Deux ensembles majeurs de la musique andalouse marocaine, l'orchestre de musique de Fès de Haj Abdelkrim Raïss dirigé par Mohamed Briouel et l'orchestre de Mohamed Amine El Akrami de Tétouan, avec les plus grandes voix marocaines de Samaâ, se sont produits, mercredi soir à Fès, pour rendre hommage à Haj Tazi Massano, l'une des figures clés de ce répertoire musical ancestral andalou. Envoyée spéciale : Roukane EL Ghissassi Un grand moment au musée Batha, spirituel et festif, où de nombreuses familles habitant la médina ou le centre de ville, des personnes âgées, des jeunes, des festivaliers étrangers en visite au Maroc dans le cadre de cette 17ème édition du festival de Fès des musiques sacrées, n'ont pas daigné se déplacer pour écouter une musique de plus en plus appréciée de par le monde. "Je viens juste de rentrer de France, où j'ai donné un concert à Lyon. Je n'ai pas eu une minute pour me reposer mais tout le plaisir, est pour moi de me produire dans cette nouvelle édition pour chanter en hommage à Haj Massano Tazi", a déclaré à la MAP, l'artiste-mounchid Noureddine Tahri, le visage rayonnant de joie, en marge du concert. Al Akrami a confié à son tour, l'émotion dans la voix : "je suis heureux de me produire à ce festival et d'interpréter un répertoire qui s'inscrit intrinsèquement dans l'esprit sacré du festival". Les deux ensembles, au cours de cette soirée de printemps frais, ont interprété, sous le chêne centenaire magnifique du musée Batha, pour les spectateurs assis ou debout face à l'orchestre et les voix du Samaâ, deux grandes merveilles, les nouba "Raml El Maya" présentée en première partie du spectacle et "Hghaz Lakbir" (Hijaz Al kabir) en deuxième partie. Concernant cette programmation, Al Akrami a précisé : "Nous avons eu grand plaisir d'interpréter d'abord, deux nouba, la première est +Raml Al Maya+ qui normalement requiert une durée d'interprétation de jeu de 9 heures mais que nous avons présenté ce soir en une heure (pour ménager la patience du public)". "Ensuite, nous avons interprété +Hghaz Lakbir+ (Hijaz Al Kabir) qui est de création purement marocaine et non andalouse", a-t-il tenu à préciser.
Dans ce concert à instruments (rabab, oud, tar, violons, violoncelle, contrebasse, darbouka), les musiciens ont donné le maximum de ce programme séduisant, connu des passionnés d'al-ala, qui généralement guettent, mais vraiment de près, le rythme du jeu subtil des musiciens. Ces férus tapotant légèrement des doigts sur les cuisses, ou jouant avec leur mains les mesures des mizanes, dans le prolongement des notes interprétées, le tout en accompagnant discrètement de leur voix, les chants du samaâ qu'ils connaissent généralement par coeur. Même pour ceux qui ne sont pas habitués à ce rythme et découvrant pour la première fois ce répertoire musical de ses oeuvres, une première écoute de ces noubas a fait, peut-être, un effet saisissant, notamment celui d'entendre par exemple de curieux son de "Tar", cet instrument qui joue un rôle déterminant dans la musique Al-Ala dans la mesure où c'est grâce à lui que le chef d'orchestre peut orienter le rythme ou la cadence du jeu. Mais au fur et à mesure, l'attention de l'auditoire, corps et esprit, se trouve happée par cette énergie calme des musiciens qui, eux aussi, ont été souvent pris de court par les voix montantes et émouvantes du Samaâ de Nourredine Tahri, Abdefettah Bennis, Saïd Chraïbi et Aziz Alami. Dès lors, l'orchestre, ayant ressenti cet effet exercé magnétique des notes jouées et des voix chantées sur les spectateurs, a vibré mais en gardant, bien sûr, une virtuosité et une rigueur rythmiques dignes des instruments de ce répertoire classique de la musique andalouse. Applaudi chaleureusement et longuement par le public, les deux orchestres accompagnés des voix du samaâ sont revenus sur scène pour donner encore "Hghaz Lakbir", mais avec une interprétation qui rivalise de beauté avec la première, mais exaltant une félicité printanière teintée d'une douceur dans l'air.