Le nouveau Premier ministre jordanien, Samir Riafi, qui a été officialisé lundi, a joué la carte de la continuité dans la formation de son gouvernement en reconduisant dans leurs postes les principaux ministres du cabinet sortant, mais il a apporté des changements aux portefeuilles dits "économiques" dans le but d'endiguer les effets de la crise mondiale. -Par Jamal CHIBLI- Composé de 28 ministres, dont 2 femmes, le nouveau cabinet, qui aura la dure mission de mener des réformes profondes, a prêté serment devant le Roi Abdallah II, qui avait confié à M. Rifai la formation du gouvernement, après la démission du Premier ministre Nader Dahabi, le 9 décembre courant. Parmi les principales figures qui continueront de chapeauter leurs départements, il y a le ministre de l'Intérieur, Nayef al-Qadi, le chef de la diplomatie, Nasser Judeh, le ministre de la Justice, Ayman Odeh, et celui du Commerce et de l'Industrie, Amer al-Hadidi, qui a fait de la lutte contre la flambée des prix et le monopole son cheval de bataille. Les grands changements apportés par Samir Rifai (43 ans), ancien ministre de la Cour, ont surtout touché au dossier économique ou ce que la presse jordanienne appelle communément "l'équipe économique", accusée de tous les maux du pays, même si le précédent gouvernement était mis à rude épreuve par les remous imprévisibles de la crise financière mondiale, qui a eu pour conséquence le rétrécissement des investissements et des dons étrangers. Le ministre des Finances Bassem Salem, qui avait annoncé l'amorce d'une réforme de fond de la gestion des deniers publics, a cédé sa place à Mohamed Abou Hammour, tandis que Jaafar Hassan, une personnalité proche des sphères de décision tout comme le nouvel argentier du pays, succédera à Mme Suheir al-Ali à la tête du ministère du Plan et de la coopération internationale, un important département puisqu'il est en charge du volet de l'aide extérieure, l'une des principales ressources du budget de l'Etat. Un nouveau poste de ministre d'Etat a été confié à Rajaï al-Maachar, un fin connaisseur du monde des affaires, dont le rôle sera d'assurer la coordination et le suivi du dossier économique, selon les observateurs. M. al-Maachar fait son entrée au gouvernement également en tant que vice-Premier ministre, aux côtés du ministre de l'Intérieur. Des dossiers chauds attendent le futur Exécutif, qui hérite d'une conjoncture politique et économique des plus délicates. Tout d'abord, il aura à parachever le chantier de la décentralisation, enclenché par le gouvernement sortant, organiser des législatives anticipées selon une nouvelle loi électorale, ainsi qu'à s'attaquer à l'épineuse mission de réforme de la gestion des finances publiques, plombées plus que jamais par un grave déficit budgétaire et un endettement alarmant. Conformément aux objectifs tracés par le Roi Abdallah II, dans la lettre de mission adressée au Premier ministre, la nouvelle équipe se doit de "promouvoir l'action économique, garantir une gestion idéale des ressources et œuvrer, selon des stratégies claires, à la protection de notre économie des conséquences de la crise mondiale et à la réalisation des meilleurs taux de croissance". L'opposition jordanienne, menée par le Front de l'action islamique, a accordé un "délai de grâce" à l'équipe de Samir Rifai, en soulignant qu'elle la "jugera sur pièce". Le nouveau gouvernement sera attendu de pied ferme sur le thème de l'amendement de la loi électorale, au cœur d'un vif débat politique et populaire. Les sortie médiatiques de l'opposition avaient amené le père du nouveau chef de gouvernement, Zeid Rifai (73 ans), à annoncer, samedi dernier, sa démission de la présidence de la Chambre des dignitaires et son retrait de la vie politique et publique, histoire de faire taire les critiques. Le 23 novembre dernier, le souverain hachémite avait décidé la dissolution de la Chambre des représentants, l'une des plus impopulaires de l'histoire du pays, et appelé à l'organisation de législatives anticipées, reportées sine die suite à une recommandation présentée au Roi Abdallah II par le gouvernement démissionnaire.