Le Maroc abritera le premier bureau thématique d'ONU Tourisme en Afrique    La BMCI réaffirme son positionnement de leader en finance durable en organisant la 2e édition du Sustainable Finance Forum    Dar Es-Salaam: Leila Benali met en avant les réalisations du Maroc en matière d'accès à l'électricité    La sécurité au cœur d'un entretien téléphonique entre Nasser Bourita et le secrétaire d'Etat américain    La 1-ère CAN féminine de futsal au Maroc du 22 au 30 avril 2025    Rockslide disrupts traffic between El Jebha and Al Hoceima    U.S. State Secretary commits to strengthening peace partnership in first call with Morocco's FM    Panama appoints new ambassador to Morocco after cutting ties with «SADR»    Les familles de Cheb Hasni et Akil empêchent l'organisation d'un concert au Maroc    Oriental Fashion Show : Le caftan marocain brille à la Fashion Week de Paris    De Casablanca à Paris et vice versa, Salma Sentissi va «Oser Être !»    Etats-Unis : Purge des employés impliqués dans les enquêtes contre Trump    Palestine : Les négociations sur le déplacement des population hors de Gaza «au stade de l'entente»    Liban : Pour le 3ème jour, les marées humaines affluent vers les villages frontaliers    L'endométriose : quand l'imagerie médicale éclaire les douleurs invisibles    Port Tanger Med : Une quadragénaire arrêtée avec 42 kilos de haschisch dans son véhicule    Accidents de la circulation: 15 morts et 2.549 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Conseil de l'Europe : le Maroc obtient de nouvelles prérogatives à l'Assemblée parlementaire    FRMF/ACA: Officialisation de l'ouverture du siège de l'Association des Clubs Africains au Maroc    Comex de la CAF: Le Maroc organisera la CAN U17 de football et la première CAN de futsal féminine en avril prochain    Dynamisation du Théâtre marocain : Réelle ambition ou rêve hors de portée ? [INTEGRAL]    Gims bat un record d'audience au Complexe Mohammed V à Casablanca    Le groupe Nass Al-Ghiwane enflamme la scène à Strasbourg    Intelligence artificielle : l'application chinoise DeepSeek détrône ChatGPT sur l'App Store    À Dakar, Latifa Akharbach plaide pour une plus grande responsabilisation des plates-formes numériques    Le Maroc et les Maldives explorent les moyens de renforcer leur coopération bilatérale    Protection des données personnelles : le débat est ouvert, quid des solutions    Ben Coleman désigné envoyé commercial du Royaume-Uni pour le Maroc et l'Afrique de l'ouest    Casablanca : arrestation d'un multirécidiviste recherché pour meurtre et trafic de drogue    L'Algérie convoque l'ambassadeur de France, condamne de supposés «traitements dégradants» de ses ressortissants à Paris, pure invention des médias du régime    Conflit en RDC: le Maroc appelle au respect de la souveraineté des Etats    Les recettes fiscales au Maroc dépassent les 300 milliards de dirhams en 2024, enregistrant une hausse de 14,3 %    SRM Casablanca-Settat: un démarrage maîtrisé et des perspectives prometteuses    Hakim Ziyech cherche à se relancer aux Emirats    Power-to-X : la GIZ évalue le potentiel du Maroc    Info en images. Le gouvernement œuvre à valoriser les produits de l'artisanat pour la promotion de l'identité nationale    IA: A Wall Street, les géants de la tech vacillent face à la percée de la start-up chinoise DeepSeek    Foot : La CAN Maroc-2025 sera « la meilleure dans l'histoire » de la compétition    CAN 2025. Les adversaires du Maroc    Achraf Hakimi prolonge avec le PSG    Chambre des représentants : Rim Chabat renvoyée devant la Commission d'éthique    Le département d'Etat US salue le leadership du Roi en faveur de la paix    Sébastien Chenu donné favori pour présider le groupe d'amitié France-Maroc    Lancement le 26 février du premier vol commercial d'Ariane 6    Inde-Chine: « Accord de principe » pour la reprise des vols directs après cinq ans d'arrêt    Arabie Saoudite : Fin de la collaboration entre Neymar et Al-Hilal    Les prévisions du mardi 28 janvier    RedOne dédie une nouvelle chanson à l'équipe nationale marocaine intitulée "Maghribi Maghribi"    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Alliance des civilisations : le projet, le postulat, le problème
Publié dans Maroc Diplomatique le 23 - 07 - 2019

J'ai eu l'occasion de participer à plusieurs reprises à des réunions et conférences sur l'Alliance des Civilisations. C'est un projet que je soutiens mais qui, malgré tout, demeure pour moi problématique. Je voudrais, dans ce texte, examiner le projet, le postulat et le problème.
Le Projet
Rappelons d'abord la genèse du projet : l'idée d'une « Alliance des civilisations » a été lancée le 21 septembre 2004, par le premier ministre espagnol, José-Luis Rodriguez Zapatero, lors de la 59e session de l'Assemblée Générale des Nations-unies. Conçue dans la foulée des attentats terroristes qui avaient endeuillé l'Espagne, en mars 2004, l'initiative visait à prendre le contre-pied de la réaction calamiteuse du président Bush après les attentats du 11 septembre. A rebours de la confrontation fantasmée entre l'Axe du Bien et l'Axe du Mal et surtout de la « guerre contre le terrorisme», l'initiative espagnole mettait en avant l'indispensable « alliance des civilisations » pour dresser un front commun contre tous les « extrémismes», assécher les marécages du ressentiment et éviter les coupures traumatisantes: Eux et Nous, Islam-Occident, civilisation judéo-chrétienne -civilisation musulmane.
L'idée sous-jacente à l'initiative espagnole est que l'Occident n'est pas en guerre contre l'Islam. Mais que l'Occident et l'Islam sont en guerre contre le fanatisme et l'extrémisme d'où qu'ils proviennent. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si le projet de l'Alliance des Civilisation est présenté à la Ligue des Etats Arabes, en décembre 2004, et rapidement soutenu par la Conférence Islamique, et que, très tôt, l'initiative recueille l'appui du gouvernement Erdogan en Turquie, qui en devient l'avocat le plus convaincu.
Certes il y a eu des conquêtes et des reconquêtes, des flux et des reflux, des victoires et des défaites, des djihads et croisades, mais au-delà, peut-être même à cause de tout cela, la Méditerranée a été d'abord le lieu de croisement des peuples et des cultures, et donc le lieu d'une fécondation réciproque.
L'idée séduit d'emblée l'ex-Secrétaire Général des Nations-unies, Kofi Annan, qui annonce, le 14 juillet 2005, le lancement d'un « Forum de l'Alliance des Civilisations » et met sur pied un groupe dit de «Haut-niveau», sous la conduite de Jorge Sampaio, ex-président du Portugal, censé, non seulement mener une réflexion collective sur la question mais surtout lui donner un « contenu opérationnel ». Tout cela est endossé par l'Assemblée Générale des Nations-unies par une résolution du 20 octobre 2005, en faveur du dialogue des civilisations. Depuis lors, un premier rapport du Groupe de Haut niveau a été soumis au Secrétaire Général en novembre 2006, l'initiative a recueilli l'adhésion d'un Groupe d'amis (plus de 120 Etats). Plusieurs organisations internationales et régionales en plus de plusieurs forums ont été organisés dans différentes capitales, le premier ayant été tenu à Madrid en 2007.
Le postulat
Mais quel est le soubassement intellectuel de ce projet de l'Alliance des Civilisations ? Que vise-t-il ? J'ai lu les différentes recommandations du Groupe de Haut-niveau et les déclarations des différents forums organisés de par le monde, je n'y ai pas trouvé une construction intellectuelle structurée. Mais, j'ai pu dégager quelques idées-force, un peu disparates, portant sur la Méditerranée, la mondialisation, l'identité, la culture, l'extrémisme et le nécessaire dialogue. Je vous propose un condensé de ces idées.
Depuis les temps les plus reculés, la Méditerranée a été le lieu d'échanges, de mélanges, de métissages et cette « fusion des différences » a constitué le legs méditerranéen. Certes il y a eu des conquêtes et des reconquêtes, des flux et des reflux, des victoires et des défaites, des djihads et croisades, mais au-delà, peut-être même à cause de tout cela, la Méditerranée a été d'abord le lieu de croisement des peuples et des cultures, et donc le lieu d'une fécondation réciproque.
La mondialisation a eu des effets paradoxaux : d'un côté, elle a certes raccourci les distances, facilité la communication, accru les échanges économiques et la circulation des personnes, mais de l'autre, elle a engendré tensions, méfiance, voire hostilité. Pour utiliser un raccourci, il y a eu globalisation des échanges et relocalisation des identités. Beaucoup de gens commencent à voir la mondialisation non comme une opportunité, mais comme une menace à leurs cultures, à leurs langues, à leurs traditions, à leurs modes de régulation interne, à leur mode de vie, voire à leur existence même en tant que groupe structuré.
A rebours de la confrontation fantasmée entre l'Axe du Bien et l'Axe du Mal et surtout de la « guerre contre le terrorisme», l'initiative espagnole mettait en avant l'indispensable « alliance des civilisations » pour dresser un front commun contre tous les « extrémismes».
Ces effets paradoxaux de la mondialisation provoquent des « éruptions identitaires », souvent basées sur des appartenances culturelles, principalement religieuses. C'est une sorte de rébellion contre la dilution dans le moule planétaire. Se construisent alors des rapports au passé qui passent par l'interprétation de l'histoire dans un sens qui renforce l'identité du groupe et rapports à l'espace, perçu, à la fois, comme lieu qui permet la reproduction du groupe ou de la communauté, et comme la fabrique des liens socioculturels, puisque c'est dans cet espace que se crée le sentiment d'appartenance : « le chez moi définissant la relation à l'altérité et au voisinage ». L'ensemble de ces rapports, au passé comme à l'espace social, est intégré dans le rapport de l'identité à la culture.
En soi, tout cela ne pose pas de problème, sauf que la mondialisation, par la diffusion de modèles et de normes, exacerbe les identités fragilisées par la peur ou le manque et provoque des conflits, qualifiés trop rapidement d'identitaires où la religion est souvent instrumentalisée. En effet, il n'est pas facile de vivre sa culture au sein d'une autre, pour utiliser les termes de M.Gauchet, car c'est « vivre en marge et dans l'humiliation de ne pas posséder les clés de l'univers dans lequel on évolue ».
Ces éruptions identitaires liées à une mondialisation non-régulée sont qualifiées de choc de civilisation ou guerres de cultures et ne sont en réalité que les projections externes des ruptures internes aux communautés, aux sociétés et cultures. De sorte que ce qu'on nous présente comme des guerres entre les cultures, n'est en réalité, que des guerres au sein des cultures entre ceux qui sont tentés par le confort du repli et ceux qui sont attirés par le grand large, fût-il gros de menaces.
Cette difficile adaptation à un monde en mouvement provoque des poussées de fièvre identitaire qui, sous l'effet de l'instrumentalisation de la religion, peuvent prendre une tournure violente. L'affaire des caricatures danoises le démontre : lorsque des modèles culturels se trouvent en compétition (le principe de la liberté de la presse versus le principe de la responsabilité) l'opposition peut générer un conflit : ce dernier peut être facilement drapé d'une contradiction Occident-Islam et présenté comme un « choc de civilisation ».


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.