La crise financière internationale, qui a éclaté en 2007 et atteint son paroxysme en automne 2008, a fait énormément de victimes dont certaines sont totalement "innocentes" telle l'Afrique, a souligné, jeudi à Marrakech, le secrétaire général de l'Union des banques maghrébines (UBM), M. Driss Fares. S'exprimant à l'ouverture de la 2-ème édition d'"Africa Banking Forum", initiée sous le thème "La dynamique bancaire post crise" par "i-conférences", groupe d'organisation de conférences spécialisé dans l'Afrique du Nord, du Centre et de l'Ouest, en partenariat avec la Banque africaine de développement (BAD), M. Fares a relevé que cette crise a fait énormément de victimes et en fera d'autres et a mis en évidence un facteur fondamental qu'est l'effondrement de la confiance. L'effondrement de la confiance, a-t-il dit, s'est manifesté notamment dans le système financier international, entre banques et autorités de tutelle dans la mesure où la régulation n'a pu être accompagnée avec la rigueur souhaitée, entre banques elles-mêmes et entre ces dernières et les entreprises. "Pour nous Africains, cette crise peut être simplement la perte de la vie", a-t-il ajouté, estimant à cet égard que la principale menace pour le Continent se manifeste à travers notamment un effondrement des exportations, la fluctuation des matières premières sur lesquelles les fournisseurs n'ont aucune prise, les instabilités régionales ainsi que les défis d'ordre écologique face auxquels les pays africains sont démunis. Après avoir relevé que les économies africaines "ne sont pas à l'abri" de cette crise, le S.G de l'UBM a fait observer que des fonds internationaux ont imposé aux Africains des "réajustements structurels extrêmement lourds et pénibles à un moment où ils étaient dans l'euphorie du développement". Et de préciser que la majorité des pays africains qui sont passés par ces réajustements se trouvent aujourd'hui relativement préservés par la crise avec des déficits budgétaires qu'ils ont réussi à maîtriser. Dans ce contexte, M. Fares a souligné que le taux de croissance enregistré aujourd'hui dans certains pays africains, notamment du Maghreb, pourrait "pâlir d'envie et de jalousie plusieurs Etats de par le monde". Le secteur bancaire africain est sorti indemne de la crise financière Pour sa part, M. El-Hadi Chaibainou, directeur général du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), a affirmé que le secteur bancaire africain est sorti indemne de la crise financière grâce notamment à une régulation rigoureuse des banques centrales. Il a, dans ce cadre, loué le travail efficient et rigoureux accompli par les banques centrales et dont tout le monde reconnaît. Tout en reconnaissant une conséquence mondiale de cette crise, il a toutefois signalé que certains pays, dont le Maroc, ont réussi à la maîtriser par notamment la mise en place de comités de veille stratégique. M. Chaibainou s'est, d'autre part, félicité de la coopération bancaire Sud-Sud qui ne cesse de s'amplifier, notant à ce propos que "nous n'avons jamais vécu autant de dynamique d'implantation de banques africaines dans le continent comme maintenant". La dynamique bancaire africaine, déjà enclenchée, consiste en l'accompagnement des investisseurs en Afrique pour faire de cette zone une véritable place financière et économique régionale, a-t-il noté.
La BAD adopte une batterie d'initiatives pour faire face à la crise Mme Amani Abou Zeid, représentant-résident de la BAD au Maroc, a fait remarquer, quant à elle, que cette crise financière, l'une des plus profondes crises des dernières décennies, a provoqué de grands bouleversements sur les marchés financiers et de crédit, forcé le recul du capital et entravé le flux des liquidités tant au sein du système financier que vers les secteurs réels. Préoccupée par l'incidence de cette crise sur la plupart des pays africains, la BAD a réagi en adoptant une série d'initiatives, dont la création d'une Facilité de liquidités d'urgence d'un montant d'un milliard et demi de dollars en vue d'aider et de rétablir le flux de crédits et de liquidités par le biais d'institutions financières dans des projets cruciaux qui risquent d'être retardés ou annulés à cause de difficultés financières, a fait observer Mme Abou Zeid dans une allocution lue en son nom. Avec l'adoption de cette Facilité, a-t-elle ajouté, la BAD a prouvé qu'elle est en mesure de répondre rapidement et adéquatement à la crise en vue d'appuyer les pays africains et qu'elle peut s'inspirer de cette expérience pour relever les défis futurs. Elle a également fait savoir que la Banque africaine de développement a mis en place l'Initiative de financement du commerce afin de mettre les ressources à la disposition des banques commerciales et les institutions de financement du développement de l'Afrique dans l'optique de stimuler et soutenir les opérations de financement du commerce. La participation de la BAD au financement du commerce a permis d'attirer les grandes institutions financières et de tirer partie de leurs plafonds de crédits afin d'améliorer la disponibilité du crédit commercial, particulièrement dans les pays à faible revenu et dans les secteurs économiques cruciaux comme ceux des produits de base et des produits énergétiques et d'équipements, a indiqué Mme Abou Zeid. De son côté, M. Hassan Alaoui, président de "i-conférences", a souligné que l'organisation de cette rencontre intervient dans une conjoncture très mouvementée dans la mesure où le monde traverse une des plus importances crises financières jamais connues auparavant. Il s'est déclaré toutefois optimiste dans la mesure où des signaux favorables commencent à émerger ces derniers mois, ce qui, a-t-il dit, "nous conforte dans le thème choisi pour cette édition". Même si la relance pointe son nez, "la prudence est plus que jamais de mise", a-t-il insisté, faisant remarquer que "les banques africaines qui, dans leur majorité, opèrent dans des économies toujours fermées, sont restées étanches à ce chaos financier (...) et ont retenu des leçons de gouvernance et de gestion de crise". Ce forum de deux jours a drainé quelque 170 participants en provenance de 16 pays d'Afrique, d'Europe, du Moyen-Orient et du Golfe, dont des représentants gouvernementaux, d'institutions bancaires et financières, du monde des affaires et d'organisations régionales et internationales ainsi que des juristes, de consultants et d'investisseurs. Le programme de cet important événement destiné à mettre en avant le rôle des banques dans le dynamisme économique des pays d'Afrique du Nord, du Centre et de l'Ouest, comporte des conférences plénières et des ateliers sur des sujets aussi importants que "Les conséquences de la crise pour les banques de détail et d'investissement en Afrique", "Le manque d'ouverture, une aubaine pour la banque africaine ?" et "L'Afrique et la crise financière : le rôle de la BAD".