Le Parlement français a définitivement adopté la loi interdisant le port du voile intégral dans l'ensemble de l'espace public en France, après son approbation, mardi à une écrasante majorité, par le Sénat (Chambre haute). Les sénateurs ont ainsi entériné ce texte, qui porte par obligation l'appellation neutre de "loi visant à interdire la dissimulation du visage dans l'espace public", dans les mêmes termes qu'à l'Assemblée nationale (Chambre basse) qui l'a fait, le 13 juillet, à une grande majorité. En vertu de cette loi, le port du voile intégral dans l'espace public est sanctionné par une amende de 150 euros accompagnée ou non d'un "stage de citoyenneté en cas de refus". Le texte prévoit également que toute personne obligeant une femme à porter le voile intégral sera passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et 30.000 euros d'amende, une peine doublée si la personne contrainte est mineure au moment des faits. Une période de "dialogue" et de "pédagogie" de six mois est prévue avant l'entrée en vigueur des sanctions, notamment auprès des "femmes portant volontairement le voile intégral". Lors de la séance publique de mardi, 246 sénateurs ont voté pour et un seul contre sur 247 votants. La classe politique française, bien qu'opposée à cette pratique, était partagée à l'égard de ce texte. Si la majorité présidentielle (droite) était unanime sur la prohibition du voile intégral dans l'ensemble de l'espace public, les socialistes (opposition de gauche) ont plaidé pour une interdiction limitée aux services publics et aux commerces pour éviter que le texte ne soit censuré par le Conseil constitutionnel, garant de la constitutionnalité des lois. La majorité des sénateurs socialistes ne se sont pas présentés au vote. Pour ces derniers, "l'application risque d'être difficile et donnerait lieu à des conséquences inattendues". Ils craignent notamment une "stigmatisation" des musulmans qui favoriserait davantage le repli et le communautarisme.
De leur côté, les élus communistes et apparentés (opposition), pour qui ce texte n'est qu'une "opération politicienne", ont décidé d'exprimer leur position par l'abstention au vote. Pour les musulmans, chez qui cette pratique est ultra-minoritaire car ne concernant que quelque 1800 femmes en France, leur organe représentatif, le Conseil français du Culte musulman (CFCM) a, à plusieurs reprises, affiché clairement son opposition au port du voile intégral sur le territoire français. Mais le CFCM a également exprimé "son opposition à la promulgation d'une loi qui viserait son interdiction générale dans l'espace public". "Cette position, largement partagée, a été motivée, en particulier, par la fragilité juridique d'une telle mesure, les difficultés liées à son application et le risque de stigmatiser l'Islam et les musulmans de France". En vu de sa mise en oeuvre, le texte sera soumis à un recours devant le Conseil constitutionnel. Le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative en France consultée en février par le gouvernement, avait clairement signifié que le texte risque d'être jugé inconstitutionnel. Le risque est aussi fort que la Cour européenne des droits de l'Homme condamne le France pour l'adoption de cette loi. Le débat sur le voile intégral, lancé par un député communiste (opposition), André Gerin, qui présida la mission parlementaire sur cette question, a été repris par la majorité, après que le président Nicolas Sarkozy a clairement souligné que "la burqa n'est pas la bienvenue en France". Ce débat avait fait l'objet d'une longue polémique entre les partisans et les opposants à l'idée de légiférer pour l'interdiction de cette pratique, surtout qu'il coïncidait avec le débat sur "l'identité nationale" qui avait donné lieu à des dérapages xénophobes et islamophobes.