"Ma Frange, la voici" (haY ak tawnza) est l'intitulé du nouveau recueil de poésie amazighe, traduite en langue française, que vient de publier en ce début 2010 le poète et l'écrivain Ali Ikken, aux imprimeries Benlafqih Errachidia. Par ce recueil de poésie (71 pages/petit format), dont la couverture est constellée d'une belle toile de l'artiste suissesse Coralie Delval, l'auteur qui est également poète amazigh, entend rapprocher le public francophone de la culture amazighe, en procédant à la traduction de 130 Izlis amazighs en langue française. "Dans ma collection, je livre aux lecteurs cette grappe d'izlans qui relate des thèmes d'amour, de tolérance, de paix et de guerre", écrit Ali Ikken, qui explique les izlans est un exercice poétique quotidien, dans la mesure où il est utilisé dans les occasions de moisson, battage, pollinisation de dattiers, meules, fêtes de circoncision et de mariages. Chaque Izli raconte une histoire, marque un événement, garde une trace du passé ou dicte une morale socioculturelle. Ainsi "Au fond du puits" remonte l'histoire au début du 20ème siècle, pour se remémorer les deux grandes batailles contre l'occupant français à Lemnbha (1907) et Boudnib (1908). L'on immortalise aussi à travers cette poésie des conflits intertribaux dans le sud-est marocain, tel cet Izli dit en 1930 en hommage à 26 jeunes hommes d'Ifertoumach, tués lors d'une embuscade tendue par les guerriers d'une autre tribu (Aït Hammou), près du mont Bouarous. "Le problème de la traduction des Izlis de l'amazighe en français reste les éléments intraduisibles dans cet "Amarg", à savoir rythme et musicalité, fait remarquer Ali Ikken, pour qui les Izlis n'acquièrent leur véritable statut qu'une fois chantés dans leur cadre musical propre. Si plusieurs peuples ont perdu leurs cultures, tels les inca et les aztèques, "ce n'est pas le cas des amazighs qui ont su résister et garder leur identité culturelle...une identité que les amazighs transpirent, mais chantent aussi", écrit la suissesse Cécile Guivarch, dans un article annexé dans la fin de recueil. "L'écriture est une invention, la parole est une nature, l'absence de la plume aiguise le génie de la mémoire, ainsi un troubadour peut réciter de mémoire des milliers de vers, tout comme les trouvères du 12ème et 13ème siècles en France", écrit Ali Ikken.