Comme dans un conte de fée célébrant les nobles valeurs de rencontre et d'ouverture, la vie et le parcours inédits de l'humaniste marocain, Hassan El Ouazzane (Léon l'Africain), ont été présentés, pour la première fois, au grand public britannique par la chaine de télévision la BBC. Regards croisés des civilisations et enrichissement mutuel des cultures, tels sont les objectifs que s'est fixés la BBC quand elle s'est lancée dans la préparation d'un documentaire aussi savant que captivant sur un homme dont l'Œuvre personnifie par excellence le brassage des cultures dans toute sa splendeur. La vie de ce grand géographe et humaniste marocain que fut Hassan Ben Mohamed El Ouazzane, plus connu en Occident comme Leo Africanus ou Léon l'Africain, offre une intéressante matière à réflexion dans ce monde tiraillé par les clivages et les clashes entre les civilisations, indique Badr Sayegh, journaliste ayant contribué à la réalisation du film. Ecrit et réalisé par Jeremy Jeffs, grand spécialiste des documentaires, le film emmène le téléspectateur dans un périple de 59 minutes sur les traces d'un homme qui a consacré sa vie à la découverte des cultures et des civilisations du monde du 16ème siècle. De Grenade, lieu de naissance de l'érudit, a Tombouctou, en passant par Fès et Rome, le documentaire, intitulé "Hassan El Ouazzane: un homme entre deux mondes", décortique la vie extraordinaire d'un explorateur pour qui la découverte de l'autre était plus qu'une simple passion et dont la vie a servi de base pour la célèbre pièce de théâtre de William Shakespeare, Othello. .+ Fès, centre de rayonnement et de savoir, à l'honneur+. Fès, ville de cultures et de sommités intellectuelles au 16ème siècle, occupe un important espace dans ce film, qui a retracé le vécu d'El Ouazzane dans une cité qui vivait à l'époque l'âge d'or judéo-islamique, avec ses poètes, ses savants, ses écrivains, ses astronomes, astrologues et autres scientifiques. "Fès a façonné la personnalité d'El Ouazzane, qui a pu, en grande partie grâce aux années qu'il a passées au sein de l'université Al-Qarawiyyine, acquérir une dimension universelle", explique Al-Sayegh. Le documentaire est l'une des rares productions au Royaume-Uni qui mettent la lumière sur Fès en tant que grande capitale du savoir et terre de rencontre, indique-t-il, notant que le grand public britannique découvre ainsi cette importante dimension culturelle, d'un pays dont la présence ne cesse de se renforcer dans l'imaginaire du touriste britannique. C'est à Fès que Hassan El Ouazzane a peaufiné son savoir et élargi sa connaissance du monde avant de se lancer dans une grande aventure qui le mena à travers le désert nord-africain vers Tombouctou puis vers d'autres contrées du Moyen-Orient avant de regagner Rome, où sa vie connaitra des tournants aussi intéressants que mystérieux. .+ Tombouctou, des liens spirituels et humains avec un Maroc rayonnant. Traversant différentes régions du Maroc, ayant accueilli El Ouazzane dans sa quête du savoir, comme Sefrou, Imouzzer etc. l'équipe du tournage s'attarde sur la ville malienne de Tombouctou, où l'humaniste marocain passe plusieurs années, approfondissant son savoir religieux, philosophique et scientifique. "Hassan El Ouazzane a eu le mérite de positionner Tombouctou sur la carte", observe Sayegh. En effet, le documentaire montre à quel point les écrits de l'aventurier sur cette ville étaient tellement captivants aux yeux des occidentaux que ces derniers ont énormément glamouriser ces récits, accentuant le mystère qui entoure la cité Malienne dans l'imaginaire européen. Le téléspectateur est ainsi emmené dans une tournée à travers cette cité du désert, ses ruelles, ses mosquées et medersas, tant de vestiges et de monuments, qui rappellent, comme l'a indiqué Sayegh, des liens historiques entre l'Afrique subsaharienne et le Maroc. Le journaliste affirme que de nombreuses familles de Tombouctou gardent toujours leurs noms marocains et s'enorgueillies de leurs origines marocaines. + Controverse ravivée au sujet de l'ouvrage d'El Ouazzane "Description de l'Afrique"+. Le documentaire britannique fait, par ailleurs, la lumière sur la vie d'El Ouazzane à Rome, où il a gravé les échelons grâce à son savoir pour se frayer un chemin au sein de la prestigieuse classe académique, élaborant un dictionnaire des termes médiaux (Arabe-Hébreu-Latin) et publiant en langue italienne les biographies de grands savants Musulmans. Ce dernier ouvrage est cité parmi les grandes sources ayant inspiré la renaissance italienne. Ces ouvrages, en dépit de leur importance, ont été éclipsés par le chef d'Œuvre du géographe, "Description de l'Afrique", autour duquel le documentaire dévoile toute une polémique. Selon les producteurs du documentaire, la version originale du livre, considéré comme la principale source de la connaissance de l'Islam et de l'Afrique en Europe, a été écrite en langue arabe vers 1525 avant de disparaitre dans des circonstances mystérieuses. L'origine de la controverse autour du livre d'El Ouazzane se trouve dans sa traduction-résumée en Italien publiée en 1650 par le chercheur italien Ramusio, sous le titre "Navigations et Voyages". Les producteurs du film précisent que le texte de Ramusio a sciemment rendu d'une manière négative tous les passages qui traitent de la religion musulmane, portant, ainsi, un grave préjudice à l'auteur et à son Œuvre. Au-delà du débat sur l'ouvrage, dont la copie originale (en langue italienne) a été découverte en 1936 à la bibliothèque du Vatican, le documentaire, comme l'affirme Sayegh, lève le voile sur une des grandes personnalités de l'histoire marocaine et fait la lumière sur la précieuse contribution du Maroc à la renaissance européenne.