Les principales tendances de la peinture au Maroc ont été débattues, mercredi soir à la villa des arts de Rabat, dans le cadre d'un cycle de conférences organisé par la Fondation ONA sur l'histoire de la peinture marocaine. ---(Par Roukane EL GHISSASSI)--- Cette rencontre initiée par le professeur de littérature Aziz Daki a été marquée par la participation des artistes-plasticiens Mohamed Melehi, invité d'honneur de cette conférence et Fouad Bellamine, qui ont mis l'accent sur l'émergence d'un groupe en 69 qui se différenciait par sa manière de concevoir et de faire la peinture. "Anachronique" était ce groupe en 1969 qui comprenait six artistes (Melehi, Belkahia, chabaâ, Ataalah, Hamidi et Hafid) et qui ont décidé un jour d'exposer en plein air et pas dans n'importe quelle place, à Jamaâ Lafna, à Marrakech, leurs toiles abstraites. Nous étions un "îlot", a rappelé Melehi, en précisant que le groupe comprenait également des poètes, des artistes et des écrivains qui faisaient partie de la revue "Souffle". Ce groupe, "c'était une sorte de marmite où les choses bouillonnaient", renchérit-il, car il faut replacer les choses dans leur contexte et ne pas oublier que les années 70 étaient celles des révolutions notamment à Cuba, à Budapest et en Tchécoslovaquie et de la tricontinentale, a rappelé Melehi. "Le plus important à nos yeux est que les gens commencent à percevoir l'art comme un message civilisationnel", a-t-il dit. Insolite était la situation, les toiles sont exposées en plein air pendant douze jours, elles sont restées intactes, sans subir aucun endommagement qu'aurait pu leur causer les intempéries ou un quelconque vandalisme. Le but étant de "créer une dynamique visant à amener l'art hors des lieux fermés, des galeries", insistait Melehi. Intervenant à son tour, le peintre Bellamine s'est rattrapé pour expliciter davantage ses propos concernant une assertion tonitruante qu'il avait formulée un jour et que lui a rappelée Daki : "Il n'y a pas de peinture marocaine mais des peintres marocains". Bellamine n'en démord pas et réaffirme qu'il est tôt de faire de l'histoire de l'art au Maroc, et que la problématique de questionner le patrimoine est toujours de mise. Les trois premiers numéros de la revue Maghreb art qui regroupent une compilation importante de tout un travail sur l'architecture, les "hanbels" et les tapis, peuvent, toutefois, nous être d'un grand apport et nous éclairer davantage dans ce domaine du patrimoine. Dans les années 60-70, rappelle l'artiste, "c'était très difficile, pour nous, peintres, de faire accepter à un Marocain (e) d'accrocher une toile chez lui, alors qu'une tradition des arts visuels n'était pas absente chez nous mais remontait à des millénaires". "Les caftans et les bijoux de nos mamans, l'ornement des plafonds en sont témoins", dit il. Mais faire comprendre au public de jadis qu'une nouvelle culture visuelle était en train d'élire domicile chez nous était quelque chose d'invraisemblable, et cela requérait de nous un travail inimaginable, de titan, s'en rappelait Bellamine. Pour remédier à cette situation, l'intérêt de créer des écoles de métiers d'art au Maroc ne s'est pas amenuisé aujourd'hui mais s'impose désormais, a-t-il estimé. Ce cycle de conférence se décline en cinq séquences "les peintres orientalistes font-ils partie du patrimoine marocain ?", "les premiers peintres marocains et les années entre les deux guerres" ?, "Naissance d'une réalité picturale marocaine", "Les principales tendances de la peinture au Maroc" et "L'art contemporain au Maroc". Ces séminaires, qui reposent sur un choix de cinq moments phares de l'histoire de la peinture au Maroc, ambitionnent d'apporter un éclairage rigoureusement documenté sur l'avènement de la peinture de chevalet et le contexte dans lequel ont évolué les artistes.