La justice, pilier fondamental de tout Etat de droit, s'est vu consacrée, dans le projet de nouvelle constitution, comme un pouvoir aux prérogatives élargies et jouissant d'indépendance et de crédibilité, de par sa vocation d'institution faisant contrepoids aux organes exécutif et législatif, et son rôle incontournable dans toute armature institutionnelle équilibrée, cohérente et harmonieuse. C'est en convergence avec les demandes et revendications exprimées par les acteurs politiques et potentialités de la société civile, qui placent l'impératif d'une justice indépendante en tête de leur agenda, afin d'inscrire durablement et irréversiblement le Maroc dans le giron des nations démocratiques avancées, et aussi aux fins d'accompagner l'évolution sociétale dans le droit fil de la reconnaissance de "la primauté des conventions internationales dûment ratifiées par le Royaume sur le droit interne", que le projet de texte constitutionnel a apporté des innovations marquantes dans le domaine de la justice. Ainsi, le pouvoir judicaire se voit conférer un rôle clé dans le dispositif institutionnel qui participe de la protection des droits et de l'impératif de reddition de compte inhérente à l'exercice des responsabilités, avec l'établissement de mécanismes pertinents pour prémunir ce secteur contre toute forme d'ingérence ou d'interférence dans les prérogatives des magistrats.
++Le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, une composition et des prérogatives garantes de l'indépendance de la justice++
Signe du rehaussement de la place de la justice et des magistrats dans le dispositif constitutionnel de protection des droits et de garantie du respect des lois, la nouvelle loi fondamentale a conféré la gestion de la carrière des juges à un Conseil Supérieur du Pouvoir judiciaire, présidé par le Roi (au lieu de la dénomination de conseil supérieur de la magistrature). Ce Conseil est érigé désormais en pierre angulaire du pouvoir judiciaire, en assumant notamment une mission de veille sur l'application des garanties accordées aux magistrats, à la faveur de trois éléments fondamentaux apportés par la nouvelle Constitution. Le premier élément se rapporte au changement au niveau de la vice-présidence de ce conseil, confiée désormais au Président de la Cour de Cassation au lieu du ministre de la Justice, avec en outre le renforcement de la représentation des femmes en proportion de leur présence dans le corps de la magistrature. En deuxième lieu, la loi fondamentale a veillé à l'ouverture de la composition du Conseil supérieur du pouvoir judicaire aux personnalités notoirement connues pour la défense de l'indépendance de la justice, alors que le troisième nouvel élément consiste en l'octroi de prérogatives élargies à ce Conseil, au-delà de la carrière des magistrats, au contrôle, à l'évaluation de l'état de la justice et du système judiciaire.
En vertu de la nouvelle constitution, le pouvoir judicaire se voit ainsi hissé au statut d'un pouvoir réellement indépendant, à travers notamment des garanties fondamentales d'indépendance constitutionnalisées en faveur des magistrats. Une loi organique viendra renforcer leur statut, en sus de la stipulation expresse dans la constitution de l'interdiction de toute immixtion dans l'action des juges. Ainsi, au chapitre des garanties accordées aux magistrats pour agir en toute indépendance, la Loi fondamentale stipule que le juge ne saurait recevoir d'injonction ou d'instruction, ni être soumis à une quelconque pression. Chaque fois qu'il estime que son indépendance est menacée, il doit en saisir le Conseil supérieur du pouvoir judicaire. De même, les magistrats de siège ne sont astreints qu'à la seule application du droit , la loi prévoyant de sanctionner toute personne qui tente d'influencer le juge de manière illicite.
++La Cour constitutionnelle, gardienne de la suprématie de la Constitution++
Dans ce dispositif, la Cour constitutionnelle, qui prend le relais du Conseil constitutionnel, assure la mission de gardienne de la suprématie de la Constitution. Elle se voit ainsi conférer des compétences élargies au contrôle de la constitutionnalité des conventions. Les citoyens acquièrent, dans ce registre, droit de cité en se voyant offrir la possibilité de saisir la Cour constitutionnelle pour contester la constitutionnalité des lois, ce qui leur permet désormais de disposer d'un levier leur assurant une véritable appropriation de leur constitution. Parmi les autres nouveautés, il y a lieu de noter les nouvelles modalités dans la composition de ce conseil, la moitié de ses membres (6) étant désormais élue par les deux Chambres du Parlement (ils étaient désignés au sein des deux chambres et non élus, aux termes de la constitution de 1996), les six autres membres sont désignés par le Roi. Le rôle primordial conféré par la Loi fondamentale à la justice apparait aussi avec plus d'éclat, au regard notamment de l' armature de droits et libertés, prévus dans le nouveau texte constitutionnel, que les magistrats sont appelés à protéger: (droit à la vie, droit à la sécurité des personnes et des biens, prohibition de la torture et de toutes les violations graves et systématiques des droits de l'homme, présomption d'innocence et droit à un procès équitable, libertés de pensée, d'opinion et d'expression, liberté de la presse et droit d'accès à l'information, libertés de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique, outre les droits économiques, sociaux et environnementaux).