Le film "La fille la plus heureuse du monde", projeté en compétition officielle du 4è festival international du film de femmes de Salé (FIFS), offre un regard intéressant sur l'état actuel du cinéma roumain de ces dernières années, selon des critiques et cinéastes. Ce long-métrage aborde avec perspicacité les changements que vit actuellement la société roumaine, ont-ils affirmé lors d'une table ronde dans le cadre du FIFS, ajoutant que cette œuvre démontre également qu'en dépit de la crise que subit le cinéma dans ce pays d'Europe de l'Est, une "nouvelle vague" de jeunes cinéaste persiste et signe des œuvres d'une valeur esthétique appréciable. Reposant essentiellement sur les coproductions, le cinéma roumain frappe par sa franchise, son réalisme et sa capacité à puiser dans le réservoir des jeunes talents, cela sachant que le nombre de salles obscures est passé à 38 contre 400 il y'a quelques années. Une crise qui n'est donc plus à démontrer. Paradoxalement, il y' a montée en force de toute une "nouvelle génération furieuse contre la société" et déterminée à tourner, avec audace et sans concessions, des scènes tirées du vécu roumain. Ce film présenté à Salé est un bon crû de cette nouvelle vague. C'est l'oeuvre du jeune réalisateur Radu Jude, un jeune homme de 32 ans qui livre son premier long-métrage. Plus qu'un film, une radioscopie. "La fille la plus heureuse du monde" n'est autre qu'une jeune provinciale qui s'appelle Délia. Elle a 18 printemps et vient de remporter une magnifique automobile à bas prix de marque française dans un jeu-concours organisé par une enseigne de jus de fruits et de compotes. Le film s'ouvre avec une scène où elle est en voiture avec ses parents pour aller prendre livraison du cadeau, un instant solennel. Le coeur de l'histoire débute dès lors que la famille arrive sur place à l'Université à Bucarest, où sont installés les responsables du concours. Plusieurs conflits apparaissent alors. Le premier oppose la jeune fille à ses parents au sujet de la voiture: eux veulent la revendre au titre du sacrifice consenti pour son éducation, elle, souhaite l'utiliser pour s'échapper du foyer familial et entreprendre des études à Bucarest. De l'autre côté, la gagnante étant dans l'obligation de tourner, au volant de la voiture, une publicité vantant les mérites de la marque organisatrice, un deuxième conflit, non moins venimeux, met aux prises le réalisateur du spot publicitaire, avec son commanditaire, responsable du marketing de la marque de soda, qui entend faire respecter un cahier des charges propre à suggérer une complicité entre la jeune fille et la bouteille qu'elle tient dans la main. Délia doit réciter un texte inepte expliquant qu'elle est "la fille la plus heureuse du monde" tout en buvant des hectolitres de jus d'orange et en souriant bêtement au volant de la voiture. Une certaine idée reçue de la perfection étant visée, cela prendra toute la journée, dans une fébrilité destinée à masquer l'abyssale vacuité de l'opération. Un film d'une prodigue simplicité, qui dépeint sans en avoir l'air, l'entrée des ex-sociétés communistes dans le cercle vicieux de la société de consommation.