La ville de Tanger a toujours entretenu un rapport dense avec le cinéma. Des films célèbres tournés dans la cité et des cinéastes et comédiens de renom issus de la ville vont constituer un capital cinématographique mémorable. Dès 1919, le premier long métrage tourné au Maroc le fut en partie à Tanger en plus de Casablanca et Marrakech. C'est le début d'un fascination qui durera jusqu'à aujourd'hui. Tanger aime le cinéma. Alcazar, Capitol, Ciné-Americano, Dawliz, Flandria, Goya, Ciné Lux, Mabrouk, Mauritania, Paris, Rif (ancien Rex), Roxy, Tarik et Vox, ils étaient quatorze autrefois. Il ne sont plus aujourd'hui que quatre à avoir résisté au sort du Mabrouk devenu un immeuble, le centre commercial d'en face s'étant adjugé son nom. Ceci n'étant qu'un reflet de la situation des salles au Maroc.Mais les survivantes, le Paris, le Roxy, le Rif et le Tarik, témoignent de la force du cinéma dans la ville du détroit. Elles sont généralement spécialisées et accueillent soit des films arabes, soit des films espagnols, soit des films français. Les grandes productions américaines y sont également présentées. Un festival du court-métrage présente chaque mois de septembre des productions intéressantes. Enfin, une société de production, Imago Films International, dirigée par Moumen Smihi, est basée à Tanger. Et puis a ouvert, en 2007, jumelée à l'ancien cinéma Rif, sur la place du grand Socco qui est le point d'aboutissement ou de départ de toutes les escapades dans la médina, la nouvelle cinémathèque de Tanger. Outre son admirable terrasse, elle offre une programmation ouverte et intelligente. Ce complexe cinématographique comprend désormais deux salles (300 et 50 places), un café-restaurant, une bibliothèque, deux réserves d'archives et une salle de montage situés au cœur de Tanger. Depuis l'ouverture, plus de 100 000 spectateurs, 3500 séances, 1500 films, 50 ateliers, 15 programmations hors les murs dans des lieux prestigieux (Tate Modern, Londres, LACMA, Los Angeles, Centre Pompidou, Marseille). Et un excellent festival du cinéma espagnol.Signalons également la création en 2011 du Ciné Club Elisa, sous l'égide de La Fondation Méditerranéenne Elisa Chimenti, qui propose deux fois par mois quelques chefs d'oeuvres du 7ème Art, dans le cadre magique du Palais Moulay Hafid. Si l'ensemble du Maroc peut s'enorgueillir d'une longue tradition cinématographique, inaugurée en 1897 par les frères Lumière dans "Le cavalier marocain". Et parmi les villes marocaines, Tanger est celle qui a le plus souvent servi de décor aux cinéastes du monde entier. Comme dans toute l'histoire du cinéma marocain, luminosité et transparence de l'air, paysages variés, patrimoine architectural, figurants peu chers ont légitimé les choix de tournage. Mais trop souvent, les réalisateurs occidentaux n'avaient jamais utilisé Tanger comme objet autobiographique, comme cadre exclusif. Beaucoup d'entre eux se sont d'ailleurs contentés d'exploiter un filon exotique en utilisant l'image de la ville de transit comme lieu supposé de tous les trafics. Quand le cinéma marocain prend son essor propre, tentant de tourner le dos à l'orientalisme de pacotille pour mieux refléter les réalités du pays, les réalisateurs locaux,eux aussi, feront halte à Tanger. Dans une période récente enfin, des cinéastes attentifs à la réalité marocaine, comme Bertolucci avec « Un thé au Sahara » ou Téchiné avec « Loin » et « Les temps qui changent », jetteront sur la cité porte de l'Afrique un regard nouveau.