Et voilà qu'on fait mourir ses ennemis en en faisant ses amis ! Voilà que la debka palestinienne qu'a connue le théâtre Mohammed V, dimanche 10 janvier 2016, pour la commémoration du 51ème anniversaire de la révolution palestinienne, se poursuit en pogo. Après une danse désordonnée improvisée à plusieurs pas suivant le ton des humeurs des meneurs, aujourd'hui, sautant à pieds joints et rebondissant sur les voisins à coups d'épaules, Abdelilah Benkirane et Hamid Chabat donnent à voir un spectacle des plus excentriques. C'est dire donc que rusé, comme on ne peut l'imaginer, et nourri par des stratagèmes que les autres leaders doivent certainement lui envier, le chef de gouvernement préparait déjà le terrain pour les échéances électorales ultérieures. Une « romance » qui s'annonce mal Mais quand « le fou de Fès » du PI et « le schizophrène » du PJD se roulent les yeux blancs après s'être attaqués à couteaux tirés, quand les crocodiles et les démons deviennent convoités, la scène est pour le moins insolite et curieuse. De facto, pour nous autres, citoyens marocains, le jeu malsain nous dépasse. Si le chef de gouvernement, dans sa dernière vidéo du 5 novembre, a dit que le peuple marocain serait dans la confusion totale à voir un parti minoritaire mener la danse et imposer ses conditions tellement c'est insensé, il oublie qu'en imposant au citoyen ce nouveau tableau Benkirane/Chabat où les tons soulignent l'incompatibilité et les lumières des projecteurs mettent en évidence les multiples zones d'ombre, l'électorat marocain est plus que jamais désarçonné et surtout dégoûté par cette politique de l'absurde qu'on lui fait subir sans pudeur aucune. D'un côté, le chef de gouvernement a mis le stand by en attendant que le RNI veuille bien se prêter au jeu et accepter le « mariage » faisant abstraction de tous les autres partis comme s'ils étaient là juste pour compléter l'effectif, de l'autre, il l'accuse de vouloir bloquer la formation du gouvernement et lui déclare ouvertement la guerre. La cacophonie bat son plein et l'éthique politique bat de l'aile. Si les politiques, eux, font fi de mémoire, les citoyens, eux, ne sont pas prêts d'oublier le passé compromettant de certains dirigeants des partis politiques surtout ceux que tout sépare et éloigne et qui veulent nous faire vivre une comédie à la Molière. Aujourd'hui, le secrétaire général de l'Istiqlal, isolé, est décidé plus que jamais à revenir sur l'arène usant de tous les moyens pour sauver sa carrière politique du déclin qui la menace. Instinct de survie oblige ! Allant même jusqu'à presser le chef de gouvernement, lui rappelant son refus de « comploter » avec le PAM contre le PJD juste au lendemain de l'annonce des résultats du scrutin. L'enjeu est de taille ! Si lors du dernier quinquennat, Chabat avait pris la décision de retirer ses cinq ministres du gouvernement pour « l'incapacité de l'exécutif Benkirane à faire face à la grave situation économique et sociale du pays », aujourd'hui, il est prêt à tout pour intégrer le gouvernement à venir. Or force est de saluer l'art de Abdelilah Benkirane et sa faculté à manipuler les esprits de ses partisans. Après les avoir amenés à détester Chabat et à le traiter de tous les noms, aujourd'hui, il leur fait croire, sans difficulté aucune, au « courage » du leader istiqlalien qui n'a pas cédé aux diktats de « tahakkoum » représenté dans le temps par Ilyas El Omari et incarné ces derniers temps par Aziz Akhannouch, selon lui. Le nouveau scénarii donc est la position de Chabat à soutenir le PJD en appelant même à la tenue de nouvelles élections législatives alors qu'en 2015, il avait appelé à l'organisation d'élections anticipées pour faire tomber le gouvernement Benkirane, une année avant la fin de son mandat. Versatilité ou opportunisme politicien? Coup de semonce Mais comment peut-on imaginer et surtout faire confiance à un gouvernement où seraient côte à côte Benkirane et Chabat qui nous ont gavés de leurs coups de boutoir? Ce dernier ne s'en est-il pas pris au chef de gouvernement dans une interview accordée au magazine Le Temps parue vendredi 15 mai 2015, soulignant avec virulence, les lacunes d'un chef de gouvernement « manquant de maturité politique » qui «nourrit les conflits avec l'opposition pour camoufler son incompétence à tous les niveaux» ? N'est-ce pas lui qui, interviewé par Al Arabiya, avait dit « que l'Istiqlal avait découvert que le PJD était composé de membres qui se servaient de la religion de par leur affiliation au mouvement mondial des Frères musulmans » et que leur leader « connaîtrait la même fin que celle de Morsi »? La critique était encore plus virulente quand il ajoute «Abdelilah Benkirane est, à mon avis, schizophrène. En d'autres termes, il fait tout et son contraire». Invité de l'émission Fi Kafas Al Itihame, animée par Redouane Erramdani sur Med Radio, le secrétaire général de l'Istiqlal a, une fois de plus, exigé la démission d'Abdelilah Benkirane, le jugeant « incapable de mener » le gouvernement. Durant la même sortie, Hamid Chabat a aussi critiqué les réformes menées par le gouvernement Benkirane. Pour lui, « la réforme de la caisse de compensation est un crime énorme commis par le gouvernement envers les citoyens ». Il n'hésite même pas à l'accuser de « vouloir éliminer l'institution monarchique ». Une déclaration jugée dangereuse par l'animateur. Et toujours dans la même émission, Chabat s'en prend aussi au secrétaire général du PPS qui, selon lui, « est capable de vendre ses principes pour accéder au gouvernement. » Puis, il n'omet pas de préciser que le climat stable que connaît le Maroc n'est pas dû au PJD mais plutôt au système démocratique installé depuis l'indépendance et s'articulant autour de la monarchie. Pour lui, le gouvernement de Benkirane est « le pire gouvernement de l'histoire du Maroc qui a marginalisé les syndicats, qui a gelé le dialogue social pendant cinq ans et qui a anéanti les classes laborieuses à travers la succession des hausses des prix des produits de première nécessité ». Et bien sûr, Abdelilah Benkirane ne pouvait laisser passer l'occasion pour sortir sa lourde artillerie et envoyer son contrecoup en direction de celui qu'il nommait « le fou de Fès ». Pour Benkirane, les hommes politiques se divisent en trois catégories : « il y a ceux qui sont intéressés par l'argent, ceux qui veulent faire de la politique de manière propre et ceux qui ne font rien ... les vermines, comme un certain Chabat . En somme, si les Marocains sont acculés à vivre dans la cohue et l'hypocrisie politiques, les paradigmes étant changés et la cohérence étant bien loin, ce sera le coup d'éclat et la stabilité du pays s'en trouvera affectée. Démocratie dites-vous ? Les élections n'en vaudront pas un coup de cidre ! Plutôt un coup d'épée dans l'eau.