Le Festival international du film de Marrakech (FIFM), dont la dixième édition baissera le rideau samedi, s'est forgé, cette année, l'identité d'être un révélateur de talents en emmenant le public à la découverte d'expressions cinématographiques pleines d'exotisme, loin des pressions des grosses productions et des succès de guichet. Par Jamal CHIBLI La majeure partie des films en compétition officielle sont des premières œuvres. Quoique ce choix artistique soit une sorte d'arme à double tranchant, les organisateurs ont décidé d'aller au bout de ce challenge. Car la critique ne sera pas tendre si les films ne sont pas de bonne qualité. En revanche, si les productions ou leurs réalisateurs réussissent à décrocher les lauriers par la suite, le FIFM pourrait alors s'enorgueillir d'avoir donné une chance à ces œuvres et le nom de Marrakech sera à jamais associé au futur succès. L'anecdote du "Parrain", l'un des succès absolus du cinéma mondial, revient en leitmotiv pour défendre ce choix. Quand Francis Ford Coppola a été choisi pour réaliser la première partie de la trilogie de la saga de la famille Corleone, il n'avait que 29 ans. En plus, c'était sa première œuvre. Celui qui allait être érigé en monument à Hollywood reconnaît que les acteurs avaient plus de carrure que celui qui est censé les diriger. Pourtant, cela ne l'a pas empêché de surmonter cet handicap pour filmer des stars comme Marlon Brando et Al Pacino. Sur les quinze films en compétition officielle, dix sont des premières œuvres. Un choix que le comité de sélection assume pleinement. "A Marrakech, on cherche à révéler des talents. Souvent, dans un premier film, il y a la volonté. Les gens se sont battus pour le faire. Le rôle d'un festival est justement de faire découvrir tous les cinémas au public et lui transmettre cet amour du cinéma", confie le directeur artistique du Festival, Bruno Brade. Le FIFM se pose ainsi en fenêtre sur les influences venues des quatre coins du monde. Un film comme "Donor" du Philippin Mark Meily ouvre une brèche sur les maux d'une société minée par la pauvreté et l'exploitation de la misère des hommes, à travers un regard poignant sur le trafic prospère des organes dans cette partie du globe. Un peu plus loin, "Animal kingdom" plonge le spectateur dans le monde de la pègre australienne, dans une chronique tranchant avec les clichés sur le pays des kangourous. "Vaho" ou "Beclouded" d'Alejandro Gebrer Bicecci dessine une fresque sur les mutations que connaît la société mexicaine moderne en mettant l'accent sur les frustrations de sa jeunesse, tandis que Haolun Shu offre, dans "No. 89 Shimen road", un voyage au cœur des événements des années 1980 en Chine, qui seront d'une importance cruciale pour l'évolution et les changements que connaîtra la société de ce pays. Unique représentant du Maroc en compétition officielle, "Mirages" du jeune Talal Selhami apporte un brin de fantastique au cinéma national. Basé sur une histoire atemporelle, ce thriller, qui a partagé les critiques, aura le mérite de baliser le terrain devant d'autres films marocains d'aventure, après la pléthore de fictions sur les drames de la société. Dans une quête d'originalité, le comité de sélection a visionné quelque 1.200 films pour fixer son choix sur les œuvres en compétition officielle. "La sélection est faite de manière rigoureuse et exigeante. Le seul critère de sélection est le critère artistique, parce qu'un film doit traduire un point de vue sur la manière dont on raconte les choses, c'est-à-dire avoir un regard sur le monde et un autre sur le cinéma", assure Bruno Barde.