Les analyses fusent au sujet du feuilleton d'El Guerguerat dans les provinces du sud. D'aucuns s'intronisent experts patentés des affaires maghrébines et subsahariennes. C'est une bonne chose, car chaque contribution est de nature à clarifier davantage la situation géopolitique au Maghreb comme en Afrique subsaharienne. Pourtant, la situation est simple. L'épilogue d'El Guerguerat a démontré, une fois encore, que la question du Sahara marocain est un différend régional dans lequel l'Algérie est impliquée jusqu'au plus clair de son entendement politique et géopolitique. Le Maroc, las des atermoiements de son voisin de l'Est -certains diront de sa mauvaise fois qu'elle cultive depuis belle lurette- décide de prendre les choses en main pour que tout le monde soit conscient du fait que la souveraineté marocaine sur l'ensemble de son territoire, y compris les provinces du sud, n'est pas négociable, car elle ne l'a jamais été. La philosophie de la proposition d'autonomie de cette partie de son territoire entre dans le cadre d'une vision d'ensemble inscrite dans le cadre de la régionalisation avancée. Elle n'est pas soutenue pour les beaux yeux de l'Algérie et de ses alliés, somme toute, bernés par une perception dépassée des relations internationales et des équilibres géostratégiques. De la sérénité, à la gestion du temps, à l'effectivité confirmative de la légitimité. N'en déplaise à ses détracteurs, le Maroc, à force de patience, de perspicacité et de sagesse, a damé le pion à tout le monde, y compris à une poignée de ses ressortissants qui broient du noir à chaque fois que des projets ambitieux voient les jours dans de nombreux domaines liés au développement humain durable. Non pas que le Maroc raffole du subterfuge ou du stratagème à tout crin ; il est tout simplement en droit de confirmer qu'il est dans ses droits de ne pas se laisser faire ou de faire une lecture étriquée -pour ne pas dire incohérente- de la géopolitique. Le Maroc entretient le dialogue comme seul le dialogue entretient la justesse de sa cause. La force tranquille, voilà ce qui distingue ce pays dans son voisinage maghrébin, africain, méditerranéen et arabe. Alors, comment percevoir les nouvelles donnes se rapportant aux provinces marocaines du sud ? La réponse est aussi claire que le Crystal comme dirait un collectionneur raffolant des transparences. Le Maroc a procédé par étapes. Tout d'abord, la légalité et le contact avec la communauté internationale à travers l'ONU et le canal bilatéral avec les pays amis pour expliquer sa détermination. Ensuite, la fermeté et l'intransigeance quand certains acteurs ont brandi le risque de la déstabilisation pour le contraindre à accepter le fait accompli. Enfin, la responsabilité, par le nettoyage de la zone sud des perturbateurs à la solde des parties hostiles à son intégrité territoriale. Aux allégations de ses adversaires qui prétendent que personne ne reconnait la souveraineté marocaine sur les provinces du sud, le Maroc arbore une carte éloquente, le nombre de pays à travers le monde, induits en erreur par le passé, qui ont retiré leur reconnaissance à une entité fantôme, créée par l'Algérie (et la Libye de Kadhafi). Il n'en reste qu'une poignée dont la plupart est empêtrée dans des conflits intranationaux, sentant une remise en cause de leur légitimité pour ne pas dire de leur pérennité institutionnelle. Même des pays qui ont reconnu cette entité dans la foulée des naissances étatiques tirées par les cheveux, n'affichent plus l'enthousiasme de reconnaître pour le plaisir de reconnaître ou de continuer à soutenir l'insoutenable. Aux mêmes adversaires et autres trouble-fêtes, le Maroc répond par la diplomatie des consulats. Seize pays africains et arabes ont ouvert des consulats à Laayoune et à Dakhla en vertu de la convention de Vienne sur les relations consulaires de 1963. La liste ira grandissant dans les semaines et mois à venir. La réponse tangible du Maroc est le principe de l'effectivité. Effectivité synonyme de souveraineté ; souveraineté synonyme de reconquête d'un droit spolié par la colonisation et bafoué par des acteurs hostiles durant la longue période de la guerre froide. Et pour cause, le Maroc contribue à l'évolution du droit international en clarifiant, à juste titre, le principe de l'autodétermination en disséquant la résolution 1514 du Conseil de sécurité des Nations unies. Depuis 1960, des Etats nouvellement indépendants font de la résolution 1514 leur cheval de Troie l'associant impérativement à une obligation de résultat : organisation de référendum et indépendance. C'est une interprétation tirée par les cheveux dans la mesure où cette résolution ne consacre qu'un seul paragraphe au principe de l'autodétermination et accorde deux paragraphes à l'intégrité territoriale des Etats. Par ailleurs, la pratique a été d'envisager quatre solutions traductrices du principe de l'autodétermination, à savoir l'indépendance, l'association, l'intégration ou tout autre statut politique librement décidé. La lecture partisane et exclusive défendue par l'Algérie et certains parmi ses alliés qui rétrécissent du reste comme peau de chagrin, veut que le référendum soit le seul et unique mécanisme de mettre en œuvre la résolution 1514 avec comme résultat prédéterminé, l'indépendance. Les choses ont évolué depuis lors et les sirènes de la guerre froide ne trouvent plus de mélomanes mêmes parmi les partisans des solos de fortune. Par ailleurs, depuis 2007, le Conseil de Sécurité des Nations unies a enterré la question du référendum et prône depuis lors une solution politique agréée par les parties. Et dans les dernières résolutions, dont la toute récente (Res. 2548) adoptée en octobre dernier, l'Algérie est désignée comme partie principale au processus visant à parvenir à une solution politique au conflit artificiel autour du Sahara marocain sur la base du compromis. Et sur cette base que des tables rondes avaient été organisées à Genève en 2018 et 2019. Le Maroc n'a de problème avec aucun pays voisin sinon l'Algérie. Que veut l'Algérie ? La réponse risque de surprendre. Elle ne sait pas ce qu'elle veut. Empêtrée dans une perception dépassée de la grandeur des nations par la sacralisation de l'idéologie, ce pays a longtemps cru que ses atouts tangibles, que constituent ses énergies fossiles, allaient le prémunir contre l'ironie de l'histoire. De quelle ironie parle-t-on ? De l'amnésie historique cultivée par la myopie géopolitique. Il fut un temps où tout réussissait à l'Algérie. Depuis que les décideurs algériens se sont aperçus que la question des frontières était une question existentielle pour le Maroc et pour de nombreux pays africains, ils se sont attelés à créer les obstacles et à exceller dans l'exercice de manipulation. De l'amnistie historique à la myopie géopolitique. Tout d'abord en inventant des concepts dignes de la guerre froide, à savoir 'l'encerclement de la révolution algérienne'. Ensuite, en promouvant une histoire de lutte pour l'indépendance nationale sur mesure. Il est certain que si les archives de la colonisation étaient ouvertes un jour, on ne se rétablirait pas de notre surprise. L'indépendance de l'Algérie a été acquise certes par la lutte de son peuple, mais elle l'a été surtout dans la foulée d'un nouvel ordre voulu et obtenu par les Etats-Unis aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale. Car l'indépendance de l'Algérie, comme celle de ses voisins marocain et tunisien, a été négociée de bout en bout. Enfin, en se mettant à créer des garde-fous pour sécuriser la question des frontières. Les observateurs se rappellent bien l'année 1983 durant laquelle l'Algérie a forcé ses voisins mauritanien, tunisien, malien et nigérien à conclure des accords définitifs sur les frontières. La Libye de Kadhafi a refusé et le problème n'est pas résolu à ce jour. Quand certains historiens ou politicologues parlent de l'absence d'une tradition étatique en Algérie, il ne s'agit pas d'une insulte. Il s'agit d'un fait historique. Mais ce qui est encore plus avéré (les Algériens en tant que peuple ne sont pas concernés par cette verité), c'est que l'Algérie institutionnelle est née en 1962 et elle n'a jamais quitté cette époque. Quand les décideurs algériens parlent de la révolution algérienne poignardée par le Maroc et la Tunisie, ils occultent aussi qu'ils ont poignardé leurs voisins en se dérobant à respecter leurs engagements pris à Tanger en 1958 et au lendemain de l'indépendance de leur pays. Certains diraient que les engagements pris à la veille de l'indépendance ont été en fait un subterfuge savamment joué avec la complicité de certains milieux proches de la colonisation. Cela reste à prouver. Juste. Si bien que la France et l'Espagne feraient mieux de lever le secret sur les archives concernant leur présence dans cette partie de l'Afrique pour mettre fin aux supputations des uns et des autres et résoudre les conflits latents une fois pour toute. Justement c'est leur connaissance des réalités historiques de la région qui fait pencher ces pays vers une solution qui ne pénaliserait pas le Maroc bien qu'ils se gardent de trancher pour des raisons d'équilibre géopolitique entre partenaires pour ne pas s'aliéner de quelque manière que ce soit leur soutien sur des questions encore très importantes pour eux. C'est dans la même perspective que le comportement scandalisé de l'Algérie vis-à-vis de certains pays arabes qui ont décidé d'ouvrir des consulats dans les provinces du sud fait sourire. Ces pays sont conscients des obstructions algériennes aux multiples médiations qu'ils ont entreprises depuis trois décennies, dont celles plus connues de l'Arabie saoudite ou des Emirats arabes unis. Ces pays sont suffisamment lucides pour ne pas se laisser berner, une fois encore, par un lexique idéologique dont l'éloquence factice est chassée par les technologies de l'information. Le feuilleton d'El Guerguerat est une suite logique de l'obstruction algérienne contre le Maroc –et pas seulement contre le Maroc. Le premier pays visé est la Mauritanie. Et ensuite, toute l'Afrique de l'Ouest, le Sénégal et le Mali au premier chef. La lecture de la géopolitique vers la fin des années 1970 par les décideurs mauritaniens de l'époque les a conduits à conclure en 1979 un accord surprenant avec les séparatistes du Polisario. Ils ont opté pour cette solution croyant à tort qu'ils allaient anticiper sur des propositions de règlement du conflit avancées par certains pays européens, mais surtout ils ont fait prévaloir la dimension ethnique (et clanique) des populations de la région. Une lecture qui devait s'avérer une bombe à retardement qui continue de peser sur la stratification sociale qui est la sienne. La neutralité -dite positive- n'a pas servi les intérêts de la Mauritanie non plus. Le fait est que certains milieux mauritaniens continuent à tort d'entretenir une allégation érigée en doctrine politique, en l'occurrence 'l'encerclement du pays' qui serait victime 'd'une tentation hégémonique' du voisin marocain. Une double hallucination qui aurait pu être acceptée durant les années 1960. Elle n'a plus raison d'être depuis 1969. De la suspicion à l'interdépendance positive avec l'intégration régionale comme objectif. Toutefois, ce qui serait plus logique, c'est de penser que si hégémonie il y avait, ce serait celle du voisin algérien grâce à l'infiltration du pays par des éléments du Polisario qui sont des ressortissants mauritaniens. Ces derniers ont l'embarras du choix : continuer à bénéficier des dividendes servis par l'institution militaire algérienne et venir passer des vacances dans leur pays d'origine ne se privant pas de faire des affaires. Le risque c'est de voir ces éléments et autres intérêts s'emparer du nord de la Mauritanie et créer une sorte de corridor pour réaliser pour le compte de l'Algérie son rêve d'avoir un passage vers l'océan atlantique. Il est vrai que cette vision avait été promue dans les coulisses pendant un certain temps, même parmi certains intérêts étrangers dans le cadre de la lutte pour le contrôle des routes maritimes en pleine guerre froide. Si le feuilleton d'El Guerguerat a quelque chose à révéler qu'il ne l'a pas déjà fait, c'est que l'interdépendance entre la Mauritanie et le Maroc est un fait tangible. De l'interdépendance et non pas 'de la dépendance' ou 'de l'hégémonie' bien que l'histoire doive permettre de faire du recul pour avoir une vision d'avenir et une visibilité de raison. Rien que la coopération et le respect mutuel. Pourquoi ? Parce que la Mauritanie entre dans une vision partagée par de nombreux pays subsahariens, en l'occurrence, le progrès par le codéveloppement ; l'interdépendance par la reconnaissance des valeurs intrinsèques des acteurs partenaires égaux et souverains ; l'autonomie dans la décision par la conjugaison des efforts selon les moyens du bord et sans ambition démesurée. Tout cela, le Maroc en fait sa ligne de conduite et son choix stratégique. Nombreux sont les pays subsahariens qui l'ont compris. Et ce n'est pas une surprise que certains ont ouvert des consulats dans les provinces du sud. Les Mauritaniens se plaisent à répéter qu'ils ont participé à la naissance et au rayonnement des Almoravides et à la constitution de l'un des grands empires de l'histoire de l'Afrique, du monde arabe et de l'Andalousie. Qu'ils soient présentement suffisamment avisés pour participer à la synthèse historique, humaine, culturelle, économique, politique (et géopolitique) entre le Maghreb et l'Afrique subsaharienne sans renier leurs engagements avec les autres pays voisins tant que ces derniers ne s'avisent pas à porter atteinte aux intérêts vitaux de la Mauritanie. La Mauritanie est un acteur incontournable dans le projet colossal de gazoduc entre le Nigeria et le Maroc impliquant quatorze pays (Nigéria, Bénin, Togo, Ghana, Côte d'Ivoire, Libéria, Sierra Leone, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Gambie, Sénégal, Mauritanie et Maroc). Elle est un acteur important dans la coopération entre les pays riverains de l'Atlantique. Que la Mauritanie veuille garder une neutralité positive entre le Maroc et l'Algérie est un choix souverain. Encore faut-il qu'elle pense à ses intérêts réels. Le feuilleton d'El Guerguerat a dévoilé au grand jour sa vulnérabilité, non pas à cause du Maroc, mais à cause des autres parties, l'Algérie étant la main qui tire les ficelles et peut, à la longue, porter atteinte à la sécurité nationale du pays. La Mauritanie peut être une zone de prospérité commune entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne, dont les provinces du sud sont le centre. Le schéma des ambitions saines va plus loin. Il peut prendre comme référence la Chine qui a à cœur de réussir son projet de ceinture économique de la route de la soie. L'idée est que le Maroc, la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, pour ne citer que ces pays, peuvent et doivent, dans un premier temps, réinventer la route commerciale transsaharienne pour la mener plus tard à toute l'Afrique en faisant se croiser toutes les routes commerciales anciennes. Après tout, c'est légitime ; l'Afrique attire des puissances commerciales depuis trois décennies au moins. Le Maroc partage cette vision et c'est toute la philosophie derrière sa politique africaine rénovée menée avec foi, persévérance, doigté et respect de ses partenaires. Une série de confirmations qui gagneraient à être cogitées la tête reposée Que pourrions-nous retenir du feuilleton d'El Guerguerat ? Une série de confirmations. 1) La confirmation d'une doctrine militaire et géopolitique de l'Algérie. En quoi consiste cette doctrine ? En ceci : tenter de réaliser le même objectif que l'Empire ottoman avait tenté de faire aboutir voilà maintenant six siècles. En effet, ce sont les incursions des ottomans dans le sud marocain qui ont conduit le sultan Ahmed al-Mansur ad-Dahbi à ne pas lésiner sur les moyens pour ne pas être coupé de ses profondeurs africaines. Encore une fois la légitime défense et aucunement l'hégémonie de la part du Maroc. 2) La confirmation d'une détermination, celle d'un Maroc ouvert sur l'Afrique sans se laisser intimider par des agissements dignes de la guerre froide émanant d'un voisin qui n'entend pas entendre raison pas plus que ses soutiens berçant dans l'idéologique et le démagogique tous azimuts. 3) La confirmation que la justesse d'une cause et la légitimité d'un droit ne se défendent pas par l'acceptation des marchandages quelle que puisse être la tentation dans le court et le moyen terme. 4) La confirmation que la doctrine algérienne d'animosité contre le Maroc est partagée par presque toutes les forces politiques et même par certaines figures dissidentes de ce pays. L'ancien président tunisien Moncef Marzouki l'a crié haut et fort récemment dans une interview à un organe de presse arabe. C'était l'Algérie qui avait fait avorter ses efforts de réunir un sommet maghrébin au cours duquel la question du Sahara serait abordée avec une option pour une solution réaliste tenant compte de la proposition marocaine de large autonomie dans le cadre de la souveraineté marocaine et des attentes algériennes présumées, y compris ce qui la ferait lorgner l'atlantique. Et il est sidérant d'entendre certaines voix au Maroc s'étonner du silence complice de ces forces et de ces dissidents devant les aberrations de leurs dirigeants. Sinon, pourquoi certains leaders ne se sont-ils pas manifestés pour corriger certains contrevérités contenues dans les mémoires du président Ben Bella ou contre les affabulations de certains responsables quant à la pertinence de l'expulsion en 1975 de plusieurs milliers de marocains d'Algérie en représailles contre l'organisation de la marche verte ? 5) La confirmation que la force d'un pays, d'un système politique est acquise quand les décideurs sont à l'écoute des vibrations de leurs peuples et qu'ils se déploient à en déceler les messages dans la transparence et par la maestria appropriée. Le Maroc excelle dans cet exercice et ne le crie pas sur tous les toits. 6) La confirmation que les séparatistes ne peuvent se prévaloir d'aucune prétention à participer au processus de règlement de la question du Sahara ayant opté pour la fuite en avant et en se transformant en organisation regorgeant de malfaiteurs et de brigands qui n'hésitent pas à faire chambre commune avec les réseaux du crime organisés dans la bande sahélo-saharienne. Les responsables de la lutte contre le terrorisme dans certains pays européens en sont convaincus et donnent du crédit aux dires de leurs collègues marocains et africains. La collision entre les éléments embrigadés par le polisario et les extrémistes religieux au Maghreb et dans le Sahel est confirmée. Ceci sans oublier le détournement de l'aide humanitaire destinée aux camps de Tindouf dans un jeu de miroirs aux alouettes qui ne séduit (et ne leurrent) plus personne. Et l'aide est désormais observée à la loupe. 7) La confirmation que c'est l'Algérie qui est la partie prenante dans le conflit régional autour du Sahara marocain et qu'il lui appartient de déterminer comment elle entend participer à sa résolution, la souveraineté du Maroc étant plus que jamais confirmée et assise. Le temps des alibis est révolu. 8) La confirmation que le Maroc garde toujours l'espoir que ceux parmi les marocains vivant le martyr dans les camps de Tindouf peuvent dans un proche avenir revenir à de meilleures dispositions et comprendre que leur avenir et celui de leurs enfants se trouve dans leur pays. Les autres locataires qui portent d'autres nationalités ne sont pas concernés par l'offre marocaine. 9) La confirmation que la création de micro-Etats, des Etats fantômes, des Etats défaillants et des Etats vassaux d'acteurs pivots sous-régionaux n'est plus de mise. Preuve en est la Catalogne, les Basques, ou d'autres entités mort-nées en Afrique et en Asie. Et puis, tout récemment, le conflit de Nagorno-Karabakh où l'Azerbaïdjan a reconquis une grande partie des 20 % de son territoire cédée dans des circonstances douteuses à des séparatistes arméniens entre 1993-1994. La Russie, qui connait très bien le dossier et a été toujours le soutien inconditionnel de l'Arménie, s'est gardée d'intervenir militairement malgré l'existence d'un accord de défense militaire entre les deux pays. Moscou a vite annoncé dès la reprise des hostilités que l'accord ne s'appliquait pas à Nagorno-Karabakh. Car faudrait-il le rappeler, le fardeau de soutenir l'Arménie devient assez lourd à supporter. La Russie a des archives et elle connait très bien les tenants et aboutissants de ce dossier ainsi que ceux rappelant la période de l'appartenance de cet espace à l'Union soviétique. De même que la tension que connait que l'Ethiopie résultant du bras de fer entre le mouvement de libération du peuple du Tigré (FLPT) et le gouvernement fédéral est une illustration éloquente de l'instabilité future dans cette partie stratégique de l'Afrique. Le gouvernement éthiopien est soucieux de mettre fin au système politique introduit par la constitution de 1994 ; ceci ne requiert par l'assentiment du FLPT. 10) La confirmation de l'incohérence dans laquelle végètent les juristes et les politicologues quant à la définition des réfugiés. Les réfugiés sont des femmes, des hommes et des enfants qui se trouvent sur un territoire et vivent de l'aide alimentaire internationale à condition qu'ils se gardent de prendre les armes, auquel cas, ils sont assimilés à des groupes armés. Et les groupes armés ont démontré dans de nombreux conflits qu'ils ne respectent pas les lois de la guerre ou les engagements auxquels ils prétendent souscrire. Dans le cas des locataires de Tindouf, personne ne sait leur nombre exact, car l'Algérie refuse d'autoriser l'UNCHR à les recenser malgré les nombreuses injonctions du Conseil de sécurité des Nations unies et des appels inlassables des organisations humanitaires internationales et régionales. 11) La confirmation que le feuilleton d'El Guerguerat entre dans le cadre d'un plan belliqueux concocté par l'Algérie visant à vider Tindouf de ses encombrants locataires et les expédier dans la zone tampon au Sahara marocain dans l'espoir de bricoler une certaine forme d'attributs étatiques. Ceci parallèlement à l'adoption d'une nouvelle constitution sous peu permettant à l'armée d'intervenir en dehors de l'Algérie. Ceux qui avaient cru que cette disposition de la constitution algérienne visait à fournir des troupes dans le cadre des forces onusiennes de maintien de la paix dans le monde n'étaient pas loin de friser le ridicule. L'intention de l'Algérie serait claire : attendre que le Maroc perde patience et cible les personnes se présentant sous l'apparence de civils et se livrant au blocage d'El Guerguerat. Le Polisario, qui prétend par la propagande, mensongère contrôler la zone tampon, appellerait à la rescousse et l'armée algérienne interviendrait. Ce plan a échoué comme l'avaient été les tentatives de l'armée algérienne à Amgala en 1976 et toutes les autres tentatives pour gagner la bataille du leadership régional contre le Maroc, mais aussi contre la Libye ou l'Egypte durant trois décennies déjà. Une bataille qui n'intéresse pas le Maroc, car la vraie bataille que ce dernier livre est celle du développement avec les moyens du bord, mais surtout avec la conviction, la persévérance, l'ouverture idoine et la main tendue à tout le monde pour l'accompagner dans cette œuvre de construction et non pas de destruction sur la voie de l'intégration régionale que d'aucuns appellent de leurs vœux. 12) La confirmation que des tensions sous-jacentes sont mijotées dans toute la région sahélo-saharienne, ambitionnant de morceler des Etats souverains; l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger n'y échapperaient pas que ce soit par la généralisation du chaos et du désordre par le truchement des groupes armés non-étatiques ou des réseaux du crime organisé, soit par le réveil des tentations indépendantistes des populations touarègues ou autres composantes ethniques. Ces tentations n'épargnent même pas les soutiens traditionnels de l'Algérie, notamment le Nigéria (Biafra), l'Angola (Cabinda), le Kenya (les Mau-Mau et le Kikuyu) le Mozambique (Front socialiste de libération du Mozambique dont les affinités idéologiques le poussent vers des alliances régionales complexes), le Zimbabwe (ZANU, Union nationale africaine de Zimbabwe-Front populaire et ZAPU, Union populaire africaine de Zimbabwe, le Front rhodésien et le Mouvement pour les changements démocratiques), la Namibie (velléités séparatistes de Caprivi). Des conflits anciens, certes, mais qui risquent de renaître de leurs cendres dans la foulée du regain en puissance de réseaux du crime organisé. Nombreux sont les pays africaines qui ont pris du recul par rapport à leurs perceptions idéologiques d'antan comprennent la justesse de la cause marocaine et prennent, en conséquence leur distance par rapport à l'Algérie. Certes ce pays pourrait toujours compter sur le soutien de certains pays (ou mouvements) non africains qui seraient susceptibles de l'encourager dans une aventure militaire dangereuse. Mais le Maroc sait qui ils sont et comment les neutraliser. 13) La confirmation que la stabilité des pays des régions maghrébines et subsahariennes est un gage de stabilité plus large englobant l'Afrique, l'Europe et le Moyen Orient. Le Maroc a prouvé, chaque fois qu'il avait été sollicité, qu'il adhérait à ce principe et qu'il espérait que les voisins comprennent qu'il ne vaudrait être un modèle pour aucun pays, mais qu'il défendra son territoire, car sa cause est juste et la justesse de cette cause jouit de l'unanimité des marocains toutes tendances politiques et confessions comprises. En conclure Le côté passionnant dans toute analyse politique et géopolitique réside dans le fait que chaque expert ou commentateur croit avoir fait le tour de l'essentiel, qu'il explique avec toute la conviction du monde (l'observation vaut pour moi, cela va de soi). Sauf quand il s'agit de déceler la perception exacte des décideurs réels, leurs préférences, leurs contraintes et leur état psychologique au moment de prendre une décision stratégique. Et la vision devient encore plus opaque quand ces décideurs ne savent pas ce qu'ils veulent et pourquoi ils s'obstinent à faire valoir des thèses révolues, dépassées, irréalistes et carrément absurdes. A cet égard, il serait utile de rappeler que l'hostilité aveugle ne va nulle part. La France et l'Allemagne l'ont compris et ont été les artisans de la construction européenne entérinée par le traité de Maastricht amélioré avec le temps, car il ne s'agit pas d'un livre sacré. La Chine a fait le nécessaire pour comprendre et assimiler les règles du capitalisme et devenir la puissance qu'elle est aujourd'hui sans renier ces convictions idéologiques. La Russie s'est transformée depuis la fin de la guerre froide. D'autres pays socialistes tels que Cuba et le Vietnam prennent le train en marche et embrassent le nouveau millénaire avec des ambitions mesurées et réalistes. Alors, tout est possible dans notre région. L'intégration économique est ouverte à tous les Etats souverains pour peu qu'ils se débarrassent des séquelles de la guerre froide, des suspicions gratuites et des supériorités factices qui ne leurrent plus personne. Les autres décideurs, plus posés, plus terre à terre, plus pragmatiques n'insultent pas l'avenir ; ils avancent l'esprit serein et la force tranquille. Ils ne vont pas les attendre éternellement les retardataires épris de mauvaise foi. Et ils sont suffisamment préparés pour parer à toute surprise car le temps travaille pour eux ... et pour l'avenir. Nombreux sont les décideurs des pays d'Afrique, d'Europe, d'Amérique latine, des Caraïbes et des îles du Pacifique qui ont compris le message. Les autres ? Il leur reste à prendre le train en marche... Seule option ! Mais une option salutaire.