L'élite intellectuelle de la ville de Fès, réunie jeudi soir dans le cadre du salon littéraire du Club du livre, a choisi de fêter le parcours poétique de l'un des pionniers de la poésie marocaine moderne, Abderrafie Jouahri, qui a su, de la plus belle des manières, puiser dans le fin fond du quotidien de la cité Idrisside pour le transformer en un imaginaire poétique unique. Jouahri, qui a voulu exprimer sa fidélité "poétique" aux lieux et ruelles de cette ville, qu'il a quittée à l'âge de 16 ans, est revenu, cette fois, avec un recueil de poésie célébrant la douce relation entre le poète, qu'il est, et sa ville natale. Des poèmes faisant de la contemplation soufie de la ville la toile de fond de ce recueil intitulé "Ka'anni Afiq" (comme si je me réveille). Le recueil peut être décrit comme un voyage rétrospectif, meublé de souvenirs et de sentiments d'admiration de la ville. Le poète revient sur les noms, la géographie, l'histoire et les personnalités qui ont marqué les douze siècles de cette cité impériale. "Je reviens toujours aux villes que j'ai quittées", dit l'auteur du célèbre poème "Al Kamar Al Ahmar", tout en comparant les cités aux femmes : "Chacune a sa magie, son parfum, sa beauté et ses secrets". Le parolier, qui présente son recueil "Ka'anni Afiq" comme un retour à l'enfance et un passage rétrospectif des lieux, estime que la ville, en tant qu'espace poétique, l'a habité dès son deuxième recueil "une chose comme l'ombre", où il recourt à sa vision poétique pour décrire des espaces comme Damas, Beyrouth et Marrakech. Le critique Hassan Mkhafi voit dans Jouahri "un poète en perpétuelle recherche de créativité et de renouvellement. Ses recueils sont uniques". "Tout en restant fidèle aux fondamentaux de la poésie arabe authentique, il a parié sur la diversité dans le texte, mais sans pour autant tomber dans le piège de l'expérimentation", estime M. Mkhafi. Les autres interventions tournaient autour de deux éléments meublant l'espace poétique de Jouahri : la profondeur soufie dans son approche de la beauté et l'admiration du patrimoine musical arabe et occidental. Le poète a bien voulu gratifier l'audience par des lectures de poèmes de son recueil, considéré comme le premier dans le monde arabe à être consacré uniquement à l'espace de la ville. Cette rencontre littéraire a été aussi une occasion propice pour dédicacer son recueil "rapsodie bleue".