Il semblerait qu'au Maroc la liberté d'expression ou du moins le droit de la presse écrite, serait loin d'être acquis. C'est une lutte continuelle entre le pouvoir public et la presse indépendante. Et lorsque nous remportons une victoire, trop souvent hélas, la guerre est perdue d'avance! Le moindre espace perdu par les médias, un confrère ou par un citoyen quelqu'il soit, est une défaite pour tout un chacun. Au Maroc, on croit nager à la surface quand nous sommes emportés par le tourbillon de le censure. Le cas de l'hebdomadaire marocain "Maroc Hebdo International" en est un bien triste exemple. Juger un journal (660 000 Dh) et poursuivre son directeur de publication ( 3 mois de prison avec sursis) et le journaliste ( 3 mois de prison avec sursis) qui a peut-être un peu trop crûment donné son opinion à propos d'un animateur et d'une émission de télévision, relève de l'exagération, voire de l'absurdité. Condamner la presse indépendante pour son non droit à la parole, c'est condamner le citoyen. Jusqu'à quand obliger le citoyen à porter des ornières pour le conduire comme un âne et le faire agir comme un béni-oui-oui? Jusqu'à quand condamner la presse indépendante parce qu'elle ne pense pas comme l'intelligentsia marocaine__ dans ce cas-ci, la Radio-Télévision Marocaine? Messieurs Tricha et Issari, directeurs de la RTM, __ Radio-Télévision Mortelle? se croient-ils au-dessus des libertés individuelles pour abattre la presse? Les jugements de la cour seraient-ils noirs ou blancs selon que l'on soit puissants ou misérables? Au Maroc, il semblerait que "des" gens au pouvoir contrôlent encore et toujours l'information. Ils déterminent qui doit penser quoi. Tant que nous sommes dociles tout va. Dès que l'on s'insurge contre un fait "aussi banal soit-il", rien ne va plus, les jeux sont faits: les méchants parleurs payent des amendes à coup de millions (oublions l'amende symbolique!) et font de la prison. Amère déception! Messieurs Mohamed Selhami et Amale Samie ne sont pas en reste. Ils s'y frottent, ils s'y piquent, car on ne badine pas avec le ministère de l'information, en l'occurrence le pouvoir de la RTM. Le droit à la critique serait-il banni du petit écran? Elle qui qui est sensée refléter les besoins et souhaits du téléspectateur? Cette boîte magique ne semble pas pas aussi magique qu'il y parait. Elle serait même dangereuse pour le téléspectateur! "Chers contribuables et chers téléspectateurs, si vous avez des suggestions ou des critiques à faire, cela vous coûtera des millions, peut-être même de la prison. Alors, surtout n'hésitez pas à exprimer vos idées. C'est votre télévision, elle vit à vos frais et par vos taxes. Ne l'oubliez pas". Amale Samie, ne peut-il s'exprimer en toute franchise? Qu'elle est la mission du journaliste sinon de dire tout haut ce que le lecteur pense tout bas? Qu'elle est sa mission sinon de réveiller la conscience collective? Faut-il museler, bâillonner, enchaîner, ligoter, écraser, obliger à mentir ou faire taire sous la menace ou par la torture morale et physique tous les journalistes un peu trop zélés ou...grossiers? L'affaire Clinton-Lewinsky (Monica pour les intimes, The cigar pour les initiés) nous aura appris qu'au pays le plus puissant au monde avec l'homme le plus puissant au monde, c'est plutôt avec la presse qu'on ne badine pas! (Cf. Maghreb Observateur de février, avec Monsieur et madame Clinton en couverture...) Ici, en Amérique du Nord, il est vrai que la liberté d'expression est une des valeurs les plus respectée au monde. Mais s'il y a plus de 500 livres ou magazines actuellement bannis ou censurés (pour le Canada) ce sont pour la plus part des revues violemment pornographiques, pédophiles, obscènes ou interdites pour Raison d'Etat ou intérêts purement économiques. Aux Etats-Unis, un livre sur la CIA : The CIA and the Cult of Intelligence a vu 71 de ses pages censurées. (extrait de the Book and Periodical Council). Les articles incriminés au Maroc sont des pages d'ange à côté! Déjà, à la fin des années 70, début des années 80, le multimilliardaire Larry Flynt, _patron de HUSTLER, magazine pornographique (vous connaissez?) et de 29 autres revues_ a milité pour la liberté d'expression. Il a fait de la prison et un fanatique lui a tiré dessus. Il est depuis plus de vingt ans en chaise roulante. Chaque fois donc, qu'il subissait une censure, il s'attaquait au système judiciaire dans son entier car disait-il son cas dépasse le magazine incriminé. Il concerne la liberté d'expression de chaque citoyen. "Ce pays ajoutait-il, vous appartient autant qu'il m'appartient. Chaque citoyen y a le droit absolu de faire l'exercice de son opinion quelle qu'elle soit." C'est ainsi qu'un pays obtient la puissance, la fierté et la liberté. Tel est le prix à payer. (À voir absolument le film: Larry Flynt.). Monsieur Alan J. Isaacman, avocat de Larry Fynt, a plaidé à la Court Suprême des Etats-Unis en disant que le discours impopulaire est vital dans un pays. C'est justement notre droit à la critique qui donne de la valeur de la validité et de la vitalité à toute société civile. Il nous faut respecter au plus haut point le libre échange des idées aussi controversées soient-elles. Etouffer nos idées, c'est nous asphyxier et renverser d'un vulgaire coup de pied les droits de l'homme et du citoyen. Sommes-nous à des années lumières des Etats-Unis, ce pays souverain ? Un état de droit qui restreint la liberté de la Presse, abuse de son pouvoir et nuit au libre-arbitre du citoyen. Pour revenir au Maroc, l'hebdomadaire "Le Journal" vient de subir une censure partielle ou déguisée (?) au sujet de l'article sur Malika Oukfir se rapportant à son livre La prisonnière. Que Malika se défoule par l'écriture et qu'elle raconte son histoire! Le droit de réponse est tout autant un exutoire et que le lecteur offensé le pratique! Tout débat est salutaire. Enfin, concernant la lourde condamnation, émise par la Cour à l'encontre de "Maroc Hebdo International" c'est là, une atteinte impardonnable à la liberté de la presse _ bien qu'Amale Samie n'y soit pas allé de main morte...Peut-être aurait-il dû éviter l'insulte gratuite. Je ne peux que m'insurger contre cette sanction aussi arbitraire qu'injustifiée et je ne peux que regretter qu'au Maroc le système judiciaire ait encore un long parcours à parcourir.