Le mois béni de Ramadan qui devrait être celui de l'abstinence, de la modération et de la solidarité est malheureusement jonché de comportements de consommation pour le moins irresponsables et exagérées: les gaspillages alimentaires qui dépassent l'imaginaire. L'expression « avoir les yeux plus gros que le ventre » trouve tout son sens durant ce mois sacré. Une tournée aux pâtisseries, souks ou aux grandes surfaces durant le mois de Ramadan suffirait à tout un chacun de se rendre compte de cette réalité amère : une marée humaine avec des sacs débordant de nourritures de toutes sortes. Des queues interminables partout ailleurs, aux pâtisseries, chez les bouchers ou l'épicier du coin, dans les grandes surfaces : tout le monde achète et excessivement. En effet, la plupart des Marocains achètent de la nourriture en quantité excessive, dont une grande partie finira probablement et malheureusement à la poubelle. « Le gaspillage alimentaire connait un pic important pendant le Ramadan, pouvant atteindre les 84,8% », selon une étude menée par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), notant que ce comportement irresponsable est lié aux habitudes d'achats des ménages, souvent beaucoup plus importants que leurs besoins. « Beaucoup de plats sont préparés et finissent à la poubelle sans même avoir été consommés en partie », fait remarquer la FAO, notant que le gaspillage alimentaire concernerait au Maroc pas moins de 45,1% de la production alimentaire. Ainsi, presque 20% des ménages marocains considèrent qu'ils gaspillent plus ou beaucoup plus qu'il ne faut et 25,4% estiment que la quantité d'aliments qui finissent à la poubelle est « raisonnable ». Seuls 3,3% disent ne presque rien jeter. En termes de pertes financières, près de 10,7% des familles jettent l'équivalent de 21 à 50 dollars, et 42% se débarrassent de l'équivalent de 6 à 20 dollars de nourriture mensuellement. Seuls 0,8% des ménages gaspillent plus de 51 dollars de produits alimentaires. Le pain et les autres produits à base de farine, comme les gâteaux et les biscuits secs arrivent en tête des aliments les plus gaspillés, suivis par les fruits, les légumes, les viandes et les produits laitiers. Mais les consommateurs ne sont pas les seuls responsables de cette situation. Les distributeurs et les transporteurs assument une grande partie de la responsabilité. La FAO relève que certains produits sont non propres à la consommation bien avant leur arrivée chez le client. La non maitrise de la chaîne du froid dans les lieux de stockage, les marchés et autres surfaces de vente rend non propre à la consommation une bonne quantité d'aliments. Les produits halieutiques sont particulièrement touchés, relève la FAO, qui note cependant des progrès en matière de stockage des poissons et fruits de mer, notamment depuis que le gouvernement a annoncé sa volonté de munir quelque 125.000 poissonniers de structures de réfrigération fixes et mobiles. Des aliments jetés à la poubelle, des récoltes passées à la trappe, des fruits et légumes impropres à la consommation, signifient également un gaspillage des énergies et des ressources naturelles. Pour limiter les dégâts du gaspillage alimentaire, le Royaume a lancé en juin 2015 en partenariat avec la FAO, un plan d'action de réduction des pertes et du gaspillage alimentaires visant à réduire de moitié le gaspillage alimentaire d'ici 2024. Il y a toujours une manière de lutter contre le gaspillage alimentaire. Que ce soit aux côtés des commerçants ou directement depuis notre frigo, il n'est pas si compliqué de faire des économies tout en protégeant la planète. Ainsi, plusieurs applications mobiles téléchargeables proposent des solutions pour lutter simplement contre les excédents alimentaires. Elles vont du recensement des prix cassés (de 30 à 70%) sur les produits proches de leur date limite de consommation aux recettes faciles pour « recycler » la nourriture. Les associations tentent également de contribuer à la lutte contre le gaspillage alimentaire, à travers la collecte de restes alimentaires des hôtels ou des invendus des petites surfaces ou pâtisseries pour les redistribuer aux nécessiteux. Une initiative à développer davantage au Maroc.