L'année 2016 reste similaire aux autres années du mandat du gouvernement sortant au niveau du dialogue social et du bilan de l'Exécutif en la matière, marqué par le blocage des négociations sociales. Des universitaires et syndicalistes ont été unanimes sur le caractère stérile de l'année qui touche à sa fin en terme de réalisations sociales pour la classe ouvrière en particulier, laissant ainsi planer une certaine incertitude sur l'avenir du dialogue social. Dans ce cadre, le professeur du droit constitutionnel à la faculté de droit de Mohammedia, Said Khamri a estimé que le succès de tout dialogue social reste intimement lié au degré d'engagement des parties prenantes, en l'occurrence les syndicats, les employeurs et le gouvernement, faisant remarquer que le gouvernement d'Abdelilah Benkirane "n'a pas déployé les efforts nécessaires pour la mise en oeuvre du dialogue social", évoquant notamment des décisions "unilatérales sans l'implication des centrales syndicales" sur plusieurs dossier, en particulier la réforme des régimes de retraite. Blâmer l'exécutif pour le blocage du dialogue social n'épargne pas une responsabilité des syndicats, a-t-il toutefois reconnu, notant que le rendement de ces derniers a aussi régressé notamment sur le plan de leur capacité à encadrer et défendre les intérêts de la classe ouvrière. Plusieurs actions syndicales ont été menées en 2016 dans une tentative visant à convaincre le gouvernement à ouvrir le dialogue à travers la constitution d'une coordination syndicale composée des centrales les plus représentatives au niveau national qui a dénoncé à maintes reprises la lenteur de l'exécutif dans la résolution des dossiers sociaux en suspens. Selon l'universitaire, l'Union marocaine du travail (UMT), la Confédération démocratique du travail (CDT), la Fédération démocratique du travail (FDT) et le Syndicat national de l'enseignement supérieur (SNES) ont exprimé à plusieurs occasions "leur déception quant à l'entêtement et au manque d'engagement du gouvernement vis-à-vis des revendications de la classe ouvrière et des salariés ainsi que sa position rejetant le dialogue et la négociation collective en dépit des initiatives crédibles du mouvement syndical". Ces centrales avaient estimé que le gel des négociations collectives de la part du gouvernement était l'"expression d'une situation de déséquilibre sur le plan politique et institutionnel qui était contraire à toutes les dispositions constitutionnelles prônant la démocratie participative et le respect des droits humains de base", a-t-il souligné. Pour sa part, l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM) a plaidé, dans son discours adressé à la classe ouvrière à l'occasion de la célébration de la fête du travail 2016, en faveur de l'institutionnalisation du dialogue social, dans un esprit de responsabilité qui doit animer le gouvernement et les centrales syndicales pour la satisfaction des revendications de la classe ouvrière, mettant en garde contre toute atteinte aux droits des travailleurs. L'UNTM a, en revanche, salué "le climat positif dans lequel s'est déroulé le dernier round du dialogue social" ayant réuni, en avril dernier, le chef du gouvernement et les différents partenaires sociaux même s'il était en deçà des attentes des centrales syndicales les plus représentatives qui ont exprimé dans une déclaration commune "leur rejet de l'offre gouvernementale jugée insignifiante". Le chercheur universitaire et syndicaliste Mohamed Kori a, quant à lui, estimé que l'incapacité des parties au dialogue social à trouver une réponse à la problématique des mécanismes de négociations qui manquaient terriblement depuis des années, ne peut avoir de justification dans ce contexte sensible pour la classe ouvrière où étaient en jeu des questions sociales nécessitaient un consensus fondamental entre les partenaires sociaux, notamment la loi organique sur la réglementation du droit de grève ou encore la réforme de la retraite. Le dialogue social est un mécanisme pour élaborer des politiques sociales consensuelles et mutuellement bénéfiques Au lieu de privilégier une approche participative, le gouvernement s'est attelé de manière unilatérale à régler les dossiers sociaux, a-t-il relevé, ajoutant que cela "témoigne du déclin des syndicats, dû essentiellement au faible taux de syndicalisation, et l'émergence de mouvements alternatifs, sans oublier l'intérêt porté par le gouvernement de traiter avec les patrons à travers la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) tout en marginalisant les mécanismes des négociations tripartites, auxquels s'ajoute la volonté l'Exécutif de recueillir la confiance des organismes internationaux au détriment des intérêts de la classe ouvrière". Le dialogue social est un mécanisme pour élaborer des politiques sociales consensuelles et mutuellement bénéfiques, a-t-il insisté, jugeant "inacceptable" que le gouvernement transforme les rounds de dialogue en des rencontres de présentation des projets de réforme, sans montrer aucune disposition d'écoute vis-à-vis des syndicats, ce qui s'inscrit en contradiction avec deux conventions internationales de l'Organisation internationale de travail (OIT) que le Maroc a ratifiées à savoir la convention n° 98 sur le droit à la négociation collective et la convention n° 135 sur le tripartisme. De son côté, Mohamed Atif, chercheur dans le domaine syndical, a fait remarquer que 20 après l'adoption de l'accord historique du 1er aout 1696 ayant mis en place les fondements du dialogue social, la pratique démontre qu'il n'a pas été mis en œuvre dans sa globalité malgré la multiplication des conflits sociaux, ajoutant que la situation actuelle marquée par un recul flagrant en matière de négociation et de dialogue social avec le gouvernement en est la meilleure preuve. Selon lui, cet accord et les autres qui l'ont suivi en 2000, 2003 et 2004 constituent une plate-forme idoine pour la résolution de l'ensemble des dossiers sociaux menaçant la stabilité et la solidarité sociale du royaume, mettant l'accent sur la nécessité d'une réelle volonté politique afin que le Maroc puisse honorer ses engagements en matière de respect des lois, et des conventions internationales dans ce domaine. Si le gouvernement a exprimé à plusieurs reprises son attachement au dialogue comme mécanisme de résolution des questions sociales et économiques et les syndicats insistent sur son importance pour la consécration de la paix sociale, aujourd'hui il est plus urgent de s'atteler au rapprochement des vues entre les deux partenaires au sujet des questions en suspens et relancer le dialogue, loin de tous calculs étriqués de gain et de perte, car il en va des intérêts de la classe ouvrière. Comme l'avait affirmé le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, lors du dernier round, le Maroc a aujourd'hui plus besoin de la conjugaison des efforts de tous, gouvernement et partenaires sociaux et économiques, en vue réunir les conditions d'une relance de la croissance et de la mise en place des mécanismes nécessaires à la réalisation de l'équilibre et de la justice sociale.