La Grande-Bretagne a vécu durant les dernières trois semaines au rythme de débats télévisés, une première qui a offert l'occasion aux dirigeants des trois principales formations en lice d'exposer devant l'électorat leurs programmes pour des élections jugées les plus incertaines de l'histoire contemporaine du Royaume-Uni. (Par Abdelghani Aouifia) A la fin de cet exercice, analystes et experts de la communication ont estimé que la portée de cette pratique, au-delà du dynamisme qu'elle imprime à la campagne électorale, ne doit pas être exagérée dans un pays ou la bataille électorale se livre traditionnellement sur le terrain plutôt que devant les cameras. +Brown "le grand perdant" Nombreux sont les commentateurs de la presse londonienne qui ont estimé que le Premier ministre sortant, Gordon Brown, a été "le plus grand perdant" de ce rituel, importée des Etats-Unis et de la France. La presse a rapporté que les proches collaborateurs de Brown ne s'attendaient pas à une performance extraordinaire de leur chef, connu pour ses relations "tendues" avec la presse et pour ses défaillances en matière de communication contrairement à son prédécesseur, Tony Blair. "Certes austère, Brown demeure un homme de terrain, qui préfère travailler loin des projecteurs", lance un de ses collaborateurs. "Ce défaut" n'entame, pourtant, en rien les compétences avérées du Premier ministre sortant en tant que grand gestionnaire ayant affuté ses armées durant les dix années qu'il a passées à la tête du ministère de l'Economie et des Finances de 1997 jusqu'à 2007 sous la houlette de l'ancien Premier ministre, Tony Blair. Evaluant la performance de Brown, Susan Bookbinder, ancienne présentatrice de la très respectée Radio 4 de la BBC, a relevé que le chef des travaillistes a tenté de suivre le conseil de ses collaborateur de "sourire à chaque fois" devant les caméras. Une telle démarche n'a pas été réussie, estime-t-elle, notant le caractère sérieux du dirigeant travailliste, qui aurait du, selon elle, rester fidèle à lui-même. "La gaffe" commise par Brown, quand il a traité de "sectaire" une sympathisante de son parti, venue l'interroger sur son programme pour le scrutin législatif de cette semaine. L'incident, qui a coûté cher à la formation labour, a replacé au devant de la scène les problèmes de communication de Brown. +Cameron "la grande déception" Des experts de la communication, cités par la presse londonienne, ont indiqué que les électeurs s'attendaient à une forte performance du jeune chef du parti conservateur, David Cameron (44 ans). Abordant la campagne électorale avec un important capital de soutien, Cameron semblait avoir le vent en poupe. Ancien professionnel de la communication, le jeune leader tory disposait de toutes les chances d'étaler son talent d'orateur et polariser l'attention des électeurs lors de ses confrontations télévisées avec ces rivaux travailliste et libéral démocrate. Or, sa performance "a été décevante", en particulier durant les deux premiers débats consacrés aux questions internes et à la politique étrangère du Royaume-Uni. Nici Marx, ancienne présentatrice vedette des chaines Sky News et CNN, s'est dite surprise par "la mauvaise performance" de Cameron, relevant que ce dernier "ne s'est pas montré convainquant, versant parfois dans la polémique face à ces deux adversaires". +Nic Clegg la révélation+ Presque méconnu avant la campagne électorale, Nick Clegg, chef du parti libéral-démocrate, a été la véritable révélation des débats télévisés, durant lesquels il a volé la vedette aux chefs plus expérimentés des partis travailliste et conservateur. Développant un discours "nouveau" pour les électeurs, Clegg a réussi à démarquer sa formation des politiques du labour et des tories, offrant une nouvelle alternative à un électorat en quête d'un changement de direction après 13 années de gouvernement travailliste. Les experts des medias britanniques estiment que la spontanéité dont a fait montre Clegg demeure sa principale force. Contrairement à Brown et Cameron, qui ont donné l'impression d'avoir été "bien coaché" pour cet exercice de télévision, Clegg "a été spontané", une attitude qui lui a valu la sympathie de larges franges de l'électorat, indique Nici Marx. Par ailleurs, les experts s'accordent que les débats ont conféré une nouvelle dynamique à la campagne électorale, permettant aux électeurs de suivre en direct les dirigeants des trois grands partis du pays exposer leurs programmes. Or, comme le souligne le politologue britannique John Curtice, la bataille électorale se jouera sur le terrain, le système politique britannique étant fondé sur la relation directe entre l'élu et les membres de sa circonscription, plutôt que sur l'appréciation générale des programmes des partis en lice ou du charisme de leurs leaders.