"Nous sommes tous Américains, quelle que soit notre religion": c'est avec ces quelques mots que Adem Carroll, directeur exécutif du groupe de plaidoyer américain "Muslim Consultative Network" résume l'identité de la communauté musulmane d'Amérique, qui s'est retrouvée récemment au coeur d'une polémique autour de la construction d'un centre communautaire musulman à New York. Par Nadia El Hachimi En effet, ce projet connu sous le nom de Park 51 n'a pas manqué de susciter, depuis début août, une polémique acerbe autour de l'emplacement du projet, mais, surtout, sur les limites de la liberté dans un pays surnommé "la terre des braves et des libres". Cette polémique, qui est allée crescendo à l'occasion du neuvième anniversaire des attentats du 11 septembre contre les tours jumelles du World Trade center et le Pentagone à Washington, a surtout "accentué le climat de méfiance contre les musulmans d'Amérique depuis cette date douloureuse", déplore cet ancien membre des Peace Corps au Maroc, dans un entretien accordé à la MAP. Sommes nous invisibles? La polémique autour du projet Park 51, poursuit Carroll, a glissé vers "une hystérie à l'égard de tout ce qui est musulman"."Aujourd'hui il y a un climat profond de négativité", explique cet américain musulman, faisant allusion à une série d'attaques contre les musulmans à New York, dont la plus célèbre est l'agression, à caractère islamophobe, d'un chauffeur de taxi musulman. "Neuf ans après les attentats du 11 septembre, beaucoup de musulmans Américains trouvent encore qu'ils ne sont pas acceptés", poursuit cet expert en études du Moyen-Orient, ayant enseigné à l'Université d'Istanbul et de New York. Un récent sondage du Pew Research Center a révélé que 30 pc des New yorkais ne connaissent aucun musulman, "serait-ce parce qu'il est difficile de nous comprendre? Sommes-nous invisibles?", s'est interrogé Carroll. Les musulmans américains envisagent leur avenir avec incertitude, a encore ajouté le directeur exécutif de cette organisation basée à New York, relevant que "l'adaptation aux normes américaines, reste aujourd'hui la seule alternative pour cette communauté" qui représente 2,3 pc de la société américaine. Interrogé au sujet des récentes menaces d'un pasteur évangéliste de brûler le Saint Coran à l'occasion de l'anniversaire des attentats terroristes du 11 septembre, Adem qui oeuvre activement en faveur des droits des familles des victimes et du dialogue interreligieux, juge qu'un "fossé" existe encore entre les musulmans et certains groupes chrétiens. "Nous essayons d'avoir accès aux évangélistes pour discuter de certains points", a-t-il dit en allusion au groupe "Dove World Outreach Center" de Floride, auteur de cette menace.
Les musulmans ne représentent aucunement l'image stéréotypée qu'on leur donne Carroll a tenu à souligner que les musulmans ne représentent d'"aucune manière" l'image biaisée que "certains courants américains" véhiculent. "Nous ne sommes pas parfaits mais nous aimons nos familles et notre patrie autant que vous", a-t-il souligné, notant qu'avec "toutes les crises dans le monde, il y a urgence de servir l'humanité et non seulement ses propres causes". Il a, de même, mis en exergue la nécessité de renforcer les passerelles du dialogue et de la compréhension entre toutes les religions. "En tant qu'amis, nous pouvons diverger sur plusieurs questions sans avoir à nous battre ou avoir peur l'un de l'autre". "Si l'on ne se rapproche pas, nous ne pourrons pas protéger notre pays", a-t-il encore souligné, appelant la société Américaine à ne pas s'arrêter devant "les idées reçues". Loin de se complaire dans le pessimisme, Adem a finalement souligné qu'"il y a peu de risques que les Etats-Unis emboitent le pas à certains pays Européens, qui s'emploient à effacer l'identité de leurs communautés musulmanes".