Abdallah EL Hariri, l'une des figures emblématiques et illustres de l'art contemporain, notamment du signe calligraphique au Maroc, a fait l'objet d'un hommage particulier à la villa des Arts de Rabat. Par Roukane El Ghissassi "Nous sommes entourés d'un univers invisible et l'artiste, le musicien et le poète, chacun à sa manière, tentent de saisir une parcelle de (cette chose) invisible pour la représenter, la traduire et l'exprimer dans son travail", soutient El Hariri lors de cette rencontre qui s'inscrit dans un cycle de conférences qui retrace le cheminement de cet artiste-peintre. EL Hariri, qui ne porte pas dans son cŒur les expressions grandiloquentes et encore moins les propos élogieux qu'on tient à son égard, affirme sur un ton amusé, en cette occasion, que "l'art est un acte de jeu qui doit permettre à l'artiste de retourner à l'enfance". Tout l'enjeu, aujourd'hui, est de "développer un discours pictural tourné vers l'avenir qui instaure un dialogue avec ce qui se passe réellement dans notre univers", estime cet artiste dont des diapositives ont été présentées à l'auditoire, lors de cet hommage, pour retracer son itinéraire, son vécu d'enfant, notamment sa relation avec sa maman qui a su lui transmettre l'amour des objets (coussins et lhoufs) et des couleurs et le rôle déterminant qu'a joué son frère architecte-urbaniste dans son existence, comme il a tenu à le rappeler. Son parcours rocambolesque d'artiste, ayant exposé à titre individuel et collectif, depuis 1967, en France, Italie, Japon, Etats Unis, Angleterre, Espagne, Pays Bas, Belgique, Irak, KoweïtŒetc, et côtoyé une kyrielle de personnes, est également revisité. Ont émaillé les rencontres de ce peintre, les peintres (Mehdi Kotbi, Abderrahman Meliani, Chaabiya TalalŒ), les romanciers (Edmond Amran El Maleh, Mohamed Choukri..), les poètes (Mohamed Bennis, Mahmoud Darwich), les humoristes (Jamal Debbouze), les hommes politiques (Abderrahmane El Youssoufi, Mohamed Achaari) et les sportifs (Nezha Bidaouane). L'artiste-peintre Abderrahmane Ouardane, intervenant lors de cet hommage, qualifie EL Hariri, de "pilier" et de "précurseur de l'art marocain contemporain" qui dispose de cette faculté de pouvoir regrouper et fédérer les gens autour d'idées nouvelles. Il faut dire que la présence de ce peintre dans le champ plastique au Maroc ne date pas d'hier mais remonte à plus de quarante ans. L'ont aidé dans sa formation également le stage de décoration théâtrale et cinématographique en France et celui de gravure à l'Ecole supérieure des Beaux Arts de Lodz en Pologne. Très actif, EL Hariri est membre et fondateur de plusieurs associations en l'occurrence, l'Association marocaine des arts plastiques (AMAP), la Cité des arts, le Club Al BAIDA, le Syndicat des plasticiens marocains et le Village des ateliers d'artistes, outre qu'il est le président fondateur du collectif Al lamma. Loin d'être avare des connaissances en matière plastique, le peintre ne s'enferme pas dans sa tour d'ivoire mais il a hâte de transmettre ce qu'il a reçu comme savoir de ses maîtres dans les écoles des beaux arts, comme de chez Mme Niamatallah El Khatib Boujibar, qui lui a rendu également hommage ce soir. "C'était un garçon fin et assoiffé d'être formé, il se distinguait des autres élèves par cette envie insatiable d'apprendre", rappelle cette ex-inspectrice générale du musée archéologique de Rabat. Ayant bien appris sa leçon, EL Hariri ne tarde pas à dispenser des cours à son tour à des élèves en section d'art plastique à la faculté des lettres Ben M'sik Sidi Outhmane et à l'atelier de la liberté à la faculté des Sciences de Aïn Sebaâ à Casablanca. Cet artiste est "quelqu'un de foncièrement humain", tient à souligner El Khatib Boujibar. Infatigable, El Hariri est toujours entrain de courir pour organiser des expositions " en vue de faire connaître des talents jeunes ", a-t-elle poursuivi. En évoquant son travail, elle s'est dit "épatée" par ses toiles marquées par des figures marocaines et des couleurs douces, qui "ne sont en réalité que l'expression de son caractère", a-t-elle relevé. Abondant dans ce sens, le peintre Aïssa Ikken s'est dit, pour sa part, "en communion" avec le travail d'EL Hariri notamment en ce qui concerne sa représentation du signe. "Un apport spécifique culturel qui ne s'inscrit pas dans l'identitaire", a-t-il fait remarquer. Cet artiste, qui a épousé le signe calligraphique comme moyen d'expression de son être "est désormais dans l'invisible. Il a approfondi la plasticité de la lettre arabe pour la faire sortir de son contexte lexique et sémantique", a renchéri Ikken.