De Fès, la cité millénaire symbole de la tradition et de l'authenticité, à Casablanca, la métropole qui incarne la modernité, le patrimoine architectural et l'art de vivre marocains ont été parfaitement mis en exergue sur la chaîne de télévision publique "France 3". Dans le cadre de son émission "Des racines & des ailes", la chaîne a diffusé, mercredi soir, un numéro spécial, fruit d'un travail de plus d'un an et demi avec l'équipe de production, proposant de déguster "le goût du Maroc" à travers le face à face entre Fès et Casablanca. Le spécial, écrit et réalisé par Frédéric Wilner, offre un regard croisé entre Fès, la traditionnelle, qui vient de fêter son 1200ème anniversaire et la ville nouvelle de Casablanca, qui n'a pas tout à fait un siècle, mais chacune n'a cessé, depuis cent ans, de regarder l'autre avec fascination. Deux femmes, Laïla Skalli et Monique Eleb, s'investissent pour sauvegarder et transmettre le patrimoine respectivement de Fès et sa médina de 100.000 habitants, la plus étendue du monde arabe, et de Casablanca, la plus grande métropole du Maghreb. Pour Laïla Skalli, architecte née à Fès, la capitale spirituelle dispose aujourd'hui de deux acquis : un art de vivre authentique et des trésors d'architecture. Un patrimoine qu'il faut revaloriser. Cette jeune femme s'est fixée pour mission de faire renaître la plus ancienne médina du Maroc après des décennies de repli sur soi. Elle a ainsi développé le concept du "logement chez l'habitant" (Ziyarate Fès), une première au Maroc. Trente familles ouvrent leurs magnifiques maisons aux voyageurs de passage. Un double avantage : faire connaitre le très riche patrimoine de Fès mais aussi offrir aux familles accueillantes une source de revenus qui leur permettra d'entretenir ces chefs-d'oeuvre d'architecture. Le but est aussi de veiller à ce que la médina ne se vide pas de ses habitants. Au-delà de cette expérience, Laïla a beaucoup d'autres idées pour la médina. Elle souhaite mettre en lumière l'artisanat d'excellence, qui fut depuis l'origine le moteur de la ville et qui subit aujourd'hui la concurrence de l'industrie. Tissage, travail du bois ou du cuir : Fès recèle des ateliers de qualité exceptionnelle. Un vaste chantier qui ne fait que commencer, puisque la jeune architecte veut élaborer des circuits touristiques dans l'ancienne médina, malgré ses sentiers étroits. Quant à Monique Eleb, cette professeur d'architecture à Paris née à Casablanca, son combat et de faire découvrir cette ville dont elle est passionnée, avec son architecture d'une richesse exceptionnelle où tous les styles sont représentés. Un héritage résolument tourné vers l'avenir. Auteur d'un ouvrage de référence qui a marqué une date importante dans l'histoire de Casablanca, Mme Eleb a permis au Casablancais de saisir l'importance de leur patrimoine, alors que la modernité de l'époque coloniale ne suscitait jusque là que peu d'intérêt. Casablanca est une ville moderne en plein développement qui pourrait ressembler à toutes les grandes métropoles du monde arabe ... si ce n'était son histoire fascinante et la richesse de son architecture - pour qui s'intéresse au patrimoine du XXème siècle. La ville, qui a connu une croissance fulgurante à partir des années 20, est une réalisation de l'époque coloniale. En effet, la France et son représentant au Maroc, le général Lyautey, partirent d'une médina ancienne de petite dimension et inventèrent de toute pièce une ville nouvelle qui prit une expansion surprenante. Les architectes français d'alors font connaissance de l'art marocain qui les fascine. Depuis, l'espace, l'argent et des clients qui se voulaient modernes ont donné naissance à de véritables chefs d'oeuvre d'architecture. Aujourd'hui, le Casablanca du "XXème siècle", quasi abandonné à l'indépendance, en 1956, est enfin reconnu à sa juste valeur. Cinquante ans après, les Casablancais commencent à prendre conscience d'un patrimoine désormais universel, mais qui était jadis associé à l'ère coloniale. Parmi ces trésors : le quartier dit "art déco" où les Européens marièrent l'architecture moderne aux arts marocains , le quartier des "Habous", où les français réalisèrent la réplique d'une médina traditionnelle, pour accueillir les Marocains qui s'installaient dans la ville, ou encore le quartier d'Anfa, réservé jusqu'à l'indépendance aux seuls Européens, où se trouvent les plus belles villas de Casablanca. L'émission rend également hommage à des agents immobiliers "militants" qui, au-delà des soucis financiers, luttent surtout pour la préservation de cet héritage. Leur combat: imposer aux acquéreurs potentiels des immeubles anciens de les entretenir et de ne pas changer rien dans la décoration et l'aménagement.