie et ailleurs. S'il décide de se représenter comme il y semble enclin, Joe Biden a deux ans pour prouver aux Américains qu'en dépit de son âge avancé, il mérite leur vote en 2024 pour un second mandat.