Le Haut Conseil pour le climat (HCC) a appelé la France à réduire ses émissions de CO2 liées aux importations, dans l'optique de lutter contre le réchauffement climatique. Dans son dernier rapport « Maîtriser l'empreinte carbone de la France », publié mardi, en réponse à une saisine du gouvernement, le HCC, instance indépendante, mise en place en 2018, souligne que l'empreinte carbone de la France s'élevait à 749 millions de tonnes équivalent CO2 (éqCO2) en 2018, soit 11,5 tonnes par habitant. Elle est donc 70 % plus élevée que les émissions territoriales, qui atteignaient, la même année, 445 millions de tonnes éqCO2, soit 6,7 tonnes par habitant. L'empreinte carbone, un indicateur de plus en plus utilisé, recoupe à la fois les émissions directes des ménages (logements et transports), celles associées aux biens et services produits et consommés en France (ce qui exclut les exportations) ainsi que les rejets liés aux biens et services produits à l'étranger et consommés en France, ce que l'on appelle les émissions importées. Selon le HCC, l'empreinte carbone du pays, qui comptabilise également les GES émis à l'étranger pour satisfaire la demande intérieure française (mais pas ceux produits en France pour les exportations) n'est en baisse -légère- que depuis 2005. « Une diminution qui est à la peine en raison de l'augmentation des émissions importées qui ne sont pas soumises aux politiques nationales » de réduction, souligne Corinne Le Quéré, sa présidente. « Cette hausse des émissions importées s'explique par l'augmentation de la consommation de biens et services, dont une grande partie est produite à l'étranger », a-t-elle expliqué. Les émissions importées de la France viennent principalement d'Asie (notamment de la Chine) et de l'Union européenne (Allemagne en tête). Or, les émissions importées ne sont pas soumises aux engagements climatiques de la France, contrairement aux émissions territoriales. Le Haut Conseil pour le climat appelle à les réduire de 65 % d'ici à 2050 par rapport à 2005, pour diminuer l'empreinte carbone de 80 %, ce qui permettrait de contribuer à limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C. Pour remédier à cela, l'instance propose quatre leviers d'action. Le principal réside dans l'accompagnement des entreprises pour décarboner leurs chaînes d'approvisionnement, par exemple en choisissant des énergies et des matériaux moins polluants. Il recommande également de renforcer les obligations (en instaurant des sanctions) contenues dans la loi Pacte de 2019, selon laquelle les entreprises doivent prendre en considération les enjeux environnementaux de leurs chaînes de valeur. Le HCC proposent aussi de mettre en place un « score carbone », l'une des 149 propositions de la convention citoyenne pour le climat, qui consisterait à afficher les émissions de gaz à effet de serre induites par le cycle de vie d'un produit. Cet outil permettrait de « stimuler la concurrence entre entreprises » sur la qualité environnementale de leurs produits, avance le HCC. Le Haut Conseil pour le climat suggère par ailleurs à la France d'agir à l'échelle européenne et sur la scène internationale. Paris doit peser pour que les accords de libre-échange, comme celui en négociation avec le Mercosur, ne soient pas signés avant une évaluation de leur impact sur l'empreinte carbone et sur la déforestation importée. La France doit en outre étudier la mise en place d'un ajustement carbone aux frontières, une politique qui permettrait d'augmenter le prix de certains produits polluants importés de l'extérieur de l'Union européenne, pour accroître la compétitivité des produits européens. Les experts du HCC appellent aussi à accélérer la mise en œuvre de la stratégie nationale française de lutte contre la déforestation importée, cette dernière contribuant au réchauffement climatique sans être prise en compte dans l'empreinte carbone. Enfin, le Haut Conseil pour le climat demande que les émissions liées aux transports internationaux de la France (passagers et marchandises), qui font partie de son empreinte carbone, soient intégrées dans son objectif de neutralité carbone, ce qui n'est aujourd'hui pas le cas. Ces rejets ont augmenté de près de 50 % depuis 1990 pour atteindre 24 millions de tonnes éqCO2 en 2019, la hausse des émissions de l'aérien (+ 120 % sur la période) compensant la baisse de celles du maritime (− 30 %), selon le rapport.