En France les élections sont encore loin d'être finies. Et c'est à ça que l'on reconnait une démocratie quand il s'agit de donner régulièrement la parole au peuple, le consulter à tous les niveaux, local, national et européen. Et c'est ainsi, après la victoire d'Emmanuel Macron pour un second mandat de président. Les Français s'apprêtent, donc, à élire, au suffrage universel direct au scrutin majoritaire à deux tours les 12 et 19 juin les députés siégeant à l'Assemblée nationale pour un mandant de cinq ans. Dans cette perspective Jean-Luc Mélenchon a réussi une union à très large éventail de la gauche jamais réalisée. Un accord programmatique et électoral avant le premier tour et dans la totalité des 577 circonscriptions. L'Union Populaire Ecologique et Sociale (NUPES) est la coalition de tous les partis de gauche hormis le Nouveau Parti Anti-capitalise d'obédience trotskiste. Pendant une semaine les responsables d'EELV, du PCF et du Parti Socialiste ont accouru au siège de LFI pour négocier cette union et ont fini par signer un accord. Jean-Luc Mélenchon, « candidat » au poste de premier ministre, a exprimé sa satisfaction lors de la convention de la NUPES, une sorte de déclaration de politique générale avant l'heure. Devant des militants de gauche galvanisés par le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon est réapparu comme un orateur d'exception. Dès la ratification de cet accord par les instances du parti Socialiste, des voix se sont exprimées pour dénoncer et rejeter dans sa globalité le rapprochement du PS, parti historique et de gouvernement et LFI considéré comme parti contestataire sans programme réel et sérieux. Jean-Luc Mélenchon, à la tête de LFI, considère les 22% de voix obtenues au premier tour synonymes d'adhésion à son programme et valeur de leadership de la gauche française. « Je récuse l'accord sur le fond et même sur les circonscriptions. » L'ex-président François Hollande est le premier éléphant socialiste à avoir marqué son opposition à l'accord de coalition. Suivi par son ancien premier ministre Bernard Cazeneuve, un moment donné pressenti candidat du PS à la présidentielle, il a joint le geste à la parole en démissionnant du parti socialiste. Stéphane Le Foll, ancien porte-parole du gouvernement Hollande et maire du Mans s'est opposé lui aussi à l'union des gauches estimant qu'une partie de l'électorat de gauche préfèrera s'abstenir ou voter Macron, et s'est dit prêt à « conduire la campagne » pour les législatives des dissidents du PS. Tous les éléphants socialistes sont vent debout contre cet accord à part madame Martine Aubry (fille de Jacques Delors) maire de Lille, qui a approuvé et a apporté son soutien total aux candidats de la NUPES. Pour mieux comprendre il faut être au cœur de l'évènement. Nous sommes samedi 14 mai, je me suis rendu à MONT, petite commune des Pyrénées Atlantiques afin d'assister et couvrir pour ma chaine Youtube « Ab raconte » et pour Maroc Diplomatique, la réunion publique de lancement de la campagne des élections législatives du candidat David HABIB et de son suppléant David DUIZIDOU. David Habib est le député sortant de la troisième circonscription des Pyrénées Atlantiques, le département en compte 6. David Habib rempile pour la cinquième fois. Elu à quatre reprises depuis 2002 et sous étiquette socialiste, il est de ces sortants non reconduits par le PS et ayant fait les frais de l'union des gauches. D'où l'intérêt de comprendre, et analyser les motivations et les enjeux. A mon arrivée à la salle Franquet de Lendresse la foule était dense. Des maires de la troisième circonscription, des conseillers municipaux, départementaux et régionaux et des soutiens du candidat sont là. Quelques entretiens rapides, d'abord l'ancien Maire de Pau Yves Urieta, puis Pierre Cheret une figure locale et régionale du PS et enfin David Duizidou, le suppléant sortant. Ils sont tous présents pour soutenir le candidat dissident, et dire leur rejet de l'union des gauches opérée au détriment du Parti Socialiste, de l'idéal et des valeurs de cette formation historique. Ils sont tous unanimes, le PS doit d'abord être républicain, européen, écologique et laïque. Rappelons que le Parti Socialiste a été lancé en 1969, il trouve son origine dans le courant de pensée du socialisme. Le PS a élu deux présidents de le République. D'abord François Mitterrand en 1981 et 1988, et ensuite François Hollande en 2012. Après un retard remarqué, le candidat arrive enfin, accompagné de son soutien le plus important du jour, Carole Delga. Carole Delga, ancienne députée de la 8ème circonscription de la Haute Garonne en 2012, élue dès le premier tour. Secrétaire d'Etat chargée du commerce et de l'artisanat dans le gouvernement Valls, poste qu'elle a quitté en 2015 pour se consacrer aux élections régionales. Elue présidente de la Région Occitanie en 2016 et réélue en 2021, présidente de l'association des régions de France depuis 2021. Membre du Parti Socialiste depuis 2004, femme de conviction, solidement implantée en Occitanie, elle est devenue l'un des espoirs les plus solides du PS. Elle a acté la dissidence. A l'instar des poids lourds socialistes, et depuis quelques jours, elle a annoncé que l'accord de la NUPES ne lui convenait pas. Hostile à cette union, la présidente de la région Occitanie a fustigé les choix des dirigeants du Parti Socialiste. Elle veut réformer le PS et propose des « états généraux de la gauche ». Elle veut rassembler les socialistes dissidents, la raison de sa présence au côté du candidat « Pour le Béarn ». Habillée d'une robe longue à fleurs, elle prend la parole, son accent tonique et chantant ajoute de la sincérité et de la force à son discours et séduit l'assistance. Après quelques bons mots, elle explique et argumente son choix de rentrer en résistance alors qu'elle n'a aucun intérêt électoral à titre personnel. Pendant vingt cinq minutes, Carole Delga est revenue sur son enfance heureuse et sa famille aimante malgré le manque des moyens. Le travail qu'elle a dû fournir pour arriver là où elle est aujourd'hui. « Si je suis présente aujourd'hui ici, c'est une question de fidélité et de sincérité » a-t-elle dit. Elle exprime son regret et fustige la décision du Parti Socialiste de ne pas soutenir David Habib décision profondément injuste à ses yeux, ajoutant que le PS est le seul parti signataire de l'union des gauches à ne pas avoir reconduit tous ses sortants. Pour Carole Delga, ne pas soutenir les siens c'est envoyer un mauvais message aux citoyens et à la population. Elle a brossé un portait des plus séduisants du candidat béarnais et marqué d'une encre indélébile la différence des visions entre les socialistes et les insoumis. Le monde est en danger dit-elle : Le réchauffement climatique, la mondialisation, les crises sanitaires, les crises internationales. « Je suis sérieuse, dit-elle, j'ai lu le programme de la France Insoumise. Lisez-le et vous allez voir ». Elle estime que Jean-Luc Mélenchon n'apporte pas les réponses adéquates aux problèmes des Français, ni ne protège la France dans le contexte actuel. Jean-Luc Mélenchon, on programme ? Des salades ! « Pour financer mes études, j'ai vendu des salades pour le compte d'un maraîcher, mais ni en Occitanie ni Ici je ne vends des salades aux gens » conclut la socialiste. Carole Delga a appelé l'assistance à aller au combat couteau entre les dents, et de croire à une victoire certaine parce que la cause est juste. David Habib, le symbole de la résistance en Béarn. David Habib, quant à lui, a souligné son engagement pour le Béarn depuis sa première élection. Il a promis de continuer à défendre le territoire, l'emploi, l'hôpital et la solidarité. Lors d'un entretien qu'il a accordé à Maroc diplomatique, le candidat a tiré le signal d' alarme : « A toutes celles et ceux qui piétinent notre passé, je dis, moi je suis fier d'être socialiste même si j'ai quitté le PS. Je suis fier que ce parti ait aboli la peine de mort. Je suis fier de ce que ce parti a fait pour les droits sociaux et les libertés publiques. Je leur dis regardez ce dont vous héritez. Respectez le Parti Socialiste, dans ses valeurs dans ses alliances » Des réunions de lancement de campagne comme celle du Béarn, il y en a eu un peu partout en France. Ceux qui ont rejeté l'accord PS- LFI se sont donné comme mission d'abord de le faire savoir en rentrant dans une dissidence au grand jour et puis une résistance organisée. En Occitanie, en Nouvelle Aquitaine, au Finistère, à Paris et partout sur le territoire national un vent de dissidence souffle. A ce rythme le nombre de dissidents dépassera largement les 70 circonscriptions que les instances du PS ont obtenues dans le cadre de la Nouvelle Union Populaire, Ecologique et Sociale contre 340 pour LFI, une centaine pour les Ecologistes et 50 pour le PCF. Jean-Luc Mélenchon a cru avoir fait le plus dur en réalisant l'union des gauches. Sur papier c'est acté, mais c'est seulement sur papier !