Le parquet fédéral suisse a procédé à l'audition finale du général et ancien ministre de la Défense au début de la guerre civile en Algérie, Khaled Nezzar, qui « est poursuivi pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité », rapportent des médias helvétiques et une ONG internationale. La fin de la procédure ouvre la voie à un renvoi en jugement de Khaled Nezzar devant le Tribunal pénal fédéral (TPF), qui siège à Bellinzone, pour des faits gravissimes. « Après avoir entendu Khaled Nezzar durant trois jours, le Ministère public de la Confédération (MPC) informe les parties qu'il entend renvoyer celui-ci en jugement devant le Tribunal pénal fédéral», s'est réjouie dans un communiqué l'organisation Trial International, qui est à l'origine de la dénonciation pénale du général algérien auprès des autorités suisses compétentes. L'audition finale de Khaled Nezzar, pris dans les mailles de cette procédure à l'occasion d'un séjour à Genève en 2011, s'est déroulée à Berne les 2 et 4 février derniers dans les locaux du Ministère public de la Confédération, précise le journal le Temps, relevant que le parquet fédéral a confirmé la tenue de cet ultime interrogatoire. Khaled Nezzar est notamment poursuivi pour avoir participé, entre le 14 janvier 1992 et le 31 janvier 1994, comme complice (en sa qualité de chef de la junte militaire), à des meurtres, des actes de torture, des traitements inhumains et des détentions arbitraires, tous qualifiés comme les pires des crimes. Au terme de cette audition de trois jours, le général a pu repartir librement, malgré la demande d'arrestation des six parties plaignantes « qui craignent de le voir s'évaporer à jamais ou exercer des pressions sur les victimes et les témoins« , écrit le quotidien Le Temps. La défense assure que son client, actuellement domicilié en Algérie, se présentera à un éventuel procès, indique la même source. Pour l'organisation Trial International, cette étape marque «un pas de géant dans la lutte contre l'impunité». Une décision formelle de clôture de l'instruction, suivie d'un acte d'accusation, est attendue très prochainement. «C'est la dernière occasion pour les victimes algériennes d'obtenir justice. Personne n'a jamais été poursuivi en Algérie, et encore moins jugé pour les crimes commis durant la guerre civile», souligne encore Philip Grant, directeur de Trial. Après dix ans d'une procédure jalonnée de rebondissements, le général algérien Khaled Nezzar, 85 ans, pourrait ainsi bientôt être renvoyé devant un tribunal helvétique pour y répondre de complicité de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. Poursuivi dès octobre 2011, alors que sa présence est signalée sur le territoire suisse (une condition pour ouvrir la procédure), Khaled Nezzar avait invoqué d'abord sa fonction de ministre à l'époque des faits pour se protéger des ennuis judiciaires. La Cour des plaintes avait rejeté l'argument, considérant que l'immunité ne peut être invoquée pour les crimes internationaux. En 2017, c'est le MPC qui classe l'affaire au motif de l'absence de conflit armé au début des années 1990 entre le Groupe islamique armé (GIA) et les forces algériennes. Ce classement est annulé, les juges estimant que les conditions (niveau minimal d'intensité du conflit et présence de groupes rebelles organisés) sont réunies. «En l'espèce, il ne fait aucun doute que Nezzar était conscient des actes commis sous ses ordres», indique encore le même arrêt, tout en ouvrant la voie à une autre accusation de crimes contre l'humanité, également imprescriptible. «Les faits reprochés pourraient avoir été commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre la population civile», explique-t-on.