La formation des cadres de l'enseignement du culte musulman en France doit passer notamment par le développement d'une formation en théologie musulmane dans l'université française, a indiqué M. Mohamed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM). "Le développement de la formation des cadres religieux passe par l'intégration au sein de l'université d'un cursus de théologie musulmane couplé avec un institut privé de formation des imams", a souligné M. Moussaoui, dans un entretien à la MAP en marge du colloque international sur l'Islam en Europe, initié par le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME). Il a de même suggéré l'octroi de diplômes de fins d'études, notamment une licence et une maîtrise, "à l'instar de ce qui existe déjà pour les théologies catholique et protestante". Dans une seconde étape, a-t-il poursuivi, ce cursus de théologie musulmane pourrait être dispensé dans le cadre d'un institut spécifique au sein de l'université. "Ce sont des pistes proposées afin de défendre l'idée de la nécessité d'une formation en théologie musulmane dans l'université française", a-t-il précisé. Une telle opération est possible et "à porté de main", a-t-il insisté, soulignant qu'il "appartient par contre aux communautés musulmanes locales de réfléchir, en parallèle, à la mise en place d'un institut privé de formation des imams et autres cadres religieux assurant, de manière complémentaire, la partie technique et pratique liée à la fonction d'Imam ou d'aumônier". L'Etat pourrait allouer des subventions à des enseignements universitaires théologiques au titre de la liberté de l'enseignement supérieur, alors que les attributions ne relevant pas de sa compétence seront supportés par les institutions musulmanes, a-t-il fait remarquer. M. Moussaoui a évoqué une autre option favorisant la création d'un enseignement supérieur musulman avec une filière axée sur la formation des cadres religieux. "Il pourrait dans un premier temps s'agir de favoriser les initiatives musulmanes visant à mettre en place des structures d'enseignement équivalentes aux facultés dites libres", a-t-il expliqué. Celles-ci pourraient jouir de soutiens publics volontaires sous forme de subventions du ministère de l'Enseignement supérieur, à l'instar des instituts catholiques de Paris, Lille, Lyon et Angers et de l'Institut protestant de théologie de Paris. M. Moussaoui a de même avancé l'idée d'octroyer des financements publics partiels pour développer les formations des instituts musulmans existants.
Il a, à ce propos, souligné l'importance du financement des études et la reconnaissance des titres délivrés à la fin de la formation, de la coordination entre le volet culturel de la formation et le volet cultuel, de la prise en compte des motivations des étudiants ainsi que de la coordination entre la formation développée et les instances cultuelles. Pour ce qui est des centres de formations existants, M. Moussaoui a fait remarquer qu'ils "fonctionnent plus comme des établissements dispensant des cycles d'enseignement religieux que d'instituts de formation d'imams et de cadres religieux musulmans". Ces instituts, qui dispensent aussi des cours par correspondance, ont une vocation plus théorique que pratique dans la formation des imams appelés à encadrer les Musulmans en France, a-t-il expliqué. Pour lui, ces centres ont rencontré des succès "contrastés" dans la concrétisation de cet objectif en termes d'aménagement de filières de formation, d'enseignement dispensé, de fréquentation et de débouchés professionnels. Quant aux programmes, il a précisé que ces instituts insistent tout particulièrement sur l'apprentissage du Coran, des sciences du Hadith et surtout sur l'aspect réglementaire au sens de la jurisprudence islamique (Fiqh). Les réserves émises à l'encontre de ces centres portent notamment sur le décalage entre les intentions affichées de former des cadres musulmans et l'attitude des étudiants qui cherchent plus à s'informer sur l'islam et à approfondir leurs connaissances religieuses sans nécessairement s'investir durablement dans l'encadrement religieux. Concernant les perspectives, M. Moussaoui a souligné l'importance de se pencher sur le développement d'un personnel cultuel musulman formé sur place, les questions du statut économique et social de l'imam ainsi que sur les problèmes du titre de séjour. Il s'agit également de prendre en compte la formation continue et de mise à niveau pour les imams déjà investis auprès des associations locales, tout en se penchant sur les moyens de développer des solutions alternatives aux filières classiques d'importation de cadres religieux vis-à-vis desquelles les musulmans de France comme les pouvoirs publics sont de plus en plus réticents. Le Colloque "Islam en Europe: formation des cadres, éducation religieuse et enseignement du fait religieux" de deux jours se tient au siège du Conseil de l'Europe à Strasbourg. Il est initié en collaboration avec la Grande Mosquée de Strasbourg sous le patronage du secrétaire général du Conseil de l'Europe.