Le projet de budget 2017 présenté par le gouvernement sortant suit la longue liste des budgets présentés par lui depuis 2012, marqués du sceau de la nonchalance, de la monotonie et de l'expectative. Il continue d'être calculé sur les bases d'une croissance économique de la zone euro faible, estimée en amélioration alors que le rapport économique de l'UE l'estime à 1,5% en 2017, estimation qui ne peut être qualifiée de positive. On rappelle ainsi que la croissance de la zone euro reste mitigée, sans évoquer l'impact du Brexit sur les agrégats économiques de l'Union Européenne et sans oublier les risques potentiels de la sortie de certains pays européens de la zone euro. Les prévisions de croissance dans le monde sont plus pessimistes que jamais, contrairement aux avancées défendues par certains, surtout avec la montée en vogue des politiques protectionnistes prônées, en outre, par Theresa May, Première ministre du Royaume Uni, et l'arrivée au pouvoir, aux Etats-Unis, de D. Trump à la tête de la première puissance économique mondiale. En outre, dans le contexte actuel, prévoir une amélioration des indicateurs macroéconomiques au Maroc de l'investissement et de la consommation des ménages en 2017 relève de la pure fantaisie. Pas plus que l'investissement de 2016, dont le montant est proche de celui de 2017 et qui concerne et le budget général et celui des entreprises publiques, n'avait permis de résorber le chômage et améliorer le niveau de vie des citoyens en 2016, l'investissement public prévu de 190 MM de DH en 2017 qui est de même niveau que celui de 2016 ne permettra pas d'améliorer les principaux indicateurs économiques et sociaux du fait d'un manque structurel de débouchés, d'un manque de volonté politique de relance industrielle et d'une absence obligée de la touche sociale. On ne cessera de réitérer qu'il faut un niveau d'investissement plus important de 300 MM DH/an suivi d'un plan audacieux de réforme structurelle du tissu économique et d'un plan volontariste de création de grands conglomérats industriels orientés vers l'exportation pour pouvoir espérer gagner un niveau de croissance économique soutenu et pluriannuel de plus de 5%. Encore faut-il veiller à la valorisation et à l'évaluation des investissements engagés et veiller aussi à réduire les coûts d'investissement, de réduire la fiscalité des entreprises et d'honorer les délais de paiement. Qu'il faut aussi une vraie politique de chasse aux gaspillages et à la mauvaise dépense publique, et de lutte contre la fraude sociale et fiscale et aussi contre les coûts qu'engendre la mauvaise gestion des collectivités locales. Au final, les mêmes politiques générant les mêmes effets. Le seul agrégat qui se maintiendra en 2017 est bien celui de la dette publique globale qui devrait atteindre un taux de 80% du PIB et celui du Trésor de 64,9% du PIB. Le budget 2017 est un budget qui ressemble aux autres sans aucune touche de réforme structurelle ayant un impact substantiel sur l'amélioration du climat des affaires et sur l'amélioration du pouvoir d'achat des citoyens. Les réalisations, qui nous laissent sur notre faim – qu'on ne peut que saluer à la suite du dernier point de presse de Monsieur M. Boussaïd, ministre de l'Economie et des Finances- sur l'amélioration du déficit budgétaire à 3.9% du PIB en 2016 par rapport aux années précédentes dues en gros à la baisse des dotations au titre de la Caisse de Compensation qui sont passées de 56 MM DH à 15 MM DH et à la pluviométrie exceptionnelle de 2015, ne doivent pas nous faire oublier le solde du compte courant de -1,4% du PIB qui demeure déficitaire dû à la faible croissance en dents de scie du PIB réel, soit 1,7% au lieu de 4,4% en 2015 et qui est un indicateur fiable de l'état de santé financière de notre économie nationale, ce qui montre encore une fois que notre situation financière reste fragile et loin d'être à l'abri des aléas climatiques. Le taux de croissance ridiculement bas de notre PIB en 2016, est un échec cinglant du gouvernement dont la politique économique, mise œuvre depuis, ne produit aucun résultat. Au vu de ces chiffres particulièrement inquiétants, les propos du ministre de l'Economie et des Finances saluant une activité dynamique apparaissent optimistes et ubuesques. Depuis bien des années, les citoyens continuent de supporter tous les sacrifices : dérégulation, précarisation de l'emploi, coupes dans les secteurs régaliens, augmentation de la fiscalité sur les ménages, baisse et/ou stagnation des salaires, casse de notre modèle social, avec une réforme du régime civil des retraites somme toute biaisée. Voici les seules solutions qui ont été envisagées et présentées comme l'unique issue raisonnable. Dans cette vision économique étriquée, sous l'injonction des bailleurs de fonds, nous voilà prisonniers de ces recettes imposées qui ont pourtant fait la démonstration de leur inefficacité à permettre le développement économique et social. Par contre, Il y a d'autres outils pour relancer l'économie, augmenter les recettes et rembourser la dette publique sans nous imposer rigueur et austérité. Ces outils sont ceux utilisés par 95% des pays du monde mais demeurent politiquement très incorrects à vos yeux : la libéralisation du taux de change de notre monnaie nationale, le protectionnisme intelligent et une panoplie de réformes structurelles. Le Maroc ne doit donc pas rester sur le bord du chemin dans les grands mouvements qui s'annoncent. Oui, il est possible de remettre en cause la mondialisation et prendre le train du patriotisme économique et du protectionnisme intelligent, c'est-à-dire de la relocalisation des IDE, dont la baisse du flux de 34,9% en 2016 nous laisse pantois, et de l'économie de proximité. Pour retrouver de la croissance et de la productivité, il faudra en outre redonner à notre pays les armes pour se battre dans la compétition mondiale, c'est-à-dire récupérer sa souveraineté économique et commerciale dans l'objectif d'améliorer le taux de couverture des importations qui est en 2016 de 55%, soit 7 mois de couverture des importations. L'innovation doit être au cœur de notre vision avec à la base un Etat stratège favorisant la recherche, l'innovation, le développement de filières industrielles dans des secteurs clés et de croissance. Des énergies propres et abordables, des infrastructures de qualité sont considérées à juste titre comme nécessaires à l'économie. L'éducation et l'aménagement du territoire ne sont pas oubliés pour que tout le monde puisse profiter des fruits de la croissance. Seule par une politique volontariste et une stratégie industrielle, le Maroc prendra une direction radicalement différente de celle décidée autrefois, sinon il deviendra pour notre plus grand malheur le dindon de la farce d'un monde en plein changement. *Expert économiste